© Marc Ungidos

Cabaret : Romain Brau, artiste généreux et fascinant

Révélé dans le film Les Crevettes pailletées, Romain Brau signe un cabaret où il célèbre la vie avec glamour et émotions !

Danseur, chanteur, mannequin, styliste, figure de proue du cabaret Madame Arthur, comédien révélé dans Les Crevettes pailletées, Romain Brau exprime une boulimie artistique inspirée par sa formation aux beaux-arts et son parcours de vie. On l’a découvert en janvier dernier, imaginant aux côtés du chorégraphe François Chaignaud un cabaret déjanté et d’une grande qualité artistique, présenté au restaurant de la Maison de la danse. Car celle-ci intègre désormais, grâce à son directeur Tiago Guedes, le cabaret dans sa programmation. Cette forme de spectacle connaît actuellement un succès grandissant, grâce notamment à l’émission Drag Race France, développé par une communauté queer qui veut briser les codes d’une hétéronormativité dominante pour le rendre inclusif et engagé, abordant des sujets de société ou des récits intimes… Romain Brau revient seul, accompagné au piano par Leslie Bourdin avec un spectacle autobiographique qu’il a mis en scène, créant les chansons et les costumes, dans lequel il parle sans filtre de sujets comme la mode, l’amour, les sexualités, les réseaux sociaux mais aussi le harcèlement scolaire dont il fut victime enfant.

Lyon Capitale : Quelle est votre définition du cabaret en 2024 ?

Romain Brau : Le cabaret a beaucoup évolué ces dernières années et je pense c’est une belle plateforme politique pour exprimer les tensions sociales et c’est vraiment cela qui m’intéresse. On peut parler de tout, de corps, de genre, de liberté. Il permet de scénariser, de mettre de l’humour dans des choses graves, de dramatiser ou dédramatiser, il rassemble la poésie et la tristesse, la joie et la folie. C’est un cocktail disciplinaire qui mélange danse, cirque, théâtre, chant, musique, où les pratiques artistiques ne restent pas dans leur pré carré. Récemment, j’ai collaboré avec des chanteurs d’opéra qui me disaient n’avoir jamais pensé à travailler avec des costumes et des mouvements de corps, cantonnés dans une grande époque pour chanter des choses que les gens connaissent et basta. Ce qui m’intéresse dans le cabaret, c’est qu’on peut toujours tout redéfinir.

Vous évoquez cette notion de métamorphose comme si le corps était une matière vierge qui peut se transformer sans cesse.

La métamorphose, c’est le plaisir de mettre du maquillage, un corset, d’être féminin, masculin, c’est jouer avec ce côté caméléon que j’adore. Mais elle n’est pas que sur scène, elle est dans la vie. Moi, j’aime transpirer la situation scénique et la situation dans la rue. Récemment, j’étais dans un restaurant à côté d’une fillette qui me demande si je suis un garçon ou une fille et je lui dis : C’est drôle que tu me poses cette question car moi je me la pose toujours, mais j’espère que je n’aurai jamais à faire ce choix.” Elle était un peu perdue et sa mère semblait apprécier que le sujet soit abordé avec quelqu’un d’autre car elle n’aurait pas osé le faire alors que toutes ces interrogations autour du genre nous explosent à la figure en ce moment. Je lui ai retourné la question et elle m’a répondu : Ah, moi, je suis une fille, être autre chose ne serait pas très catholique ! Il s’agissait de lui expliquer que le refus des codes, c’est avoir la liberté de faire plus de choses et en fait, on était dans un pur moment de cabaret. Le show est partout et c’est beau et la force d’être un artiste bien avec soi-même permet d’avoir des conversations et des situations comme celle-là.

Votre spectacle est autobiographique, de quoi parlez-vous ?

Oui complètement, je l’ai créé avec un ami. J’avais l’impression que ma vie n’était pas intéressante et lui n’arrêtait pas de pointer des thèmes qu’il trouvait inspirants. Alors je me suis mis à écrire plein de choses à partir de mes expériences et j’y suis allé à fond. C’était drôle parce que j’arrivais à scénariser, tout est vrai, je n’ai rien exagéré. Je parle du harcèlement scolaire que j’ai subi, d’identité de genre, de liberté, de relations avec les parents, du regard des autres sur soi, de la manière dont il évolue quand on grandit et comment on arrive à le comprendre et l’analyser pour soi-même. Je parle d’amour, de tristesse, de maladie, de résilience, de la vie…

L’enfance, votre harcèlement scolaire, c’est le fil du spectacle ?

L’enfance, c’est le commencement du spectacle, ce moment où la société m’a fait comprendre que je n’étais pas comme les autres et m’a mis dans la marge, j’étais plus mince et plus efféminé que les autres et je ne jouais pas au foot. C’était des clichés et en même temps troublant pour quelqu’un qui n’était pas dans cette situation. Je vous invite à écouter ma chanson Suzanne, gratuitement sur les plateformes. Elle parle de cette expérience à l’école quand j’avais 8 ans pour faire comprendre l’esprit des enfants aujourd’hui car à l’époque j’avais pas du tout compris ce qu’il se passait. En devenant adulte, j’ai pu mettre des mots sur cette situation, des ados viennent me voir et me disent que c’est leur histoire. Ça les touche et leur donne un vocabulaire, ça leur permet de parler à leurs parents, leur entourage et il suffit parfois juste de jouer la chanson en famille car il y a des parents qui ne comprennent pas, c’est comme un code en fait.

Avec le recul, que vous a apporté le fait de parler de choses intimes ?

Ça m’a fait grandir en accéléré. J’ai 41 ans, ça a été une découverte pour moi de pouvoir avoir confiance en ma propre histoire. Cela m’a aidé à écrire d’autres choses notamment un album qui vient de sortir et dont certaines chansons sont dans le spectacle. J’ai construit un album avec ma vie et j’ai appris comment le faire.

“La métamorphose, c’est le plaisir de mettre du maquillage, un corset, d’être féminin, masculin, c’est jouer avec ce côté caméléon que j’adore“. Romain Brau

Les formes de cabaret que l’on voit actuellement prônent bienveillance et acceptation des différences. Pourquoi selon vous ?

C’est vrai. Il faut rappeler que le cabaret actuel se veut assez queer avec des artistes trans, homos, il y a vraiment ce côté très marginal, on est un cœur à vif, on parle de choses qui nous ont perturbés, qui nous ont fait du mal. Les sujets sont beaux parce qu’ils sont honnêtes et quand on en parle, c’est compliqué car il faut trouver les bons mots mais après ça devient très percutant et je comprends parfaitement ce qu’il se passe avec le cabaret en ce moment. Le public est là par curiosité, pour s’amuser aussi parce qu’on parle de manière plus libre de choses restées étouffées comme l’homosexualité alors que de plus en plus de personnes ont envie de faire leur coming out. La question du rapport avec le public est également importante pour moi. Je débride la relation avec lui, je vais le chercher et l’intègre par moments au show. Mais ce que j’aime par-dessus tout c’est avoir un échange après le spectacle car c’est vraiment fascinant de l’entendre s’exprimer.

Cabaret Romain Brau – Les 12 et 13 décembre à la Maison de la danse

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