Marie Guyon, fidèle lyonnaise, est l'invitée de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
Quelques mois avant le décès du pape François, survenu le 21 avril 2025, Marie Guyon a rencontré le souverain pontife. Invitée de l’émission 6 minutes chrono de Lyon Capitale, cette fidèle engagée dans le foyer Notre-Dame des Sans-Abris, ancienne élue du 4e arrondissement de Lyon, raconte cette rencontre.
"Nous l'avons rencontré en novembre 2024", raconte-t-elle. "Le pape a dit : pas d'ordre du jour, pas de discours. Il est arrivé en claudiquant, dans son humilité, et il nous a offert une heure de son temps." Un souvenir qu’elle décrit comme "une grâce".
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Revenant sur l'ensemble de son pontificat, entamé en 2013, Marie Guyon souligne un geste symbolique qui l'a particulièrement marquée : "Il a créé la fête des grands-parents parce que sa grand-mère paternelle lui avait appris le 'Je vous salue Marie'. C'était pour lui un hommage à la transmission." Pour elle, cette initiative révèle combien François, fort de ses racines argentines et de sa formation de jésuite, est resté un "homme de terrain" tourné vers les périphéries.
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Si le pape a parfois été perçu comme plus populaire à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'Église, notamment en Europe, Marie Guyon invite à prendre du recul : "Nul n'est prophète dans son pays. François venait d'Argentine, il connaissait la pauvreté, et c'était vraiment sa mission."
Interrogée sur le voyage du pape à Marseille et en Corse, et sur la frustration de certains catholiques français qui ont pu se sentir oubliés, elle précise : "Son projet était de faire le tour de toute la Méditerranée, pas de visiter la France. N'oublions pas que sa première mission, c'était Lampedusa, pour alerter sur le drame des migrants."
À l'heure où les cardinaux du monde entier se préparent à élire son successeur, Marie Guyon insiste sur l'importance du discernement : "Il faut que ce soit quelqu'un qui ait conscience d'être responsable des cinq continents. Chaque pape a sa mission." Pleine de confiance en l'avenir, elle conclut : "Si le pape François a choisi des cardinaux, il savait ce qu'il faisait. À nous de leur faire confiance et d'attendre dans le recueillement l'annonce : 'Habemus Papam'."
La retranscription complète de l'émission avec Marie Guyon :
Bonjour à tous, bienvenue dans l'émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, on va parler du pape François et du destin de l'Église avec Marie Guyon qui est lyonnaise, une fidèle, qui a eu la chance de rencontrer le pape François il y a quelques mois. Bonjour Marie Guyon.
Bonjour Éloi.
Merci d'être venue sur notre plateau. On va rentrer un peu dans le vif du sujet. Est-ce que, tout d'abord, vous pouvez nous raconter dans quel contexte vous l'avez rencontré dernièrement, avant son décès ? Je rappelle qu'il est décédé le lundi de Pâques, le lundi 21.
Le 21 avril 2025, et nous l'avons rencontré en novembre 2024 avec le foyer Notre-Dame des Sans-Abris, l'association de Gabriel Rosset, un Lyonnais qui a fondé le foyer. Vous voyez, c'est très très récent.
Et vous gardez un souvenir particulier, vous avez eu le temps d'échanger un petit peu ?
Je garde un souvenir particulier, c'est vraiment, pardonnez-moi, une grâce. Nous avons eu cette chance-là, donc avec Monseigneur de Germay qui avait écrit au Saint-Père, avec François Asensio qui est un vieux de la vieille et un routard, puisque c'est un gars qui a été accueilli par Gabriel Rosset quand il est arrivé d'Algérie. Vous voyez, il y a une longue histoire. Nous avons été accueillis, le pape a dit : pas d'ordre du jour, pas de discours. Il est arrivé en claudiquant, dans son humilité, il s'est assis, il nous a offert une heure. Vous vous rendez compte ce que c'est qu'une heure ? Il a discuté avec nous, des gens lui ont parlé.
Oui, c'est un homme accessible.
C'est un homme accessible, c'est un homme d'écoute, et je dirais ainsi va la vie, c'est-à-dire qu'il s'est laissé porter, nous nous sommes laissés porter et accueillir par lui.
Alors justement, de manière plus rétrospective, qu'est-ce que vous retenez de son pontificat ? Est-ce qu'il y a quelque chose qui vous semble important que vous voudriez mettre en avant sur ces années ? Je crois que c'est 2013, depuis qu'il a été nommé Pape.
Oui, 2013, il pleuvait ce jour sur le Vatican, il pleuvait, il s'est mis au balcon et il a dit "priez pour moi", tout le monde était heureux. Et moi, ce que je retiens de son pontificat, plusieurs choses, mais une en particulier : il a créé la fête des grands-parents. C'est le premier qui l'a fait, et il a créé cette fête parce que sa grand-mère paternelle lui a appris le "Je vous salue Marie". Vous savez qu'il a une dévotion pour Marie qui est énorme, et je crois qu'il veut dire aussi "transmettez". Les grands-parents ont une mission dans cette période un peu chaotique.
