Écrivain, poète, Robert Piccamiglio avait déjà évoqué ses années d’usine dans Chroniques des années d’usine, sorti en 1999 aux éditions Albin Michel. Plus de vingt ans après, il a éprouvé le besoin d’y revenir avec un nouveau livre Derrière la nuit, l’usine.
Parce qu’il y a passé trente-trois années de son existence. Trente-trois années occupées par un travail qu’il ne détestait ni n’aimait. Trente-trois années enfermé à refaire les mêmes gestes, devant les mêmes machines qui fabriquent des roulements à bille.
Trente-trois années en bas de l’échelle, puisqu’il n’a jamais voulu monter en grade, devenir un de ces petits chefs tatillons qui surveillent les cadences, forcément infernales. L’un des rares avantages qu’il concède à cet enfermement volontaire, avec la paye qui tombe à chaque fin de mois, c’est qu’il lui permettait de mieux apprécier le temps passé hors de la fabrique. À rejoindre l’une de ses conquêtes, sous la voûte étoilée, qui l’aidaient à affronter la monotonie et la dureté de son existence, par la douceur de leur corps.
Avec son écriture à fois précise et sincère, cet humour en coin qui l’aide à supporter la difficulté de sa condition d’ouvrier, Robert Piccamiglio réussit à décrire l’ennui que peut susciter un travail répétitif sans jamais être lui-même ennuyeux. In fine, ces années de turbin n’auront pas été inutiles : elles lui ont permis d’écrire ce livre âpre et passionnant. Parce qu’il raconte aussi l’amitié et l’amour, qui comptent bien plus que l’usine.
Derrière la nuit, l’usine – Robert Piccamiglio, éditions La Fosse aux ours, 192 p., 19 €.