Éric Moreno, co-président de l’association "Et 6 c’était vous"
Éric Moreno, co-président de l’association « Et 6 c’était vous »

Délinquance routière : "Les peines actuelles sont insuffisantes" pour Eric Moreno

Éric Moreno, coprésident de l'association "Et 6 c'était vous", est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale. Il revient sur le combat de son association pour la reconnaissance de l'homicide routier et l'amélioration des sanctions pénales contre la délinquance routière.

L'association "Et 6 c'était vous" milite depuis plusieurs années pour la reconnaissance de l'homicide routier dans le code pénal français. "L'homicide routier se situe entre l'homicide involontaire et l'homicide volontaire", explique Éric Moreno. Selon lui, cette distinction permettrait de mieux refléter la gravité des faits commis par des conducteurs irresponsables.

Actuellement, la peine maximale encourue pour un homicide lié à la route est de dix ans d'emprisonnement, mais elle est rarement appliquée. "Pendant des années, les peines tournaient autour de trois ans. Nous pensons qu'il faut des mesures pour inciter les juges à prononcer des peines plus lourdes", déplore-t-il. Eric Moreno plaide pour des peines planchers et l'ajout de circonstances aggravantes comme l'usage du téléphone portable ou le refus d'obtempérer.

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Sécurité routière : un enjeu politique à Lyon

Interrogé sur les politiques locales de sécurité routière, Éric Moreno se montre mitigé. Si la limitation à 30 km/h et le développement des pistes cyclables sont des avancées, il estime que "l'objectif zéro mort d'ici 2050 est une annonce purement politique. Ce délai n'engage personne". Pour lutter efficacement contre la délinquance routière, il appelle à un renforcement de la vidéosurveillance et des effectifs policiers. "Il y a environ 550 caméras à Lyon, dont un tiers ne fonctionne pas. Il faudrait au moins doubler ce nombre", souligne-t-il.

Éric Moreno conclut sur l'importance de ne pas relâcher la pression : "Notre combat cible la vraie délinquance routière : ceux qui roulent à 120 km/h en centre-ville, souvent sans permis, sans assurance, sous l'influence de l'alcool ou de la drogue."

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Plus de détails dans la vidéo :


Bonjour à tous, bienvenue dans l'émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, nous allons parler de sécurité routière et de justice pénale avec Éric Moreno, coprésident de l'association "Et 6 c'était vous". Bonjour, Éric Moreno. L'objectif de votre association est de lutter contre la délinquance routière et aussi d'apporter un soutien juridique et psychologique aux victimes des accidents de la route. On va commencer par entrer dans le vif du sujet, vous militez pour la reconnaissance par la justice de la notion d'homicide routier, c'est important de le souligner, est-ce que vous pouvez d'abord nous expliquer ce que c'est ?

L'homicide routier se situe entre l'homicide involontaire et l'homicide volontaire. Au moment où nous étions confrontés à cette question, comme beaucoup d'associations de victimes, nous étions partis sur l'homicide volontaire. Nous avons vite compris que cela serait difficile pour des raisons politiques et autres, alors nous avons cherché un intermédiaire entre l'involontaire et le volontaire, et nous avons trouvé l'homicide routier. Une fois ce concept défini, nous avons contacté des députés comme Anne Brugnera, Éric Pauget, et même Thomas Rudigoz pour présenter un projet de loi à l'Assemblée. Aujourd'hui, quand on parle d'homicide routier, il s'agit d'un changement de sémantique. L'avantage est que nous faisons un pas en avant en nous éloignant de l'homicide involontaire pour nous rapprocher du volontaire. Cependant, nous demandons que cette appellation soit accompagnée de changements concrets dans le code pénal.

Pourquoi la situation actuelle n'est-elle pas satisfaisante selon vous ?

