Quelques jours avant sa venue, Sarkozy répond à Lyon Capitale qui a demandé à 10 personnalités lyonnaises de poser chacune une question.
Bernard Bolze, animateur de la campagne Trop c'est trop ! pour un numérus clausus en prison.
Bernard Bolze : "Vous avez pour projet une politique pénale qui va accroître mécaniquement le nombre de personnes détenues (peine plancher, loi sur la récidive). Vous engagez-vous en contre-partie à respecter la norme qui consiste à ne mettre qu'une personne là où il n'y a qu'une place ? Et dans quel délai ?"
Nicolas Sarkozy : Oui, je m'y engage et le plus vite possible. De trois façons différentes : la poursuite de la construction des établissements pénitentiaires dont nous avons besoin la réduction du nombre de personnes en détention provisoire, en réservant cette hypothèse aux cas d'atteintes ou de tentatives d'atteinte à l'intégrité physique des personnes, et le placement dans d'autres structures, mieux adaptées, d'un grand nombre de personnes qui n'ont rien à faire en prison, je pense en particulier aux personnes qui souffrent de troubles psychiatriques enfin, l'élaboration d'une loi pénitentiaire exigeante et la création d'un contrôle général indépendant des prisons, qui feront qu'il ne sera plus possible, en France, d'obliger un détenu à partager sa cellule.
Odile Belinga, avocate, présidente de la Ligue des droits de l'homme-Rhône.
Odile Belinga : "Est-il acceptable d'organiser des embuscades près des établissements scolaires primaires pour interpeller - devant les enfants - des grands-pères sans papiers traités comme de dangereux délinquants ? Pourquoi avoir désanctuarisé ces lieux ?"
Nicolas Sarkozy : Vous êtes manifestement fort mal informée. Sur le territoire de la République, il n'y a pas et il n'y aura pas d'interpellations de "sans papiers" dans les écoles ou à leurs abords. Ce sont les consignes que j'ai données aux préfets comme ministre de l'Intérieur et qui ont été respectées. Mais les faits que vous évoquez n'ont aucun rapport avec la lutte contre l'immigration clandestine. Mardi 20 mars, dans le 19ème arrondissement, non loin de l'école Rampal, des policiers ont procédé à des contrôles d'identité, à la demande du parquet, dans le cadre de la lutte contre les infractions à la législation sur les armes. Il se trouve que, parmi les personnes contrôlées, un Chinois "sans papiers", âgé de 47 ans, a été interpellé, avant d'ailleurs d'être relâché. Je ne crois pas que l'Etat doive s'excuser lorsque la loi est appliquée, sous le contrôle de la justice ! Je ne crois pas qu'il faille s'excuser de demander aux policiers de faire leur métier, qui consiste à garantir la sécurité de nos compatriotes et à interpeller les personnes qui ne respectent pas la loi !
Bertrand Millet, président du Medef Lyon.
Bertrand Millet : "Il faut absolument relancer l'économie pour combattre le chômage. Alors, par rapport aux 35 heures, toutes les heures supplémentaires seront-elles réellement et totalement exonérées de charges sociales ? Et à partir de quand si vous êtes élu ?"
Nicolas Sarkozy : Oui, elles le seront. Dès que la loi aura été votée, c'est-à-dire, si je suis élu, avant le 31 juillet 2007.
Luc Marlot , secrétaire général de la CFDT-Rhône.
Luc Marlot : "Travailler plus pour gagner plus" est votre slogan qui laisse entendre que ce serait un choix du salarié. Concrètement, cela veut-il dire que les salariés seront demain en mesure d'exiger de faire des heures supplémentaires ?"
Nicolas Sarkozy : En exonérant les heures supplémentaires de charges salariales et d'impôt sur le revenu, mais aussi de charges patronales, je les rends plus payantes pour les salariés, mais également moins chères pour les entreprises. Celles-ci auront donc fortement intérêt à donner des heures supplémentaires. Je ferai aussi en sorte que la négociation sur les heures supplémentaires puisse se faire au sein des entreprises et non au niveau des branches. Cela aussi donnera plus de souplesse et créera des heures supplémentaires pour tous ceux qui le souhaitent.
