Amaury Dewavrin, président du Foyer Notre-Dame des Sans-Abri
Amaury Dewavrin, président du Foyer Notre-Dame des Sans-Abri

"Nous hébergeons quotidiennement plus de 2 000 personnes"

Amaury Dewavrin, président du Foyer Notre-Dame des Sans-Abri, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale

À un mois d'une course solidaire inédite au parc de la Tête d'Or, Amaury Dewavrin était l'invité de l'émission 6 minutes chrono sur Lyon Capitale. Président du Foyer Notre-Dame des Sans-Abri, il alerte sur l’état critique de l’hébergement d’urgence à Lyon, tout en mettant en lumière des solutions concrètes pour sortir de la grande précarité.

Le 25 mai prochain, Lyon accueillera la première édition de la course "La foulée déchaussée", une course solidaire et pieds nus, organisée pour soutenir le Foyer Notre-Dame des Sans-Abri. À cette occasion, Amaury Dewavrin insiste sur l’importance de l’événement, qui vient pallier le désengagement progressif des petits donateurs : "Les questions de pouvoir d’achat sont bien réelles. Les donateurs ont de la générosité, mais des fins de mois compliquées. C’est donc une manière de partager autrement."

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"Sortir réellement de la grande précarité"

Créée en 1950, l’association accompagne chaque jour plus de 2 000 personnes. "On dit qu'on accompagne 7 000 personnes par an, mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’on héberge quotidiennement plus de 2 000 personnes et que 800 d’entre elles trouvent une solution d’hébergement régulier à la sortie de notre dispositif", précise-t-il.

L’association ne se contente pas de loger. Elle propose un accompagnement global, notamment à travers le dispositif PERL (Parcours évolutif de retour au logement vers l'emploi), qui aide les personnes à retrouver à la fois un emploi et un logement. "En moyenne, trois à quatre mois après leur entrée dans le dispositif, ils trouvent un emploi. On continue de les accompagner encore six mois. Et 70 % d’entre eux trouvent ensuite un logement."

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Une situation critique dans la métropole

Mais face à l’augmentation du nombre de personnes vivant dans la rue, Amaury Dewavrin tire la sonnette d’alarme. "Dans la métropole lyonnaise, il y a 2 500 personnes qui dorment dehors, plus 5 000 dans des conditions très précaires. Cela fait 25 à 30 000 personnes sans réelle solution d’hébergement." Un chiffre qu’il qualifie de dramatique, alors que les capacités d’accueil sont saturées.

L’État, pourtant responsable de l’hébergement d’urgence, peine à répondre à cette urgence. "Le nombre de places a augmenté jusqu’en 2022, depuis c’est stable, alors que les besoins croissent. Il y a un vrai problème politique pour concevoir et budgéter correctement ce besoin."

Dans ce contexte, l’événement du 25 mai se veut à la fois solidaire et accessible : marche de 3 kilomètres, course de 6 kilomètres ou relais, et même un parcours de 800 mètres pour les enfants. Une façon de courir ensemble pour une cause qui, selon Dewavrin, concerne tout le monde. "Pourquoi pieds nus ? Parce qu’on est tous fragiles, en réalité. Même ceux qui habitent au Vatican."

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Bonjour à tous, bienvenue dans l'émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, nous recevons Amaury Dewavrin, le président du foyer Notre-Dame des Sans-Abri. Bonjour Amaury Dewavrin. Merci d'être venu sur notre plateau. Alors, je vais juste présenter en deux mots votre association. Vous êtes une association lyonnaise créée en 1950. Votre but, c'est d'accueillir, héberger, accompagner et insérer les personnes qui sont dans la précarité. On vous reçoit aussi parce que c'est la première édition d'une course pieds nus à Lyon. Elle se tient au parc de la Tête d'Or le 25 mai et c'est une manière de soutenir aussi votre association. On va en parler. Juste avant de parler du détail, combien de personnes vous accompagnez chaque année ?

