Dans le cadre d'un état des lieux des eaux du bassin Rhône-Méditerranée et Corse, l'agence de l'eau a présenté son nouveau rapport. Sans évolution majeure, il permet néanmoins de relever des risques inconnus auparavant en Auvergne-Rhône-Alpes.
Une nouvelle fois, l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a présenté son nouveau rapport sur l'état des eaux du bassin. Comme les années précédentes, comme en 2020 ou encore en 2022, 52 % des rivières sont en "bon état écologique" et 81 % des nappes souterraines étudiées affichent un "bon état chimique".
A la différence près que, chaque année, de plus en plus de données sont recueillies, exploitées et analysées. En 2024, 6,5 millions l'ont été. "Cette surveillance est faite pour comprendre les effets du dérèglement climatique, des activités humaines et de l'état de santé des victimes. Mais c'est aussi fait pour agir", assure Jean-Philippe Deneuve, directeur de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Auvergne-Rhône-Alpes.
Environ 10 millions d'euros sont consacrés par l'agence de l'eau pour cette surveillance, opérée en collaboration avec des laboratoires, qui étudient des paramètres physiques (qualité des milieux annexes, température...), chimiques et biologiques (présence de petites algues, d'une biodiversité...). Le tout se synthétise dans la fameuse donnée de "bon état écologique" (52 %). Et, a contrario, de mauvais état (les 48 % restants). "Disposer d'un état des lieux de la qualité des eaux, ça permet de mesurer le chemin parcouru et les résultats", résume Nicolas Mourlon, directeur de l'agence de l'eau de ce bassin.
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Des micro-polluants principalement dans les zones d'activité
Car du haut de ses 500 millions d'euros de budget global utilisés chaque année pour préserver et restaurer la qualité des rivières et des nappes souterraines, l'agence de l'eau se doit de tirer le bilan de ses actions. D'autant que l'objectif français est d'atteindre les 67 % de rivières en "bon état écologique" d'ici 2027.
La plupart des rivières actuellement en bon état, voire très bon état, se trouvent dans les zones alpines de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Quant aux cours d'eau qui présentent le plus de risques, autrement dit les plus dégradés, ils se concentrent en très grande majorité sur les zones d'activité économique. A savoir des zones d'activités industrielles, de concentration de population, d'activités agricoles ou encore touristiques. Le département du Rhône est particulièrement touché, au niveau de l'agglomération lyonnaise et de ses plaines agricoles.
"Ce qu'on voit, c'est que l'impact toxique des micro-polluants retrouvés dans l'eau a plutôt tendance à baisser ces quinze dernières années, rassure Olivier Fontaine, chef de projet à l'Agence de l'eau. Pour autant, on retrouve beaucoup de micro-polluants dans l'eau et on ne dispose de normes de qualité que pour 73 d'entre-elles". En clair, il existe un grand nombre de substances pour lesquelles l'impact toxique est méconnu. S'ajoute à cela la présence de substances encore indétectables, soient inconnues.
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Une avancée dans la détection des PFAS
Mais les progrès analytiques permettent aujourd'hui de repérer et d'analyser de plus en plus de substances, à l'image des PFAS, un composé perfluoré, non détectés jusqu'en 2014. Depuis, "on en trouve un peu de partout", maintient Olivier Fontaine. Si plus de 700 substances (pesticides, hydrocarbures, médicaments...) sont pour l'heure retrouvées dans l'eau, cela démontre surtout un progrès technique et une meilleure capacité à les repérer et, par conséquent, à engager des mesures pour limiter les risques d'une eau toxique.
Quant aux PFAS, ces composés perfluorés fabriqués par l'industrie, "il y en a des milliers pour lesquels on ne sait pas beaucoup de choses", dixit Jean-Philippe Deneuvy, le directeur de la DREAL régionale. En Auvergne-Rhône-Alpes, deux points de détection majeurs des PFAS ont été repérés : le sud de Lyon avec la Vallée de la chimie et autour de Rumilly. Une première carte avec un relevé de la présence des PFAS avait d'ailleurs été concoctée par l'agence de l'eau en 2022.
Encore beaucoup de polluants non connus
Deux ans plus tard, cette carte de la contamination par les perfluorés a été mise à jour et connaît un ajout de dix zones avec une forte concentration de PFAS en Auvergne-Rhône-Alpes. "On a rajouté des points de mesure, mais qui concernent les mêmes rivières et eaux souterraines. Il n'y a pas de nouveaux secteurs avec des pollutions apparues depuis deux ans. C'est le côté un peu rassurant". Ces secteurs sont notamment situés en aval de Lyon. Il existe aussi des points isolés, justifiés "par la présence d'industries actuelles ou historiques".
Concrètement, si le taux de qualité écologique des rivières du bassin reste stable ces dernières années, il le doit aussi à une certaine inconnue. En effet, si des produits toxiques non identifiables pour l'instant sont amenés à être découverts dans l'une des rivières actuellement en "bon état écologique", celle-ci serait d'office déclassée. Aussi, le réchauffement climatique pourrait entraineur la fragilisation des milieux biologiques et ainsi faire diminuer ce taux.
"Il y a encore une marge importante pour atteindre l'objectif des deux tiers" de rivières en bon état écologique
Nicolas Mourlon, directeur de l'agence de l'eau
Pour autant, avec une enveloppe revue à la hausse dans son 12e programme d'intervention votée le 4 octobre dernier, l'agence de l'eau devrait pouvoir accompagner un nombre plus important de projets. Comme celui du Sytral Mobilités (l'autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais) pour permettre l'infiltration des eaux pluviales sur trois lignes de son réseau. Projet pour lequel l'agence de l'eau participe à hauteur de 11 millions d'euros (sur 30).
De plus, sachant que les pollutions observées sont en lien avec l'activité humaine et la pollution qu'elle dégage, les nouvelles politiques en faveur de l'écologie pourraient permettent une amélioration de la qualité des eaux. "Il y a encore une marge importante pour atteindre l'objectif des deux tiers (de rivières en bon état écologique : NDLR). En revanche, on voit de nombreux paramètres qui s'améliorent, notamment biologiques", reprend le directeur de l'agence de l'eau. Rendez-vous en 2027, donc, pour voir si l'objectif a été rempli en Auvergne-Rhône-Alpes. Et même un peu plus tôt pour rendre compte d'éventuelles améliorations.
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