Guy Darmet, directeur de la maison de la Danse.
Guy Darmet : "Dans le milieu culturel tout le monde annonce que vous allez supprimer le ministère de la culture ou le transformer en secrétariat d'Etat. Que feriez-vous réellement ? La culture bénéficiera-t-elle enfin du 1% budgétaire ?"
Nicolas Sarkozy : La culture bénéficie actuellement du 1% budgétaire. Mais c'est évidemment insuffisant. Elle doit bénéficier de beaucoup plus. C'est mon intention. Par ailleurs, je ne veux pas supprimer le ministère de la culture. Je veux au contraire le renforcer et qu'il se rapproche de celui de l'Education nationale car c'est à l'école que se fait la transmission de la culture pour tous, première étape de la démocratisation culturelle et de la création.
Philippe Genin, ancien bâtonnier, porte-parole de Dominique Perben.
Philippe Genin : "Etes vous favorable à la création d'une chambre spécialisée de la Cour pénale internationale avec pour mission de juger des crimes les plus graves contre la terre ?"
Nicolas Sarkozy : Comme vous le savez, j'ai signé le pacte écologique de Nicolas Hulot, ce qui n'est pas pour moi un engagement pris à la légère. Je suis pleinement conscient de l'enjeu que représente la protection de notre environnement pour les générations futures. Je suis par ailleurs profondément convaincu que la prévention des crimes passe par la dissuasion. Aussi, je suis sensible à la proposition de création d'une juridiction pénale internationale tant il est clair que les atteintes les plus graves à l'environnement ne sont pas confinées à l'intérieur des frontières d'un Etat.
Un tel projet mérite donc d'être étudié, en prenant en considération les droits des Etats et de leurs peuples, qui ne sauraient être déclarés coupables collectivement.
Christophe Cédat, patron du Café 203.
Christophe Cédat : "La plus grande fracture de notre société n'est pas entre la gauche et la droite, c'est entre le privé et le public. Dans le privé, on a l'impression d'être dirigé par une administration despotique, qui n'est jamais contrôlée. Comment réconcilier les Français ?"
Nicolas Sarkozy : C'est justement parce qu'il faut réconcilier les Français entre eux qu'il faut éviter les amalgames. Les avantages dont bénéficient les fonctionnaires, je pense en particulier à la sécurité de l'emploi, doivent avoir pour contrepartie une forte éthique du service public, un dévouement sans limite à l'intérêt général. Je connais des milliers de fonctionnaires qui ont ce sens de l'Etat ou du service public chevillé au corps. Ils sont les premiers à souffrir quand l'administration répond mal aux attentes des usagers, quand elle est prisonnière de ses conservatismes.
Michèle Rivasi, fondatrice de la Crirad et ex-directrice de Greenpeace.
Michèle Rivasi : "Vous avez signé le pacte écologique de Nicolas Hulot, qui prévoit de réduire les émissions de CO2. Comment peut-on atteindre cet objectif en continuant à construire des autoroutes et des incinérateurs ?"
Nicolas Sarkozy : Si j'ai signé le pacte écologique de Nicolas Hulot, c'est parce que je suis convaincu que la lutte contre le changement climatique est l'un des grands défis de notre siècle. Mais soyons réalistes : 95% de ce qui se trouve dans nos habitations ou dans nos bureaux a été acheminé par la route et 60% de nos concitoyens prennent leur voiture chaque jour. Quoique l'on fasse, la route restera un mode de transport essentiel. Il faut donc améliorer son rendement énergétique, en accélérant la recherche de nouvelles énergies propres pour les véhicules. Je propose aussi une TVA à taux réduit sur les véhicules propres et de défiscaliser totalement les biocarburants. S'agissant des incinérateurs, je crois que la vraie question est celle de la réduction de nos volumes de déchets, et notamment de nos volumes d'emballage. Si je suis élu, j'augmenterai la taxation des emballages, et j'aborderai avec les collectivités locales la possibilité de moduler la redevance d'enlèvement des ordures ménagères en fonction des volumes. C'est une question de responsabilisation des producteurs et des consommateurs.