Et puis donner sa place à une figure qu'on ne met pas forcément en avant...
Exactement, alors que le grand-parent est le messager. Moi, j'entends tout le monde : ma grand-mère, mon grand-père... Enfin tout le monde de notre génération, peut-être moins les jeunes parce que, aussi, la famille n'a plus la même essence.
Et alors justement, vous le dites vous-même, c'était un homme ouvert qui donnait aussi sa place à ceux qui n'avaient pas forcément le projecteur sur eux. On a aussi l'impression que parfois il était plus populaire à l'extérieur de l'Église qu'à l'intérieur, en France ou en Europe du moins. On a quand même une Église qui est particulière, avec une histoire particulière. Qu'est-ce que vous pensez de ce propos qu'on entend régulièrement ?
Nul n'est prophète dans son pays. Mais le pape François était populaire parce que, d'abord, il venait d'Argentine. Il n'était pas attendu, ce n'était pas lui qui était attendu. Il a fait un discours lors du conclave, et le choix a basculé pour lui. Alors, il était populaire parce qu'il connaissait bien l'Argentine, connaissait la pauvreté, et c'était vraiment sa mission. Et n'oublions pas qu'il était jésuite de formation. Donc bien sûr qu'il y a la théologie, etc., mais il y a aussi le terrain. Et puis je pense que quand vous êtes en Argentine, c'est pas pareil que quand vous êtes peut-être dans un autre endroit ou un autre pays.
C'est-à-dire que c'est un homme de terrain et peut-être moins un diplomate ?
Alors, on ne peut pas dire qu'un homme de terrain n'est pas diplomate. Un homme de terrain a l'expérience. Vous savez, même en politique, on dit : il y a le château, puis il y a le terrain. Là, il avait peut-être le château, mais il avait le terrain. Et c'est pour ça aussi que, quand il est arrivé au Vatican, il n'a pas voulu ses mules, il a gardé ses chaussures, parce que la chaussure, c'est le pied, on marche, on est dedans. Et les sans-abris quelquefois n'ont pas de chaussures.
Oui, il voulait être au plus proche, effectivement, des personnes qui étaient oubliées. J'aimerais qu'on parle un peu de son voyage en France aussi, qui a eu lieu à Marseille, puis en Corse ensuite. Il a eu ses mots tout de même à Marseille : "je vais à Marseille, pas en France". Parfois, les catholiques français se sont sentis à minima un petit peu frustrés, voire certains blessés, d'être un peu oubliés peut-être. Est-ce que vous partagez un pareil sentiment ?
N'oubliez pas son projet. Son projet, c'était de faire le tour de toute la Méditerranée, et Marseille en fait partie , après l'Italie et la Corse. N'oubliez pas sa première mission : c'était la Méditerranée, celle qui rejette les exclus, c'est-à-dire Lampedusa.
Oui, c'était au cours d'un cycle de conférences sur la Méditerranée.
Et n'oublions pas que ces gens-là traversent, ils traversent, ils sont dans l'eau, ils sont dans la mer. Donc je pense que c'est ça qu'il a voulu dire. L'eau peut être bénéfique — quand on a soif, on est content d'avoir de l'eau — mais elle peut être destructrice. Alors c'est vrai que moi personnellement aussi, j'ai dit "quand même"... Mais une fois qu'on a compris, qu'on nous a expliqué pourquoi, c'était complètement légitime et ça rentrait dans sa mission de pasteur.
J'ai une dernière question sur les perspectives pour demain. Les cardinaux du monde entier vont se réunir pour un conclave, pour élire un nouveau pape. Qu'est-ce que vous souhaiteriez pour l'Église de demain : un pape dans la continuité du pape François, ou en rupture, plus conservateur, un Français, Jean-Marc Aveline, qui est aussi papabile ?
Ce que je souhaite surtout, c'est déjà qu'on se remette dans le recueillement, dans le discernement. Attention, c'est important : c'est quelqu'un qui a le monde sur les épaules. Je ne sais pas si vous regardiez "l'Urbi et Orbi", quand il était au balcon le dimanche à midi. Souvent moi je regardais, et il avait une charge sur les épaules très forte. Donc il faut que ce soit quelqu'un qui ait conscience, qui soit responsable des cinq continents. Chaque pape a sa mission : Jean-Paul II a eu une mission, Benoît XVI aussi.
Donc vous avez confiance ?
Moi, j'ai complètement confiance.
Si le pape François a choisi des cardinaux, en a nommé, il savait ce qu'il faisait. Et à nous de faire confiance à tous ces cardinaux qui sont en conclave. On n'oublie pas : conclave, c'est discernement, recueillement. Et moi je leur souhaite vraiment beaucoup, beaucoup de force, et ce discernement, et puis, pour après afin de dire : "Habemus Papam."
Pour le Pape décédé un Lundi de Pâques, c'est le Paradis !