Le TNP a l’excellente idée de reprendre la dernière pièce de Tatiana Frolova et sa troupe de comédiens, Nous ne sommes plus. Qui sonne comme un bouleversant adieu à la Russie qu’elle a dû quitter.
Metteuse en scène russe, désormais établie aux Célestins, où elle bénéficie du statut d’artiste associée (avec d’autres membres fidèles de sa compagnie le théâtre KnAM), Tatiana Frolova y a présenté, dans le cadre du festival Sens Interdits, sa dernière création Nous ne sommes plus,la saison dernière. Une création théâtrale qui sonne comme un adieu, probablement définitif, à sa patrie, et surtout à la maison-théâtre qu’elle a fondée à Komsomolsk-sur-l’Amour, en Extrême-Orient russe en 1983. Mais elle n’avait pas le choix.
“Le début de la guerre en Ukraine a été le dernier point inacceptable de tous ceux commis par ce pouvoir. Nous avons compris que Poutine utilisait la force et que ça devenait son seul langage, une langue vernaculaire. Ce qui nous mettait en grand danger. Nous avons su que l’on était surveillé, que l’on était dans le viseur. Au niveau des autorités, les masques sont tombés.
On a compris que la vraie terreur allait commencer”, expliquait-elle.
Nous ne sommes plus est une manière de réponse à son précédent spectacle, Je suis, présenté en 2013 aux Célestins. Je suis portait un regard sombre et accusateur sur la Russie, livrée aux mains sanguinaires de son président, alors en guerre contre la Tchétchénie. Nous ne sommes plus est un spectacle plus personnel, teinté de nostalgie.
On y retrouve tout l’art de la metteuse en scène et de sa troupe, le théâtre KnAM. Ainsi que toute la poésie qu’elle sait insuffler dans chaque image, chaque geste, chaque parole ; lestés du poids de la grande histoire mais aussi des récits intimes des comédiens et de leurs proches.
Tous racontent comment ils ont dû quitter leur pays, avec des bagages ne pouvant excéder le poids de 23 kilos (intangible règle soviétique !). Autant dire que chacun des objets et des vêtements choisis revêt une formidable valeur symbolique. Cela peut être le châle hérité d’une grand-mère (les babouchkas jouent un rôle capital en Russie) comme cette statuette qui représente l’équivalent russe de notre père Noël.
Utilisant à merveille la vidéo comme le maniement des lumières et des couleurs, la pièce nous embarque dans un imaginaire saisissant d’émotion et de vérité. On a souvent la gorge nouée à l’écoute des chansons (dont un surprenant karaoké sur du Mireille Mathieu !) et devant les danses qui s’improvisent quand les mots ne suffisent plus pour exprimer sentiments et sensations qui se bousculent.
Tout est magnifiquement structuré, agencé de telle manière que l’on en est bouleversé. Ceux qui n’ont pas vu le spectacle aux Célestins pourront le découvrir au TNP, où il est repris du 20 au 23 novembre. Et ceux qui l’ont déjà vu le reverront avec une émotion intacte.
Nous ne sommes plus – Du 20 au 23 novembre au TNP