Jean-Marc Hourse, l'avocat qui a initié la procédure judiciaire contre la pollution aux PFAS dans l'agglomération lyonnaise, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
"Nous avons, à notre disposition, une masse considérable de données. A priori, et au vu de mes premières investigations, on aura des choses très intéressantes à donner à la justice." Spécialisé dans les contentieux environnementaux au barreau de Lyon, Jean-Marc Hourse est l'avocat qui a initié la procédure judiciaire contre la pollution aux PFAS dans l'agglomération lyonnaise.
Les commissions rogatoires d'avril 2024, qui avaient donné lieu à des perquisitions chez Arkema et Daikin, ont permis de récupérer des informations historiques. Des données classées dans des armoires en fer grises très anciennes, les archives remontant à 20 ou 25 ans, des disques durs. "Tout ça est en cours d'examen, donc il faudra encore plusieurs semaines, voire peut-être deux ou trois mois avant qu'un procès-verbal de synthèse soit adressé aux juges d'instruction" explique Jean-Marc Hourse.
C'est l'Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) qui est chargé de l'enquête. Ce service de police judiciaire de la gendarmerie nationale française a pour vocation de s'intéresser à l'ensemble du contentieux découlant des atteintes portées à l'environnement et à la santé publique (pollutions maritimes, trafics d'espèces animales protégées, trafics de produits dopants ou de déchets toxiques, lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, contrefaçons de médicaments, trafics d'organes...). Un détachement de l'Oclaesp a été créé à Lyon en 2021. Il travaille actuellement sur plus d’une quinzaine d’enquêtes, avec des investigations lourdes. Dont le dossier de la pollution aux "PFAS"polluants éternels".
Données américaines
Le cabinet d'avocat Hourse a également pris attache avec son confrère américain, Robert Bilott, qui alerte, depuis plus de vingt ans, sur les dangers des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), et dont le combat pionnier, entamé dès 1998, contre le géant de la chimie DuPont a inspiré le film Dark Waters, sorti en 2019 (César du meilleur film étranger en 2021).
"Nous avons une masse considérable de données qu'il nous faut éplucher pour aller chercher ce que les industriels savaient ou ne savaient pas" poursuit Jean-Marc Hourse.
Il n'ets pas au bout de ses peines, quelques jours après le dépôt d'une plainte contre X pour écocide "Ce dossier est absolument incroyable, tant il met en exergue le dysfonctionnement du système administratif français." expliquait alors l'avocat dans les colonnes de Lyon Capitale.
Les PFAS ?
Les "PFAS" (famille composée de plus de 4 700 molécules de synthèse) sont produits par l'homme depuis les années 40. Leurs propriétés physico-chimiques (surfactantes, résistantes aux chaleurs intenses ou aux acides, à l’eau et aux graisses…) expliquent leur présence dans un grand nombre de produits de consommation courante et applications industrielles.
Le fait qu'ils soient très largement utilisés ( textiles, emballages alimentaires, cosmétiques, poêles anti-adhésives, mousses anti-incendie, imperméabilisants, cires à parquet, vernis et peintures, etc.), en plus de leur faible dégradation, rend ces substances omniprésentes dans l’environnement, notamment dans les cours d’eau. On parle de "polluants éternels" car ils peuvent rester dans l’environnement des décennies, voire des siècles. Le Rhône, de l'aval de Lyon jusqu'à la Méditerranée, est particulièrement touché.
Selon la littérature scientifique existante, les perfluorés favoriseraient les cancers chez l’homme et les défauts de défense immunitaire des enfants.
Tous les articles de Lyon Capitale sur les PFAS/ "polluants éternels"
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La retranscription intégrale de l'entretien avec Jean-Marc Hourse
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono, nous accueillons aujourd'hui Jean-Marc Hourse, bonjour.
Bonjour Guillaume Lamy.
Jean-Marc Hourse, vous êtes avocat à Lyon, c'est votre cabinet qui gère la plainte qui a été déposée, une plainte collective qui a été déposée par 43 communes tout début 2024 dans le dossier on va dire emblématique des PFAS, les PFAS sont les polluants éternels. Depuis cette date-là, deux juges d'instruction ont été saisis, l'instruction un an après est toujours en cours. Pour autant, est-ce qu'il y a des grandes nouveautés, qu'est-ce qui s'est passé en un an finalement ?
Alors juste une précision, effectivement comme vous l'avez dit, il y a 43 communes, il y a également des syndicats des eaux qui étaient intéressés aux premiers titres puisqu'ils ont quand même la conscience de ce qu'ils délivrent auprès des citoyens, il y a des fédérations de pêcheurs, il ne faut pas l'oublier, qui ont initié le dossier avec leurs études scientifiques et il y a des personnes physiques qui sont malades, qui se sont greffées. En tout, nous avons effectivement comme vous l'avez dit 43 communes, des syndicats des eaux, des agglomérations, ça doit représenter à peu près une centaine de personnes puisque chacun des maires a tenu à déposer plainte en son nom, ça fait un peu plus de 100 personnes.
D'accord, donc l'instruction est en cours aujourd'hui. Est-ce qu'il y a des nouvelles ? On en est où aujourd'hui ? Qu'est-ce qu'on peut dire en début 2025 ?
