Zemorda Khelifi
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Congé menstruel à la Métropole de Lyon : "nous sommes face à une inégalité", dénonce Zemorda Khelifi

Zemorda Khelifi, vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge des ressources humaines, est l'invitée de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

La passe d'armes entre la Préfecture du Rhône et les collectivités lyonnaises gérées par les écologistes se poursuit. La Ville de Lyon et la Métropole de Lyon ont mis en place pour leurs salariées un congé menstruel en 2023 s'engouffrant dans un flou juridique. Mais depuis la justice a tranché et interdit aux collectivités locales de proposer ce dispositif à ses agentes. "La question ne s'est jamais posée mais en même temps le cadre juridique est flou là-dessus. Il ne pose pas explicitement l'interdiction de poser un congé menstruel", rappelle Zemorda Khelifi.

Bruno Bernard a demandé dans un courrier la possibilité de changer la loi pour établir une équité avec le privé qui peut proposer un congé menstruel à ses salariés. En attendant, Zemorda Khelifi assure que la Métropole de Lyon va continuer et donc ne pas tenir compte de l'avertissement de la Préfecture du Rhône.

La retranscription intégrale de l'entretien avec Zemorda Khelifi

Bonjour à tous et bienvenue, vous regardez 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale et aujourd'hui nous accueillons Zemorda Khelifi. Vous êtes vice-présidente de la métropole en charge des ressources humaines. On vous a invité pour revenir sur cette polémique autour du congé menstruel qu'avait mis en place la métropole de Lyon à partir du 1er octobre 2023. La justice notamment, il y a eu plusieurs décisions judiciaires mais une dernière en date en Isère qui a demandé aux collectivités qui l'avaient mis en place de revenir sur ce dispositif. La préfecture du Rhône vous demande à peu près la même chose. Est-ce que vous les comprenez ces décisions ? Est-ce que vous saviez finalement quand vous l'avez mis en place ce congé menstruel en octobre 2023 que vous étiez à minima sur un flou juridique voire hors des clous ?

Alors quand on a pris la décision d'instaurer le congé menstruel à la métropole de Lyon, on ne se doutait absolument pas que l'Etat reviendrait dessus. Parce que quand l'Etat s'empare d'une telle décision ou en tout cas d'une absence de cadre juridique, parce que c'est bien une absence de cadre juridique dont s'est emparé l'Etat, eh bien on peut se demander pourquoi l'Etat le fait à ce moment-là, d'autant plus que nous avons instauré ce congé menstruel il y a un an et demi, c'était le 1er octobre 2023. Pourquoi aujourd'hui, en plus à l'approche du 8 mars, la journée internationale des droits des femmes...

Peut-être parce que la question s'était jamais posée. Elle a été posée et la réponse a été apportée.

C'est-à-dire que personne n'avait jamais posé la question avant que ce soit mis en place par des collectivités locales. La question ne s'est jamais posée mais en même temps le cadre juridique est flou là-dessus. Il ne pose pas explicitement l'interdiction de poser un congé menstruel.

Ni la possibilité de le faire.

Oui effectivement mais on l'a fait parce qu'on n'avait pas de cadre juridique et parce que nous souhaitons apporter des avancées sociales pour les femmes, du progrès social. Et c'est d'abord à cela que nous avons pensé lorsque nous l'avons mis en place.

Qu'est-ce que va faire la métropole de Lyon maintenant qu'on vous demande de vous conformer à la loi ? La ville de Lyon par exemple a dit qu'ils allaient continuer. Que va faire la métropole de Lyon ?

Nous on va d'abord interpeller l'Etat avant de prendre une décision. Nous avons interpellé l'Etat et Bruno Bernard, le président de la métropole, l'a fait par un courrier la semaine dernière qu'il a adressé au ministre concerné pour leur demander tout simplement de légiférer sur le sujet puisqu'il n'y a pas de loi explicite qui permette de poser ce congé menstruel aujourd'hui. Et nous sommes face à une inégalité entre ceux qui peuvent le faire, le secteur privé et ceux qui ne peuvent pas le faire ou qui n'en ont pas l'accroche juridique pour le faire.

Légiférer, ça peut prendre du temps surtout qu'on voit à l'Assemblée nationale qu'il y a plusieurs lois importantes qui sont en retard ou qui doivent encore être étudiées. Une prochaine niche parlementaire par exemple des députés écologistes c'est dans quelques mois. En attendant, qu'est-ce que vous allez faire ? Tant que vous n'avez pas la réponse de l'Etat, vous continuez à maintenir ce dispositif ou vous revenez dessus ?

Mais l'Etat peut tout à fait s'emparer d'un cadre réglementaire. Rien ne lui interdit de prendre un décret pour autoriser la mise en place d'une autorisation spéciale d'absence pour les femmes qui sont victimes de règles douloureuses.

Donc ça peut aller vite pour vous ?

Ça peut aller très vite, un décret c'est potentiellement demain. Une loi effectivement c'est après-demain mais ça n'est pas si loin finalement, ça peut se faire rapidement aussi.

Pour avoir une réponse claire, en attendant vous mettez fin à l'expérimentation qui avait été pérennisée ? Ou vous continuez dans l'attente d'une réponse de l'Etat qui vous dit il faut arrêter ou il faut continuer ?

Nous continuons tant que l'Etat ne nous aura pas répondu explicitement qu'il faut qu'on le retire. On a interpellé les ministres maintenant à eux de nous dire ce qu'ils souhaitent faire.

La ministre Aurore Bergé avait dit fin février qu'elle soutenait plutôt la mise en place de ce dispositif avec un bémol près. Elle y voyait une possible inégalité entre les femmes, celles qui auraient droit à ce congé et celles qui n'y auraient pas le droit.

Non, ce genre de propos est tout simplement inaudible et inacceptable. On doit d'abord travailler sur la lutte contre les préjugés sexistes, sur les discriminations dont sont victimes les femmes aujourd'hui. Et absolument pas tenir ce genre de discours lorsque l'on est à un poste comme celui d'Aurore Bergé. Il faut tout faire pour permettre des avancées sociales aux femmes et surtout pas pointer le fait qu'elles peuvent être potentiellement victimes de discriminations.

La discrimination serait entre celles qui en bénéficient, qui ont ces deux jours par mois d'arrêt maladie, de possibilité de ne pas venir travailler. Et toutes les autres, quand on regarde dans la métropole de Lyon, vous sur 2500 agentes, il n'y en a que 130 qui bénéficient du congé menstruel. Ce n'est pas non plus automatique ?

Non, ce n'est pas automatique puisque déjà les femmes qui veulent en bénéficier doivent soumettre un certificat médical et c'est ce certificat médical qui ouvre le droit. Mais ce sont 130 agentes finalement qui ont demandé l'ouverture de ce droit. Mais rien n'empêche aux autres agentes qui sont potentiellement victimes, qui subissent ces règles douloureuses, de le faire également. 130 agentes, effectivement, ce n'est pas beaucoup et il n'y a pas d'abus puisque sans doute l'État cherche à nous pointer un abus. On est loin de l'abus avec 130 agentes.

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