À peu près, au foyer Notre-Dame des Sans-Abri ? On dit qu'on accompagne 7 000 personnes, mais en réalité, les généralités, c’est bien, mais retenons que nous hébergeons chaque jour plus de 2 000 personnes, et que 800 d'entre elles trouvent une solution d'hébergement régulier à la sortie de notre dispositif. Nous avons des accueils de jour qui accueillent vraiment à la journée, pour une douche, pour un café, pour discuter. Ce sont des personnes qui vivent dans la rue. On a six accueils de jour, et on va en ouvrir un bientôt, très grand. C'est un de nos projets de 2025. Et puis, bien entendu, il y a l'insertion professionnelle. L'insertion professionnelle, c’est accompagner les gens vers l'emploi, pour qu'ils trouvent un logement.

On en parlait avant l'émission, vous avez ce dispositif PERL, peut-être qu'on peut en dire un mot déjà ?

Alors PERL, c'est un dispositif qui est vraiment un petit joyau, on pourrait dire. Ça veut dire Parcours évolutif de retour au logement vers l'emploi. En fait, c'est l'idée qu'on arrête de dire aux gens : « Vous n'avez qu'à trouver un logement, après vous pourrez chercher un job » ou inversement. Là, on aide les gens à faire les deux, et on les accompagne de manière totalement intégrée. Ce sont des gens très précaires, qui n'ont pas de logement, qui sont en hébergement. En moyenne, trois à quatre mois après être entrés dans le dispositif, ils trouvent un emploi. On les accompagne encore six mois, parce que ce n'est pas si simple de s'insérer dans l'emploi quand on a un peu perdu les codes. Donc on les accompagne longtemps. Ils restent en général dans leur emploi, et 70 % d'entre eux trouvent un logement ensuite. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’en fait, au foyer, on sait qu'on peut sortir de la grande précarité, et on sait que des gens en sortent réellement, grâce à ce dispositif comme à d'autres.

Alors vous avez parlé de l'accueil de jour, il y a aussi l'accueil de nuit. Comment est-ce que ça se passe ? C’est de l'hébergement d'urgence ?

Alors c’est de l’hyper-urgence, l'accueil de nuit en fait. Comme on a des dispositifs financés par l’État, celui-ci nous demande de passer par le 115. Tous les soirs, on a 72 places — et ça vient d’augmenter, on vient de faire des travaux d’agrandissement — mais 72 places, ce n’est pas beaucoup. Elles sont accessibles uniquement par le 115. Une personne qui appelle à 14 h peut se voir attribuer une chambre chez nous, mais ce n’est pas garanti parce qu’il y a beaucoup d’appels. On est le seul dispositif à Lyon qui permet d’avoir une place jusqu’à la dernière minute. Et parfois, on a des situations un peu dramatiques qui nous arrivent. C’est compliqué, parce que les gens qui sont là le soir dorment peut-être dans la rue le lendemain. Et évidemment, dans les périodes de froid comme celles qu’on a vécues il y a quelques mois, c’est particulièrement difficile. Mais ce dispositif existe.

Et il est saturé ?

Il est saturé, totalement. Si on avait 200 places, on les remplirait.

C’est aussi dans l’actualité parce que ces dernières semaines, c’était la fin de la trêve hivernale. Beaucoup d’associations alertent sur la crise de l’hébergement d’urgence, où beaucoup de personnes se retrouvent à la rue sans solution, et l’État ne parvient pas à loger toutes ces personnes. Vous, vous le ressentez à votre échelle ?

Alors vous avez raison, c’est le rôle de l’État, c’est sa compétence d’héberger les personnes vulnérables — c’est le mot de la loi. Et nous, nous considérons que quelqu’un qui vit dans la rue est évidemment en situation de vulnérabilité. C’est évidemment compliqué. Le nombre de places a augmenté jusqu’en 2022 environ. Depuis, c’est stable, mais les besoins restent croissants. Donc on voit de plus en plus de tentes, de situations dans la rue que vous et moi pouvons observer. L’État devrait augmenter le nombre de places. Il y a un rapport de la Cour des comptes qui est sorti il y a quelques mois, et qui dit que l’État a un problème, qui est en fait un problème politique : concevoir et budgéter correctement ce besoin. À tel point que c’est toujours financé, finalement, à 20, 30, 40 % par des lois de finances rectificatives, tout en fin d’année, en disant « ah oui, on a oublié… »

Il n’y a pas de planification, on réagit juste à la réalité finalement.

