La ministre catho-sociale témoigne d’un fort volontarisme pour mettre fin au mal-logement, comme aux abus des agences immobilières.
Lyon Capitale : Depuis la sortie d’un rapport très sévère, la profession des agents immobiliers est sous le feu des critiques. Avez-vous prévu de faire le ménage ?
Chirtine Boutin : Le rapport de la direction de la concurrence est sorti jeudi. J’ai immédiatement saisi Christine Lagarde le ministre de l’Économie et la FNAIM (fédération des agences). Il faut définir des règles de déontologie dans cette profession. Il me semble indispensable aussi de développer la formation des agents immobiliers. À Lyon, justement, je dois visiter un institut de formation à ces métiers. C’est trop tôt pour annoncer quoi que ce soit, mais les choses devraient être recadrées. Trop d’agences immobilières se sont créées en dehors même des structures professionnelles qui les encadrent, sans apporter les garanties de déontologie qu’une telle profession exige... surtout dans un marché aussi tendu !
Vous entendez faire le ménage entre les bonnes et les mauvaises agences ?
C’est exactement ce dont il s’agit, il faut tirer le bon grain de l’ivraie. Il convient en particulier au ministre du logement d’aider les fédérations professionnelles à se protéger contre tous ceux qui veulent exercer cette profession sans en respecter les règles.
La semaine prochaine, vous allez délocaliser votre ministère à Lyon. Est-ce qu’il y a un modèle lyonnais en matière de logement ?
Le logement n’est pas une affaire municipale, mais nationale. Le ministre du logement a un rendez-vous obligatoire : le congrès des HLM. Il se trouve que cette année, ce congrès a lieu à Lyon et que dans le même temps, se tiennent le congrès des notaires et celui des promoteurs. J’ai donc décidé de délocaliser mon ministère, en faisant venir tous les partenaires concernés par la construction. Il va se passer des choses très importantes à Lyon. Car je veux que tous ensemble - les propriétaires, les locataires, les bailleurs, le secteur public et le privé, les banques... - nous réunissions nos forces et signions des partenariats pour que tout le monde ait un logement décent dans notre pays !
Reprenez-vous à votre compte l’objectif « zéro SDF » de Jospin ?
Mon objectif, c’est de mettre fin à l’extrême précarité et j’ai la volonté d’y parvenir. Le président de la République a réhabilité la valeur “travail, c’est essentiel. Il nous revient maintenant de faire du logement la seconde priorité. Sans toit, il est impossible de s’insérer dans la société, de travailler, de fonder une famille...
Gérard Collomb vous a prévenue : «Vous êtes la bienvenue, sauf si vous venez pour faire la pub de Perben... »
Non, ce n’est pas l’objectif. Je ne vais pas non plus le démolir, pas plus que je ne le ferai pour Gérard Collomb. Tous deux m’ont d’ailleurs demandé de ne pas en faire une affaire municipale.
Nicolas Sarkozy veut « faire de la France un pays de propriétaires ». Quand on voit l’envolée des prix immobilier, n’est-ce pas déjà trop tard ?
Non. Si les prix sont si hauts dans les “zones tendues", comme Lyon ou Paris, c’est parce qu’il n’y a pas assez de logements ! Il faut donc construire plus pour ceux qui n’arrivent pas à se loger, et faire baisser ainsi corrélativement les prix. Je vous rappelle que 72% de la population française répond aux critères d’attribution des HLM, mais qu’à peine 22% en bénéficie...
On ne peut pas faire 72% de HLM !
Non, mais cela signifie que 55% de Français font un effort considérable pour se loger. Comment imaginer que des gens qui ont du travail, et même des CDI, soient obligés de dormir dans leur voiture ? Je ne peux l’admettre et c’est pourquoi je lance ce Grand Chantier National pour le Logement.
Vous avez un objectif de 500 000 logements neuf par an. Dont combien de HLM ?
120 000. Nous avons la chance en France d’avoir un vaste panel de types de logements. L’Espagne compte 85% de propriétaires, ce qui pose des problèmes importants. Nous, nous avons des HLM, du privé, du locatif... La vie n’est plus un long fleuve tranquille. On peut être propriétaire un jour et être obligé de redevenir locataire... Il faut que l’habitat tienne compte des cohabitations, des familles recomposées, des personnes âgées...
Sanctionnerez-vous les mairies qui n’appliquent pas la règle des 20% de HLM, comme Neuilly ?
Neuilly a commencé à faire des efforts ! Je le dis clairement, je ferai appliquer la loi SRU. Mais certains élus préfèrent payer une amende, plutôt que construire des HLM. Moi, je ne veux pas d’argent, je veux des logements ! Ces choix concernent les élus, mais aussi les habitants. Vous connaissez certainement des projets qui n’aboutissent pas, parce que des riverains n’en veulent pas et usent de tous les moyens de procédure possibles. Je souhaite qu’il y ait, à Lyon, une prise de conscience générale !
En cette période de restriction, avez vous obtenu de nouveaux budgets pour restructurer des banlieues ?
Les moyens, je les ai ! Mon ministère est d’ailleurs le seul qui ait obtenu des créations de postes... Aujourd’hui, le plus important pour moi c’est de provoquer la concertation les habitants. Or dans les 500 dossiers de restructuration en cours, elle n’est pas toujours suffisante. Je veux aussi qu’avant de démolir, on soit sûr de reconstruire au moins autant de logements qu’il en existait auparavant.
Les banques françaises étaient déjà réputées pour prêter difficilement... Avec la crise, ce sera encore plus dur d’obtenir un prêt !
Les banques ont aussi besoin d’avoir des clients. Ce qui me ravit plutôt, c’est la décision de Jean-Claude Trichet de ne pas augmenter les taux. Parce que là, on aurait eu un vrai problème ! À Lyon, je réunirai les différents établissements bancaires et je leur demanderai des efforts nouveaux pour proposer les financements adaptés aux nouveaux acquéreurs.
Le logement compte beaucoup dans les problématiques environnementales. Quelles sont vos priorités en la matière ?
Je veux qu’on fasse un effort tout particulier pour la réhabilitation des logements où vivent les ménages les plus modestes. Il ne faut pas que les plus défavorisés soient doublement pénalisés par leur incapacité à remettre leur habitation aux normes et obligés de payer des factures élevées de chauffage et d’électricité.
En 2008, beaucoup de copropriétés devront refaire leurs ascenseurs, ce qui va faire exploser leurs charges...
La règlementation sur les ascenseurs a été mise en place pour répondre à des risques particulièrement graves pour les personnes. Les délais posent aujourd’hui de telles contraintes qu’il apparaît que tous les travaux prévus avant la première échéance du 3 juillet 2008 ne pourront pas être réalisés dans de bonnes conditions. En conservant les mêmes règles techniques, je proposerai au Premier Ministre qu’un décret reporte de l’ordre de 18 mois, soit à fin 2010, cette première échéance qui concerne la réalisation des travaux de sécurité les plus importants.
Et il n’y a pas que ce problème. Les charges deviennent insupportables... J’aurai l’occasion d’en parler à Lyon. Ça ne peut pas durer comme ça.