Ludovic Mey, chef co-propriétaire avec son épouse Tabata, du restaurant nouvellement étoilé Ombellulle, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
Le 31 mars dernier, le restaurant Ombellule de Tabata et Ludovic Mey (Lyon 6e) a décroché une étoile au guide Michelin 2025. C'est la seule table lyonnaise du palmarès. Une évidence, avions-nous alors estimé, tant la cuisine du duo est fine et subtile, avec de vrais équilibres de goûts, à la fois pointue, et ouvertement séductrice, particulièrement lisible et avec une parfaire harmonie entre élégance et nature, symphonie à la fois puissante et murmurée, tendue et apaisée.
Tabata et Ludovic et Mey ne partaient pas d'une feuille blanche. Avec Les Apothicaires, qu'il avaient fermés au printemps 2023, pour se concentrer sur leur projet Ombellule et Roseaux, une étoile flottait déjà.
Le niveau de cuisine apportée chez Ombellule ne pouvait que taper dans l'oiel des inspecteurs du guide. "Créative et technique, la cuisine du couple déroule le tapis rouge aux produits végétaux sans chercher la facilité, comme l'illustre cette entrée étonnante autour de la salade. Quant au ris de veau cuit au beurre noisette et légèrement fumé, artichaut Camus, vin jaune et noix, s'il relève d'une inspiration plus classique, il témoigne de la même précision culinaire."
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Acidité, sauces, fermentations
"J’ai toujours un peu de mal avec le terme "plat signature", explique Ludovic Mey sur le plateau de "6 minutes chrono". Disons que nous avons des traceurs dans notre cuisine. Il y a des goûts qu’on aime intégrer régulièrement. On aime bien travailler l’acidité, avoir un fil conducteur assez clair. On aime aussi les sauces, on en propose beaucoup, ainsi que des éléments fermentés. Nos assiettes comportent peu d’éléments, mais tout repose souvent sur la sauce. Je trouve que les sauces sont des éléments extrêmement importants de la cuisine : elles peuvent sublimer tout un plat. Actuellement, nous avons un plat à base de lotte, accompagnée d’un condiment au citron. On va juste travailler à côté avec beurre de koji , qui est une fermentation du riz."
Et de préciser : "en voyant l’assiette, on pense que c’est simple, mais en goûtant, on se rend compte que ça ne l’est pas du tout."
Le duo apprécie aussi le challenge de sublimer des aliments sans titre ni noblesse. Comme cet escorte-gueule qui accompagne la queue de lotte rôtie au beurre noisette, dans son expression la plus simple : le “noodles” d’oignons, soyeux. Explications : l’oignon est cuit dans une sauce à base de fumet de poisson, d’agrumes et de fenouil. Il est servi avec un beurre de koji, c’est-à-dire l’eau de la fermentation du blé montée simplement au beurre.
"L'étoile amène une certaine clientèle, des passionnés"
"L'étoile, c'est toujours particulier, se confie Ludovic Mey. Une fois qu’on l’a eue, on sait ce que cela représente. Cela amène une certaine clientèle, des passionnés. Quand on a ouvert Ombellule, effectivement, on espérait l’avoir assez rapidement, ce qui a été le cas. C’est une belle chose. Une étoile Michelin, c’est important, ça permet de rayonner, et pour certains clients, cela marque une table de référence. C’est quelque chose d’assez important."
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La retranscription intégrale de l'entretien avec Ludovic Mey
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Ludovic Mey, bonjour.
Bonjour Guillaume.
Ludovic Mey, vous êtes chef propriétaire, avec votre épouse Tabata, du restaurant Ombellule qui vient d'être étoilé au Guide Michelin. Vouys avez ouvert cet automne, et donc cinq à six mois plus tard, première étoile. Je rappelle quand même qu'avant, vous aviez Les Apothicaires dans le 6e arrondissement, également étoilé, que vous avez revendu pour monter ce projet Ombellule, ainsi que Roseaux, la brasserie à côté. Une première étoile pour Ombellule, est-ce que ça a été une surprise ?
C'est toujours une surprise de recevoir sa première étoile, d'autant plus qu'elle est arrivée assez rapidement, au bout de cinq mois. Sur ce point, nous remercions le Guide Michelin de nous avoir fait confiance suite à cette ouverture. Je pense qu'ils connaissaient déjà un peu nos valeurs et tout le travail accompli avec Les Apothicaires. Ils nous ont suivis et nous ont récompensés cette année avec cette étoile.
Est-ce que, avec Tabata, votre épouse, quand vous avez lancé le projet Ombelulle — on va parler d’Ombelulle aujourd’hui, on va se centrer sur ça — est-ce que l'étoile était incluse dans le business plan du restaurant ?
