Les psychiatres sur le front du sordide

Zoom sur une unité méconnue du Samu.

"Les témoins ont assisté à une boucherie ; ils étaient très choqués, certains vomissaient", explique la psychiatre Nathalie Prieto, responsable de la Cellule d'urgence médico-psychologique à Lyon. Le drame remonte à février dernier, à la gare TGV de l'aéroport Saint Exupéry, un technicien de maintenance est soudainement happé par un tapis roulant, ses jambes sont broyées. Des collègues du technicien et des policiers assistent à cette vision d'horreur. En état de choc, les témoins sont rapidement pris en charge par la Cellule d'urgence médico-psychologique de Lyon. Peu connue du grand public, cette cellule rattachée au SAMU a pour mission d'intervenir après une catastrophe, un attentat, un braquage ou tout autre événement ayant un fort impact psychique et collectif. En moyenne, elle réalise une trentaine d'interventions par an, mais depuis le début de l'année, elle a déjà été mobilisée plus d'une dizaine de fois auprès de victimes directes ou indirectes d'évènements traumatiques. "On espère que cela va se calmer", confie Nathalie Prieto. Ses dernières semaines, la cellule est également intervenue dans une maison de retraite où avait été commis un viol sur une patiente atteinte de la maladie d'Alzheimer. Malgré l'arrestation du coupable, le personnel de la maison de retraite n'arrivait plus à travailler avec un fort sentiment de culpabilité. Plus récemment, il y a eu également l'agression à coup de couteau d'un professeur par un élève au lycée international de Lyon. "On a pris en charge la classe sidérée par le geste de leur camarade. Mais notre rôle c'était surtout d'être le garant d'une bonne gestion de crise. On a accompagné l'équipe de direction pour savoir : qu'est ce qu'on dit aux parents qui téléphonent apeurés ? Quels messages on fait passer aux élèves ? Le traumatisme peut venir autant de la façon dont est géré l'événement que de l'événement lui-même. Après la catastrophe de Toulouse, les victimes disaient "j'étais ensanglanté, les pompiers couraient de partout sans me voir", explique Nathalie Prieto.

Se sentir "chosifié"

En France, c'est suite aux attentats de 1995 dans le métro et dans le RER parisiens, qu'une réflexion s'est engagée sur la nécessité d'une prise en charge des victimes de chocs psychologiques. "Les urgentistes s'occupent des blessés mais on sait qu'un traumatisme psychique peut aussi avoir des conséquences dramatiques. Certains individus vont se remémorer en permanence le drame qu'ils ont vécu. Lorsque vous êtes envahi par l'angoisse, cela vous empêche de vivre. L'important c'est d'intervenir rapidement, sinon l'événement agit comme un tampon encreur", poursuit le Dr Prieto . Née en 1998, la cellule lyonnaise a géré de graves catastrophes : l'avalanche de Chamonix, l'incendie du tunnel du Mont blanc, l'accident du car Allemand à Dardilly, l'incendie de la maison de retraite à Limonest.... Les interventions se font sur le terrain, très rapidement après le drame, et si besoin un suivi post traumatique peut être assuré. En moyenne, trois séances suffisent. Et Nathalie Prieto de conclure : "On n'est ni des magiciens, ni des cow-boys. On ne peut annuler un événement douloureux mais, en écoutant l'autre, on permet une décharge émotionnelle. Dans un drame, les individus se sentent souvent chosifiés, déshumanisés. En réintroduisant un peu d'humanité, on les aide à reprendre la maîtrise d'eux-mêmes".

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