Alors l'instruction est en cours, à signaler comme vous l'avez dit que deux juges d'instruction ont été saisis, c'est-à-dire l'importance que la justice et le procureur accordent à cette affaire emblématique. Un laboratoire a été désigné pour réaliser un certain nombre d'investigations dans le sol et dans l'air, c'est en cours. Et comme vous l'avez su puisque la presse en a fait état, en avril 2024, en avril dernier, des commissions rogatoires ont donné lieu à des perquisitions chez deux industriels pour essayer de récupérer des informations historiques, voir ce qui avait été fait en interne chez eux, des suivis de salariés, etc. C'est toujours en cours, on n'a pas le retour pour l'instant.
Vous n'avez pas de retour pour l'instant ? En tout cas, ce que vous disiez, il y a une masse d'informations conséquentes et aujourd'hui, est-ce que les gendarmes sont un peu dépassés dans le sens où il y a trop d'informations par rapport au nombre de gendarmes qui sont sur l'affaire ?
Je n'ai pas le contact direct avec les gendarmes enquêteurs, c'est un service spécialisé qui s'appelle l'OCLAESP (l'Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, NdlR) qui est spécialisé en matière environnementale, qui a eu à récupérer des armoires en fer grises très anciennes puisque les archives remontaient à 20 ou 25 ans, et qui a également récupéré des disques durs. Tout ça est en cours d'examen, donc il faudra encore plusieurs semaines, voire peut-être deux ou trois mois avant qu'un procès-verbal de synthèse soit adressé aux juges d'instruction.
Donc ça veut dire que voilà, ça se compte effectivement en mois parce que 1, c'est très compliqué aussi, c'est très compliqué pour déterminer les responsabilités de chacun, avec cette masse de documents dont on parlait. Mais ça veut dire qu'au final, dépôt des plaintes début 2024, on est en 2025, ça veut dire que finalement c'est une affaire qui peut durer combien de temps ?
C'est toujours difficile à dire, la prescription est toujours difficile quand il s'agit de l'avenir, mais je pense qu'on a encore parti pour un an, un an et demi je pense d'instruction.
Un an, un an et demi d'instruction, c'est ça ?
D'instruction, mais pour autant le cabinet d'avocat ne reste pas les deux pieds dans le même sabot, puisque nous sommes en contact avec des éléments, avec le confrère des États-Unis, l'avocat Robert Bilott, qui a initié la procédure, vous savez, aux États-Unis, d'où le film Dark Waters, qui a mis à notre disposition une masse considérable de données qu'il nous faut éplucher pour justement aller chercher dans l'historique pour savoir ce que les industriels savaient ou ne savaient pas. A priori, au vu de mes premières investigations, on aura des choses très intéressantes à donner à la justice, ça c'est une première chose, et nous sommes en contact également avec des confrères hollandais, des confrères belges, qui ont déjà eu à traiter avec les mêmes industriels le problème des EPFAS.
Ça veut dire qu'aujourd'hui votre cabinet, finalement c'est un dossier qui est quand même énorme, enfin j'imagine que c'est un gros dossier pour vous, mais ça veut dire que finalement vous êtes combien à travailler dessus et est-ce qu'éventuellement vous pouvez vous dire que, vu la masse d'informations à traiter, vous pourriez recruter quelqu'un ?
Alors on est trois à travailler, je ne dis pas à temps permanent dessus, mais de manière très très régulière, parce que nous avons beaucoup de choses à lire, des choses plus ou moins intéressantes, des choses plus ou moins proches du cœur de notre plainte, mais nous avons beaucoup de choses à lire et à se mettre à jour, c'est vrai.
Il y avait aussi en parallèle à ces plaintes que votre cabinet gère, donc on a vu les communes, les syndicats d'eau, les syndicats de pêcheurs, les particuliers, il y avait des collectifs aussi qui avaient fait un référé pénal, il n'avait pas abouti, il y a eu un appel déclaré irrecevable, courte cassation, irrecevabilité, aujourd'hui ces collectifs ils font quoi du coup ? Donc ça c'est le côté pénal, donc ils vont aller voler civil.
Alors ils ont fait le choix, d'après ce qui nous a été indiqué par la consoeur que je connais de longue date et qui est une amie, cette fois d'aller au civil, après avoir épuisé, comme vous l'avez dit Guillaume, la voie pénale, d'aller tenter au civil, c'est-à-dire de recruter, enfin du moins d'alerter massivement les populations sur les communes concernées de manière à faire une action collective. Très bien, sur le papier, on verra ce que ça donne, avec l'avantage c'est peut-être d'essayer d'aller un petit peu plus vite, je dis peut-être, j'en suis pas sûr, l'inconvénient c'est de financer les actions, c'est de financer notamment les expertises puisque au titre d'une autre procédure judiciaire qui existe et qui est celle initiée par la métropole, la métropole a obtenu la désignation d'un expert judiciaire mais à ses frais avancés et je pense que les plaignants dans cette affaire de collectif auront la même difficulté, c'est de financer les études.
Ce sera le dernier mot, donc on a vu masse d'informations, financement des données et puis un procès d'une complexité rare, si vous voulez d'avoir plus d'informations sur ces PFAS, il faut lire le dernier numéro de Lyon Capitale notamment, l'eau du robinet est-elle non pas potable, est-ce qu'on peut la boire tout simplement, qu'est-ce qu'on risque ? Merci beaucoup Jean-Marc Hourse.
Merci Guillaume Lamy.