Alors, l'étoile, c'est toujours particulier. Une fois qu’on l’a eue, on sait ce que cela représente. Cela amène une certaine clientèle, des passionnés. Quand on a ouvert Ombellule, effectivement, on espérait l’avoir assez rapidement, ce qui a été le cas. C’est une belle chose. Une étoile Michelin, c’est important, ça permet de rayonner, et pour certains clients, cela marque une table de référence. C’est quelque chose d’assez important.
Donc quelque part, dans le business plan, elle y était un peu ?
Voilà, on l’a...
Mais en tout cas, est-ce que vous l’attendiez aussi tôt ?
Peut-être pas aussi tôt. On pensait plutôt à l’année prochaine. Mais encore une fois, le Guide Michelin était présent.
On va aller un peu plus loin, c’est toujours une question compliquée, mais est-ce que le but, sur Ombelulle, c’est d’essayer d’aller chercher la deuxième étoile ? Pourquoi pas ?
Je me souviens des Apothicaires, où on a eu une étoile alors qu’on ne s’y attendait pas du tout. Aujourd’hui, avec Ombelulle, on a eu cette étoile. Notre principale mission, c’est de continuer à offrir l’expérience que nous proposons. On n’est pas là pour courir après les étoiles, mais pour que nos clients vivent une expérience complète, de A à Z. Ombelulle est une autre version de notre vision de la gastronomie. Si demain, le Michelin nous décerne deux étoiles, ce sera avec grand plaisir, mais j’espère surtout qu’ils récompenseront le travail que nous faisons au quotidien.
Justement, je rebondis sur ce que vous dites. Cette nouvelle vision de la gastronomie, c’est quoi, si vous deviez la synthétiser en quelques idées ?
Ce qu’on dit souvent avec Tabata, c’est qu’il faut savoir recevoir. Moi, je dis toujours qu’on est un peu des aubergistes, mais comment être aubergiste en 2025 ? Ce n’est pas simplement faire de belles assiettes, c’est aussi respecter le client. Nos clients sont de plus en plus exigeants. Il faut savoir les accueillir, savoir leur parler, comprendre que chaque client est différent. Il faut s’adapter, et cela dès qu’il franchit la porte jusqu’au moment où il termine son expérience chez nous.
C’est vrai qu’on en discutait tous les deux avant l’émission : le service chez Ombellule est jeune, mais assez remarquable. Il y a des plats signature, notamment le risotto de graines au tournesol que vous continuez après Les Apothicaires, que vous avez un peu fait évoluer. Il y a d'autres plats signature chez Ombelulle ?
J’ai toujours un peu de mal avec le terme "plat signature", mais disons que nous avons des traceurs dans notre cuisine. Il y a des goûts qu’on aime intégrer régulièrement. On aime bien travailler l’acidité, avoir un fil conducteur assez clair. On aime aussi les sauces, on en propose beaucoup, ainsi que des éléments fermentés. Nos assiettes comportent peu d’éléments, mais tout repose souvent sur la sauce. Je trouve que les sauces sont des éléments extrêmement importants de la cuisine : elles peuvent sublimer tout un plat. Actuellement, nous avons un plat à base de lotte, accompagnée d’un condiment au citron. On va juste travailler à côté avec beurre de koji , qui est une fermentation du riz.
C’est vrai que la fermentation, vous l’avez toujours beaucoup pratiquée, notamment la lacto-fermentation, dont on parle beaucoup aujourd’hui. Et il y a aussi une chose que vous faisiez déjà aux Apothicaires et que vous continuez chez Ombelulle : vous sublimez des aliments sans titres ni noblesse. Par exemple, l’oignon, avec un noodle d’oignon qui accompagnait la lotte. C’est quelque chose que vous aimez particulièrement ?
Oui, avec Tabata, on aime bien ce genre de challenge. Se dire qu’on n’est pas obligés de mettre des produits chers ou nobles dans l’assiette. On préfère sublimer des légumes, les pousser assez loin, pour que le client, en voyant l’assiette, pense que c’est simple, mais en goûtant, se rende compte que ce ne l’est pas du tout.
Allez, une petite dernière question. Je sais que c’est délicat, mais concernant le Michelin : un restaurateur d’Annecy, après le palmarès Michelin, a décidé de rendre son étoile. Il évoque notamment Top Chef, où des inspecteurs Michelin goûtent les plats des candidats, et dit que cela ne prend pas en compte la régularité de la cuisine. Qu’en pensez-vous ?
Chaque fois que le Guide Michelin publie son palmarès, il y a des débats, des polémiques à droite et à gauche. Moi, je trouve que le Michelin est assez grand pour savoir ce qu’il fait. Aujourd’hui, c’est un guide que je respecte beaucoup. Ils nous ont fait confiance au bout de quatre mois, donc je n’ai pas vraiment d’avis critique. Je pense qu’ils savent ce qu’ils font.