Jeudi 21 novembre, c'est la sortie nationale du beaujolais nouveau. Un vin primeur qui a fait sa révolution. Pour le meilleur.
C'est le premier vin de France. Et comme tout premier, il a ses contempteurs et ses partisans. Sauf qu'à mettre son nez dedans, les choses ont bine changé. Certes, on trouve encore des beaujolais nouveaux chimiques et forts en gueule, de l'époque où on produisait des volumes considérables (plusieurs millions d'hectolitres), à grands coups de levure qui engendraient des goûts azimutés.
Mais le beaujolais a fait sa mue, l'appellation a fait sa révolution. "On est allé chercher des vins beaucoup plus identifiés, avec des caractéristiques qui représentent chaque terroir et chaque vigneron, raconte Jean-Marc Lafont, président de l'interprofession des Beaujolais et propriétaire-dirigeant du Domaine de Bel-Air, à Lantignié (nord Beaujolais) . On a opéré tout cela avec un changement radical au niveau de la vigne, puisque l'ensemble des viticulteurs du Beaujolais, aujourd'hui, ont presque tous une certification environnementale. Cet ensemble de choses nous donne des vins qui sont maintenant beaucoup plus proches du cousu main, avec des cuvées qui vont être à l'image de chaque vigneron, de chaque terroir, de chaque domaine et avec des styles réellement très différents. Donc il n'y a pas un beaujolais nouveau mais des beaujolais nouveaux."
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A l'image de chaque vigneron, de chaque terroir
Mais c'est quoi au juste un primeur ? Un vin avec des vinifications relativement courtes, entre cinq et huit jours, des process d'élevage raccourcis et un conditionnement dans les toutes dernières semaines avant la consommation.
"Tout l'intérêt d'un vin nouveau, c'est, lorsqu'on va le mettre en bouteille, d'emprisonner le fruit très rapidement pour avoir ce côté explosif aromatique, très gourmand, très élégant, que l'on retrouve sur des beaujolais de fruits, c'est-à-dire les arômes primaires du cépage gamay. Les beaujolais, y compris nouveaux, sont aujourd'hui proches du cousu main, avec des cuvées à l'image de chaque vigneron, de chaque terroir, de chaque domaine et avec des styles réellement très différents.
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L'intégralité de l'entretien avec Jean-Marc Lafont
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Jean-Marc Lafont bonjour.
Bonjour.
Jean-Marc Lafont, vous êtes vigneron à Lanitgnié, dans le nord du Beaujolais, et président de l'Inter Beaujolais. Ce jeudi 21 novembre, comme tous les troisième jeudi du mois, sort le beaujolais nouveau, ou, plutôt les beaujolais nouveaux. C'est le premier vin de l'année en France. Alors déjà première question quand même c'est quoi un primeur ?
Un primeur est un vin qui est consommé dans les mois qui suivent sa vinification, c'est-à-dire que ce sont des vins que nous allons consommer à partir de jeudi 21 novembre et qui ont été récoltés début septembre.
Comment justement on élabore un vin en quelques semaines ?
Très, très rapidement. Les vinifications sont relativement courtes, elles durent 5, 6,7, 8 jours et puis ensuite, tous les phénomènes d'élevage sont plutôt raccourcis On conditionne ces vins-là dans les dernières semaines, nos derniers beaujolais nouveaux la semaine dernière.
Donc ça va donner au final un vin avec de la fraîcheur du vin et sur des vins qui vont être finalement on va dire un peu croquants, gourmands c'est ça en fait finalement pour résumer les beaujolais nouveaux ?
Tout l'intérêt d'un vin nouveau, c'est effectivement, lorsqu'on va le mettre en bouteille, d'emprisonner le fruit très rapidement pour avoir ce côté explosif aromatique, très gourmand, très élégant, que l'on retrouve sur des beaujolais de fruits, c'est-à-dire les arômes primaires du cépage gamay.