Aujourd'hui, dans le code pénal, la peine maximale encourue est de dix ans d'emprisonnement, à condition qu'il y ait au moins deux circonstances aggravantes. En théorie, cela pourrait nous convenir, mais dans la pratique, on n'atteint jamais ces dix ans, même pas huit. Pendant des années, les peines tournaient autour de trois ans. Nous pensons qu'il faut des mesures pour inciter les juges à prononcer des peines plus lourdes. Il y a environ trois ans, nous avons posé la question à Nicole Belloubet à l'Assemblée, qui nous a répondu que tout est déjà prévu dans le code pénal. C'est vrai, mais encore faut-il que ces dispositions soient appliquées, ce qui n'est pas le cas.

Dans le cadre de l'homicide routier, nous demandons plusieurs choses : ajouter des circonstances aggravantes comme l'utilisation du téléphone portable, le protoxyde d'azote, ou encore le refus d'obtempérer. Nous voulons également commencer à criminaliser certaines fautes et augmenter le quantum des peines, avec un système évolutif selon le nombre de circonstances aggravantes. Nous souhaitons également des peines planchers pour s'assurer que les juges, même réticents à aller jusqu'au maximum, prononcent des peines significatives.

Le cœur du problème, c'est donc que les condamnations sont trop faibles ? Avez-vous des chiffres à ce sujet ?

Pendant des années, les peines tournaient autour de trois à trois ans et demi, souvent assorties de sursis, avec très peu de temps effectivement passé en prison. Depuis que nous militons, ainsi que d'autres avant nous, les peines commencent à atteindre six à huit ans. Récemment, lors de l'affaire Gadeau à Lyon, la procureure de la République a eu le courage de demander la peine maximale de dix ans, et le tribunal a condamné le prévenu à huit ans. C'est peut-être la première fois que je vois un verdict qui répond à toutes nos attentes.

Pour contextualiser, l'affaire Gadeau remonte à 2018. Il s'agit d'un chauffard multirécidiviste qui, lors d'une course-poursuite avec la police, a percuté un jeune garçon de 12 ans, puis M. Alain Gadeau, 64 ans, qui en est décédé. En première instance, le conducteur a été condamné à huit ans. Parlons un peu de sécurité routière sous l'angle politique. À Lyon, la majorité écologiste à la Ville et à la Métropole a des objectifs ambitieux, comme la "vision zéro" tué d'ici 2050, la limitation à 30 km/h en ville, et des pistes cyclables nombreuses. Quelle est votre opinion sur cette politique ?

L'objectif zéro mort d'ici 2050 ou 2040 est, honnêtement, une annonce purement politique. Ce délai n'engage personne. Cela dit, la mise en place de zones à 30 ou 50 km/h et de pistes cyclables sécurisées représente des avancées, même si toutes ne sont pas parfaitement sûres. Cependant, cela concerne surtout les citoyens respectueux des règles, qui peuvent commettre des erreurs. Notre combat cible la vraie délinquance routière : ceux qui roulent à 120 ou 130 km/h en centre-ville, souvent sans permis, sans assurance, sous l'influence de l'alcool ou de la drogue. Pour ces cas, il faut renforcer la vidéosurveillance et les effectifs de police.

La mairie a annoncé qu'elle allait finalement installer des caméras de vidéosurveillance, contrairement à ses positions initiales.

Cela fait huit ans que nous en demandons. La précédente municipalité n'était pas contre, mais n'a pas eu le temps de le faire. La nouvelle y était opposée, mais a changé d'avis, et tant mieux. Il y a environ 550 caméras à Lyon, dont un tiers ne fonctionne pas. Il faudrait au moins doubler ce nombre. À Nice, il y en a plus de 3 500. Nous demandons aussi plus de policiers municipaux. Actuellement, ils sont environ 250, ce qui est insuffisant pour une ville comme Lyon. Pourquoi ne pas faire comme à Nice : recruter un policier national pour chaque policier municipal embauché ? Cela permettrait d'augmenter la présence policière sur le terrain.

Très bien, ce sera le mot de la fin. C'est déjà la fin des six minutes chrono, c'est toujours trop court. Merci d'être venu sur notre plateau. Quant à vous, merci d'avoir suivi cette émission. Vous pouvez retrouver plus d'actualités sur la sécurité routière. Juste pour conclure, il y a eu 50 % de verbalisation en plus sur la voirie en 2024 par rapport à 2023. Merci et à très bientôt.

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