François Blouin, président fondateur de Food service Vision, cabinet d'intelligence économique dans le domaine de la restauration
François Blouin, président fondateur de Food service Vision, cabinet d’intelligence économique dans le domaine de la restauration. Sur le plateau de 6 minutes chrono/Lyon Capitale

"On retrouve une archipellisation de nos assiettes" assure François Blouin

François Blouin, président fondateur de Food Service Vision, cabinet d'intelligence économique de la filière restauration, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

Il y a quelques années, le magazine Consumer s'interrogeait : "de la margarine rose bonbon et des frites bleues : des idées tordues tout droit sorties d'un film de science-fiction minable ?" Non, il s'agissait de deux "innovations" culinaires bien réelles mises au point par l'industrie agro américaine. Si, dans l'alimentaire, l'heure n'a jamais autant été à l'heure de nouvelles sources de créativité, le ketchup vert et les frites en cinq couleurs de Heinz qui, fût un temps, versa dans le psychédélique, ou les tartinades à la margarine rose ou bleu électrique de la marque Parkay ont vite été oubliés.

Du 23 au 27 janvier prochains, à Lyon, la biennale de la restauration la plus estimée au monde accueillera 210 000 professionnels de 130 pays, 26 000 chefs cuisiniers, près de 5 000 exposants sur une superficie de 20 terrains de football, dispatchées autour d'une trentaine de kilomètres d'allées. Un gigantesque rendez-vous d'affaires (60% de décideurs) devenu, depuis quelques années déjà, le lieu où il faut être pour avoir un regard prospectif sur demain.

Concept central du salon, les Sirha Dynamics aborderont pendant cinq jours les grandes tendances du secteur : inclusivité vs exclusivité, dopamine now vs dopamine slow, modernité locale vs modernité globale, égo-frugalité vs éco-frugalité et intelligence augmentée vs restaurant augmenté. Autant de tensions paradoxales qui explorent les clés de l'alimentation du futur.

Lire aussi : Les étonnants produits alimentaires primés aux Sirha Innovation Awards 2025

"De plus en plus, aujourd'hui, on a tendance à revendiquer dans l'assiette"
François Blouin, président de Food Service Vision

En langage moins fleuri, analyse François Blouin, président de Food Service Vision, cabinet lyonnais d'intelligence économique de la filière restauration,
 "Brillat-Savarin, à la fin du 18e, disait "dis-moi ce que tu manges je dirai qui tu es". Ça n'a jamais été aussi vrai, c'est-à-dire qu'aujourd'hui de plus en plus on a tendance à vouloir revendiquer dans l'assiette." Sans gluten, végan ou végé, viandards, hallal.. Chacun affirme ses identités culturelles, sociales ou religieuses dans sa manière de consommer. 
Nos assiettes deviennent de plus en plus le reflet de nos valeurs, reflet, en quelque sorte de l'archepillisation de la société, composée d'îles et d'îlots qui ne cessent de s'éloigner les uns des autres.


La retranscription intégrale de l'entretien avec François Blouin

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui François Blouin, président fondateur de Food Service Vision, un cabinet d'intelligence économique de la filière restauration, basé à Lyon. Bonjour.

Bonjour Guillaume.

Alors pilule bleue ou pilule rouge ? Pilule rouge pour le pavé de boeuf ou pilule bleue pour le roquefort ? Ou blanquette façon grand-mère ? Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que le Sirha se déroule du 23 au 27 janvier. Le Sirha, c'est un des plus gros salons mondiaux dédiés à la restauration : 210 000 professionnels de 130 pays, 26 000 chefs cuisiniers. Récemment il y a eu les Sirha Innovation Awards qui ont primé plusieurs produits, notamment un substitut à l'oeuf révolutionnaire à base de micro-algues, un steak végétal juteux fabriqué grâce à un procédé de fermentation moderne à partir de protéines de soja et de farine de riz, ou des enzymes 100% naturelles qui vont permettre d'attendrir les viandes et d'affiner les textures. Quelles sont, François Blouin, les grandes tendances de l'assiette du futur, ce qu'on va manger demain ? Retour à la tradition à la fameuse blanquette de nos grands-mères ?

L'assiette du futur va effectivement se polariser entre, d'un côté, cette recherche de nourriture, de confort, cette recherche de nourriture traditionnelle, des repères qu'on a et, de l'autre côté, des choses plus avant-gardistes, comme certaines que vous avez citées par exemple, ce qu'on appelle les alternatives aux protéines animales, tous ces nouveaux produits qui, finalement ,permettent de remplacer la viande, la substituer par des différentes méthodes qui font qu'on a son apport en protéines sans manger de la viande et sans avoir besoin de s'occuper ou de s'attaquer aux bétails par exemple.

