Le patron du TNP, Jean Bellorini, reprend le spectacle inspiré du Cid de Corneille qu’il avait présenté cet été au château de Grignan. Un drôle de spectacle qui avait emballé la critique et les spectateurs.
A priori, Le Cid, la fameuse pièce en cinq actes écrite par Pierre Corneille en 1637, n’est pas l’œuvre la plus désopilante de notre répertoire classique. Certains des thèmes qu’elle brasse, tels honneur, violence, guerre et mort, ne portent pas spécialement à la rigolade.
Et pourtant Corneille présentait lui-même son œuvre comme une tragi-comédie. Mais sans doute que, jusqu’à présent, les grandes mises en scène de la pièce, notamment celle, historique, de Jean Vilar, avec Gérard Philipe dans le rôle-titre, mettaient davantage en exergue son caractère tragique. C’est de ces lectures, un peu plombantes, que Jean Bellorini s’est délibérément éloigné dans sa version dite “inspirée” du chef-d’œuvre, rebaptisée pour l’occasion Histoire d’un Cid.
Ce changement de titre n’est pas anodin. Jean Bellorini a pris toutes les libertés nécessaires avec le texte, mais sans jamais le trahir ni le moquer, pour en offrir une lecture claire, où chacun peut se retrouver – les plus jeunes comme les plus anciens –, essentiellement axée sur l’humour et l’aspect burlesque de différentes situations.
Château gonflable pour mise en scène gonflée
Le Cid qu’il montre, incarné par l’excellent François Deblock (dont la silhouette gracile est inoubliable), écartelé entre son amour pour la belle Chimène (Cindy Almeida de Brito surprenante) et son sens de l’honneur qui lui impose une vengeance à l’encontre de son futur beau-père, Don Diègue (Federico Vanni, impec), est à la fois touchant et comique.
Cette irrésistible drôlerie s’impose d’emblée grâce au décor inattendu imaginé par le patron du TNP : l’élément essentiel n’est autre qu’un dérisoire château gonflable. Quatre comédiens se partagent tous les rôles de la nombreuse distribution et rebondissent tels des enfants rieurs entre les tourelles de ce drôle de palais-trampoline. De surcroît, le texte prend souvent des airs de slam tant sa musicalité est soulignée.
Et comme la pièce est sans doute l’une de celles dont le public connaît par cœur de nombreuses répliques (souvent apprises au lycée), il est invité à les répéter à la suite des comédiens : “Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !”, “La valeur n’attend pas le nombre des années”, “Va, je ne te hais point”, “Nous partîmes 500 et par un prompt renfort…”. On entend même le tube de Daniel Balavoine, issu de Starmania, SOS d’un terrien en détresse, repris de façon aussi étonnante qu’émouvante par un Cid transi.
Toute cette fantaisie débridée, cette inventivité amènent une lecture fluide et agréable de l’œuvre. Où l’amour devient l’élément moteur de cette tragi-comédie, ici bien plus comique que tragique.
Histoire d’un Cid – Du 27 novembre au 20 décembre au TNP