Il y a quelques années, le beaujolais a opéré une stratégie justement pour finalement de passer de l'image de vin industriel à un vin artisanal. Les vins du beaujolais accélèrent leur repositionnement par une segmentation croissante de leur offre en qualité, styles, prix et packaging. L'objectif : moderniser l'image du beaujolais ?
Oui. En fait, par le passé, effectivement, le beaujolais nouveau a eu un succès phénoménal - depuis les années 50 -, avec une explosion sur tous les marchés internationaux et des vins qui partaient avec des volumes très importants. Il ne vous a pas échappé que nous avons traversé une crise il y a une vingtaine d'années, relativement importante. Depuis, la stratégie qui a été mise en place a été de reconstruire toute notre image, et toutes nos qualités, en essayant d'aller chercher des vins beaucoup plus identifiés, avec des caractéristiques qui représentent chaque terroir et chaque vigneron. De plus, on a opéré tout cela avec un changement radical au niveau de la vigne, puisque l'ensemble des viticulteurs du Beaujolais, aujourd'hui, ont presque tous une certification environnementale. Donc, tout cet ensemble de choses nous donne des vins qui sont maintenant beaucoup plus proches du cousu main, avec des cuvées qui vont être à l'image de chaque vigneron, de chaque terroir, de chaque domaine et avec des styles réellement très différents. Donc il n'y a pas un beaujolais nouveau mais des beaujolais nouveaux.
Comment explique-ton que pendant des années on ait parlé du goût de banane en fait là c'était une levure finalement qui était utilisée c'est un peu ça ?
Alors le goût de banane, que je n'aime personnellement pas beaucoup, c'est quelque chose qui est relativement classique, qu'on retrouve dans tous les arômes amyliques du vin du gamay, mais pas que. Et effectivement, il y a une vingtaine d'années, certaines levures utilisées par des viticulteurs ou des négociants favorisaient cet arôme. Aujourd'hui, on n'en est plus du tout là. La plupart des viticulteurs travaillent maintenant avec des levures indigènes, c'est-à-dire les levures qui sont naturellement sur le raisin, afin de montrer toute la diversité de chaque terroir, de chaque vigneron. Et après c'est le le coup de patte du vigneron qui va faire la différence.
Alors c'est un sujet en lui-même, c'est l'adaptation du vignoble Beaujolais au changement climatique. avais lu la phrase d'un chercheur la Hervé Quenol qui avait dit "la question n'est pas "y aura-t-il de la vigne en 2050 ?", la vraie préoccupation, c'est de savoir si on va réussir à faire un vin avec les mêmes caractéristiques en évitant de changer le cépage". Il y a, aujourd'hui, beaucoup de choses qui sont faites dans le Beaujolais, comme l'adaptation de nouveaux cépages. Comment on fait pour garder le caractère de goût du gamay finalement dans le Beaujolais ?
Les caractéristiques ont changé, effectivement. Nous, nous sommes en tête de file pour voir cette évolution climatique depuis de nombreuses années. On voit que les vendanges, chaque année, sont de plus en plus précoces donc ça c'est un fait indéniable. Qu'est ce qu'on fait ? Tout d'abord, on essaye de vendanger un petit peu plus tôt, on essaye aussi de conduire nos parcelles de manière un peu différente; autrefois, il y a 25 ans, on cherchait à avoir des surfaces foliaires plus importantes pour faire un peu mieux mûrir nos raisins, aujourd'hui on a tendance à les réduire un petit peu pour éviter d'avoir trop de degrés d'alcool. Pourquoi ? Parce qu'il y a 25 ans, on cherchait à avoir des vins un petit peu plus chauds, un peu plus alcoolisés. Aujourd'hui, c'est totalement l'inverse : on n'a plus du tout ces problématiques là. Notre objectif, c'est de rechercher la fraîcheur, la finesse, l'élégance. Après, il y a tout ce qu'on va faire au niveau de la conduite de la vigne, c'est-à-dire l'entretien des sols, comme laisser de l'enherbement, augmenter la matière organique pour que les sols retiennent un petit peu mieux l'eau. Enfin, il y a tout un travail de fond de très longue haleine donc on n'est pas prêt de voir le gamay disparaître.