Est-ce que effectivement, aujourd'hui, on revendique un peu chacun et chacune sa culture alimentaire on va dire ? Il y a les véganes il y a ceux qui vont manger halal il y a ceux qui vont manger de la viande on appelle ça les viandards … Allez je vais reprendre un petit terme vous m'excuserez de cette reprise mais d'une archipellisation de nos assiettes ?

Alors vous citez Jérôme Fourquet, mais effectivement on retrouve ce phénomène-là. De plus en plus, aujourd'hui, nous avons tendance à affirmer nos identités dans l'assiette. Alors je dis de plus en plus aujourd'hui, en même temps, Brillat-Savarin, à la fin du 18e, disait "dis-moi ce que tu manges je dirai qui tu es". Ça n'a jamais été aussi vrai, c'est-à-dire qu'aujourd'hui de plus en plus on a tendance à vouloir revendiquer dans l'assiette : si on est sans gluten, parce que pour nous c'est important de manger de ne pas consommer de gluten, on va le revendiquer, le demander à l'assiette; si on est de culture musulmane, ou de confession musulmane, plus qu'avant on va demander de la nourriture halal; si on est de terroir et qu'on a envie de manger du saucisson ou de la bonne viande, on va aussi le revendiquer. Finalement, ces revendications qui se croisent ont tendance à s'affirmer de manière plus en plus forte dans nos assiettes, dans nos restaurants.

Finalement j'allais dire que l'assiette c'est un peu le reflet de ce qui se passe dans la société. Donc on a dit qu'il y a un petit peu aussi un retour aux sources. On parlait d'écologie tout à l'heure, avec le végétal, ces substituts au végétal. Il va y avoir aussi tout ce qui est circuit court tout ce qui est décarboné évidemment j'imagine ?

Effectivement, aujourd'hui, il y a une conscience de plus en plus forte ce que nous appelons l'impératif RSE, la responsabilité sociétale et environnementale. Les consommateurs sont plus attentifs à ça, notamment suite au Covid, mais pas que. Et puis les lois s'imposent aussi à nous, la loi EGalim, la loi AGEC, différentes lois qui obligent les restaurateurs et les fournisseurs à respecter ces circuits courts. Et donc, ce qu'on voit, aujourd'hui, pour les consommateurs, c'est de plus en plus dans les restaurants de produits locaux, de produits sourcés dans un bassin très étroit. En région lyonnaise, on a l'avantage que le très étroit puisse être à une cinquantaine de kilomètres : on trouve presque tout, sauf les produits de la mer on va dire. Donc ça ça se redéveloppe beaucoup effectivement les produits locaux.

Je reviens un peu mon introduction sur les fameuses pilules, parce que je repensais un discours d'un certain Marcellin Berthelot, un scientifique qui, en 1884, lors d'un banquet de la chambre syndicale des produits chimiques, je vais la faire courte, disait qu'il n'y aurait plus "ni champs couverts de moissons, ni vignobles, ni prairies remplies de bestiaux" et que, finalement, on irait tous au travail avec sa petite fiole d'arômes. Donc on n'y est pas du tout sur la pilule on est d'accord ?

Non, ce n'est pas du tout, en tout cas dans la culture française, ce qui est à l'oeuvre aujourd'hui. C'est beaucoup plus le fait de manger plus végétal, par exemple. Aujourd'hui, 91% des restaurants proposent des plats végétaux et c'est 17% de l'offre qui est une offre végétarienne, ce qui permet à ceux qui le souhaitent de pouvoir consommer végétarien. Donc ça, c'est un vrai mouvement de fond. On va trouver aussi le mouvement d'une consommation plus carnée, moins mais mieux, comment on consomme de manière plus responsable. Et là où se développent, non pas des pilules, mais des alternatives végétale, ce sont ces nouvelles protéines qui sont des alternatives au fromage ou des alternatives à la viande comme des lards construits à partir de protéines végétales qui existent. Ça reste à l'échelle de l'humanité relativement anecdotique pour l'instant même si ça se développe.

Ce sera le mot de la fin FAIM. Merci François Blouin, de Food Service Vision, d'avoir analysé pour vous pour nous les grandes tendances de l'assiette de demain qu'on retrouvera au Sirha, l'un des plus grands salons mondiaux de la restauration, à Lyon, du 23 au 27 janvier.

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