Il y a une réelle planification par les services de l’État, au niveau départemental et régional, et je dois les saluer. Il y a aussi un souhait de la métropole, qui a des compétences sur les femmes enceintes de plus de six mois et sur les femmes avec enfants de moins de trois ans. Mais cette planification…

Il n’y avait pas aussi, à un moment, dans les coupes budgétaires, l’idée d’arrêter l’hébergement des nouvelles mères ? Finalement, ils sont revenus dessus.

Alors oui, il y a toujours cette réalité qui rattrape. Remettre 200 000 personnes à la rue, ça n’a aucun sens. Mais moi, ce que je vois, c’est que dans la métropole lyonnaise, il y a 2 500 personnes qui dorment dehors, dans la rue, auxquelles s’ajoutent 5 000 personnes dans des situations très très précaires, plus certaines qui vivent chez des proches, faute de solution. Ça fait 25 à 30 000 personnes qui n’ont pas de réelle solution d’hébergement. Et donc ça, effectivement, c’est peut-être hors de portée de l’État, mais en même temps, c’est son devoir. L’État est plein de paradoxes, et on a une très bonne collaboration avec leurs services, mais ils doivent gérer des situations très paradoxales.

Ça nous permet donc de justifier aussi pourquoi il faut aller courir le 25 mai, finalement, en vous soutenant, parce que vous êtes un acteur qui permet de réinsérer les personnes, et d’essayer de réduire le nombre de personnes dans la rue. Juste, c’est combien de kilomètres la course ? On peut choisir ? Il y a plusieurs formules ?

Alors, le 25 mai, c’est un dimanche matin. Vous vous inscrivez sur le site lafouledeschaussées.com, ou simplement sur notre site. En fait, on peut marcher trois kilomètres pieds nus sur les pelouses du parc de la Tête d’Or, on peut courir six kilomètres, et on peut faire un relais. C’est très souple, c’est ouvert à tous. Il y a même une course de 800 mètres, je crois, pour les enfants de huit ans. Donc en fait, à chacun sa foulée, à chacun sa course. Pourquoi le parc de la Tête d’Or ? C’est très emblématique de Lyon. Pourquoi faire cette course ? Parce qu’on s’aperçoit qu’on a un financement pour l’accompagnement des personnes qui est à 70 % public, mais à 30 % par des donateurs et mécènes. Et en fait, les questions de pouvoir d’achat sont bien réelles. Les donateurs à qui on parle ont peut-être beaucoup de générosité, mais des fins de mois compliquées. C’est difficile pour eux de partager autant. Donc, on a encore de très gros dons, mais on a un effritement des petits donateurs, qui nous aiment et nous apprécient. C’est donc une manière de partager autrement. Et comme beaucoup de gens aiment courir, il y a vraiment un enthousiasme, un engouement pour la course. On s’est dit : un lieu emblématique, le parc de la Tête d’Or ; une activité emblématique, courir ; et pieds nus, pourquoi ? Parce qu’on est tous fragiles, en réalité. Tout le monde est fragile, même les gens qui habitent au Vatican.

Mortels ! Et c’est bien dans l’actualité… C’est la fin des 6 minutes chrono, je vous remercie en tout cas d’être venu nous présenter la course. Vous l’avez retenu : c’est le 25 mai au parc de la Tête d’Or. Vous pouvez vous inscrire sur le site de Notre-Dame des Sans-Abri, et suivre l’actualité.

Et je vous remets des bulletins d’inscription pour les personnes de Lyon Capitale. Bienvenue et à bientôt, alors.

Voilà, merci encore, à très bientôt.

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