Claude Burgelin, universitaire, professeur honoraire à Lyon 2.
Claude Burgelin : "Affleurent souvent en vous un fond de colère, une nervosité anxieuse, une violence bouillonnante à peine contenue. Comment le guerrier tout à sa volonté de revanche et de victoire qu'on perçoit en vous, saura-t-il être au-dessus de la mêlée ?"
Nicolas Sarkozy : J'ai toujours préféré la caricature à l'absence de liberté d'expression. Mais je ne connais pas M. Burgelin. Je ne sais donc pas ce qui lui permet de dire cela, combien de fois il a pu ainsi en juger, quelle est la diversité des situations dans lesquelles il a pu m'observer. Je préfère donc ne pas commenter.
Emmanuel Hamelin, député UMP à Lyon.
Emmanuel Hamelin : "D'un point de vue humain, quel bilan faites vous de cette année préélectorale, à 15 jours du premier tour ?"
Nicolas Sarkozy : Une campagne électorale, c'est dur, mais c'est une formidable aventure humaine. Des milliers de rencontres, des dizaines de rebondissements, une équipe qui se bat avec vous. Quel que soit le résultat, et je le dis souvent à mes amis et à mes collaborateurs, cela restera un extraordinaire souvenir.
3 questions de la rédaction
"Les caricatures dissimulent la vérité d'un homme"
Lyon Capitale : Le recteur Morvan s'est dit kärchérisé. Avez-vous fait pression sur lui pour précipiter l'ouverture du lycée Al Kindi avant le premier tour des élections afin de donner des gages à certains mouvements musulmans comme l'UOIF ?
Nicolas Sarkozy : C'est la justice qui a tranché la question de l'ouverture de ce lycée. Le gouvernement a donc appliqué une décision de justice. Quant à croire ou affirmer qu'un candidat à la présidentielle puisse se préoccuper de faire révoquer un recteur à quelques semaines des élections, c'est méconnaître gravement le fonctionnement concret de notre vie publique et politique. De même que je n'ai pas nommé Monsieur Morvan, je n'ai rien à voir avec sa révocation. Monsieur Morvan exerçait une fonction qui lui imposait de respecter un devoir de réserve et l'autorité de son ministre. Il ne l'a pas fait. Le ministre de l'Education nationale a dès lors demandé qu'il soit mis fin à ses fonctions.
La Région et Lyon sont socialistes, le Département est centriste. Comment imaginez-vous la reconquête lyonnaise ?
C'est une drôle d'idée de penser qu'une région, une ville ou un village puisse appartenir à une formation politique, quelle qu'elle soit. C'est aux électeurs de se prononcer sur un homme et un projet. J'ai confiance en Dominique Perben, qui a les qualités et l'expérience nécessaires pour convaincre.
Le président de la République est le président de tous les Français. Comment allez-vous juguler le TSS (tous sauf Sarko) qui anime une partie de l'électorat ?
Bien sûr qu'il est le président de tous les Français. Mais il n'en doit pas moins être élu sur un projet, sur des valeurs, sur une vision. J'essaie de faire en sorte qu'un maximum de Français s'intéressent et adhèrent à ce projet plutôt que l'élection se joue sur des raccourcis et des caricatures qui dissimulent la vérité d'un homme.
Etes-vous plutôt PSG ou plutôt OL ?
Enfin la question qui fâche ! Vous le savez, je suis un supporter de longue date du PSG et la situation délicate qu'il vit actuellement ne fait que renforcer mon attachement à ce club. Mais j'ai également eu la chance d'assister en décembre dernier à un entraînement de l'OL et de discuter longuement avec Gérard Houllier. L'exceptionnelle réussite lyonnaise n'est pas tombée de nulle part, elle est l'aboutissement du formidable travail accompli par Jean-Michel Aulas depuis 20 ans et d'une gestion sportive et économique exemplaire. C'est pourquoi je ne me fais guère de soucis pour les Lyonnais quant à leur mauvaise passe actuelle.