Sur les pentes de Fourvière, cette galerie de captage dans une propriété privée a peu été utilisée, expliquant qu’elle n’ait pas été consolidée et qu’elle ait gardé cet aspect brut d’origine © Iconogone / Kévin Carpin
Sur les pentes de Fourvière, cette galerie de captage dans une propriété privée a peu été utilisée, expliquant qu’elle n’ait pas été consolidée et qu’elle ait gardé cet aspect brut d’origine © Iconogone / Kévin Carpin
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Souterrains de Lyon : l’un des plus grands mystères de la ville

Le lac sous Fourvière, les arêtes de poisson, la grotte Bérelle, le souterrain du Chien Fou… entre le mythe et la réalité, les mystères des sous-sols lyonnais fascinent toujours en 2024. Découvrez l’étrange beauté de ces conduits cachés, révélée par l’œil du photographe Kévin Carpin.

S’ils sont obscurs, ils prennent tout de même bien la lumière. Les souterrains de Lyon reviennent sous les projecteurs médiatiques. En septembre dernier, dans le cadre du budget participatif, la Ville de Lyon a lancé une visite virtuelle des “arêtes de poisson”, l’un des plus grands mystères de la cité. On le rappelle, sous la colline de la Croix-Rousse, à plus de 20 mètres de profondeur, plusieurs galeries antiques vieilles de 2 000 ans forment un réseau de près de 2 kilomètres dont l’usage initial est encore inconnu. Conçue en collaboration avec le service d’archéologie de la Ville de Lyon, la visite permet aux curieux d’arpenter les galeries grâce à des prises de vue modélisées en trois dimensions. Un projet qui a bénéficié d’une enveloppe de 250 000 euros.

Depuis leur découverte en 1959, les hypothèses vont toujours bon train. Parmi les plus fameuses, celle de Walid Nazim, auteur de la fameuse enquête L’Énigme des arêtes de poisson : de la Croix-Rousse à Jérusalem, histoire d’un secret millénaire (2011). L’autodidacte fait un lien avec des templiers lyonnais du XIIIe siècle qui auraient pu y cacher un trésor. Malgré des débats sans fin, en 2013 une datation au carbone 14 fait remonter les tunnels à l’Antiquité. Lugdunum était alors un important centre d’administration financière de l’Empire romain. De quoi ouvrir encore plus le champ de l’imagination.

Mais les arêtes de poisson n’ont pas le monopole du secret à Lyon. D’ailleurs les souterrains de la ville semblent souvent méconnus des Lyonnais eux-mêmes et la littérature à ce sujet se fait rare. Résultat, difficile de tous les dénombrer. Les observateurs les estiment à environ 1 000 pour un total d’une cinquantaine de kilomètres de galeries.

De manière générale, l’immense majorité de ces conduits ont une vocation hydraulique. Ils avaient pour but d’acheminer l’eau vers les habitations du centre et parfois de la stocker. “C’est le quatrième fleuve de Lyon”, comptait, non sans humour (le troisième étant le Beaujolais), Christian Barbier, l’un des premiers à écrire sur ce thème, dans son ouvrage Les Souterrains de Lyon (1994). Les galeries et réservoirs antiques sont ainsi légion dans les sous-sols de l’est de la commune. Il est vrai que jusqu’au XIXe siècle, la pratique courante pour trouver de l’eau – lorsqu’un propriétaire n’avait pas accès à un puits à proximité – était de creuser une galerie pour récupérer l’eau du sol. Aujourd’hui encore, de nombreuses maisons anciennes possèdent des souterrains près de leur cave ou leur jardin. Un moment de bascule, mettant un arrêt à cette pratique, survint tout de même une nuit de 1930. Tout un pan de la colline de Fourvière s’est effondré, faisant 39 morts. Cette catastrophe fut à l’origine de la création des Balmes, un service municipal spécialisé dans la surveillance de la stabilité des immeubles de la ville. Une lyonnaiserie unique au monde, encore active de nos jours.

Humblement, nous avons fait le choix de vous présenter un aperçu de cet univers souterrain énigmatique grâce au travail du photographe professionnel Kévin Carpin. Ce spéléologue expérimenté inscrit son travail dans une démarche de recherche historique, de devoir d’archives et de mise en valeur d’un patrimoine souvent oublié. Nul doute que cette présentation n’épuise pas le vivier des lieux extraordinaires qui garnissent nos bas-fonds.

Une ancienne citerne de 65 m3 dans le Vieux-Lyon © Iconogone / Kévin Carpin

Les aqueducs et réservoirs antiques

L’aqueduc de la Brévenne
Avec ses 70 kilomètres de longueur, il est l’un des plus longs des quatre aqueducs abreuvant Lugdunum. Il permettait de relier un captage à Aveize, dans les monts du Lyonnais, à Lugdunum, sur le site de Fourvière dans l’actuel 5e arrondissement. À 95 % enterré, l’aqueduc possédait même un pont-siphon permettant de franchir une vallée grâce au principe des vases communicants, afin de remonter un flanc de colline.
Parmi les sites antiques à connaître, on compte aussi la grotte Bérelle. Située sous le lycée Saint-Just, elle est en fait une ancienne citerne souterraine gallo-romaine. Il est supposé qu’elle devait être alimentée par l’un des aqueducs de Lyon, et que son eau, au regard de sa taille, pouvait être dirigée pour la caserne de la garnison de la ville. © Iconogone / Kévin Carpin
L’aqueduc du Gier
Avec ses 85 kilomètres, l’aqueduc du Gier est l’un des plus longs du monde antique. Partant depuis un plateau au-dessus de Saint-Chamond (Loire), il traverse les communes du sud-ouest lyonnais et parvient au sommet de la Sarra. Selon les chercheurs et historiens, son débit pouvait atteindre entre 15 000 m3 d’eau par jour (173 L/s) et 24 000 m3 par jour (278 L/s). À titre de comparaison, la fontaine Bartholdi des Terreaux consomme au maximum 130 000 m3 par jour.
Autres souterrains mystérieux de l’Antiquité : les Sarrasinières. Deux conduits parallèles reliant le pied des pentes de la Croix-Rousse, tout près de l’opéra, à Miribel sur 13 kilomètres. En très mauvais état, leur fonction demeure encore inconnue. Elles seraient peut-être contemporaines des “arêtes de poisson” d’après les dernières recherches. © Iconogone / Kévin Carpin

Les galeries de captages creusées à partir du Moyen Âge

La plupart des souterrains servaient à acheminer les eaux des sols en direction des puits, des fontaines ou des réservoirs des particuliers. Ici, la galerie des Loups sur les pentes de Sainte-Foy-lès-Lyon, à la frontière avec Lyon. “Cette galerie a la particularité de fournir en eau deux puits. La propriété en surface semble avoir été habitée par un géologue au XIXe siècle, au même moment que le creusement de la galerie”, explique le photographe. Les archives racontent qu’un habitant aurait aperçu des loups, baptisant ainsi ce site aux dimensions impressionnantes. © Iconogone / Kévin Carpin
Kévin Carpin décrit de la sorte le souterrain du Chien Fou, probablement destiné au captage de l’eau : “La galerie comportait auparavant deux niveaux. On aperçoit sur la droite les marques de taille de la galerie supérieure, aujourd’hui l’absence de cette voûte donne une dimension impressionnante à l’endroit.” © Iconogone / Kévin Carpin

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