Elle aura également pour conséquence de barrer la route dès 2008 à de nombreux doctorants qui ne trouveront plus de postes à l'université à l'issue de leur thèse. En effet, outre le non renouvellement d'un nombre important de postes d'enseignants partant à la retraite, c'est 800 postes de maîtres de conférences qui vont être transformés en postes de professeurs des universités, ce qui les éliminera mécaniquement des postes mis au concours. Autre conséquence : les étudiants étaient 300 dans leurs amphis devant un prof, au niveau L, combien seront-ils demain, si la moitié du corps enseignant disparaît ?
Ensuite, c'est le caractère national de la gestion des universités qui est abandonné, et relèvera du directeur de l'université, avec toutes les dérives " localistes " qu'on peut imaginer : on aura une embauche pouvant être à temps partiel, à durée déterminée. C'est sur la base d'une négociation entre le docteur et le directeur de l'établissement, et de commissions de recrutement ad hoc, que se définiront les attributions en termes de recherche, d'enseignement et d'administration du recruté. On imagine bien le statut des futurs chercheurs dans des universités liées à des bassins d'emploi, et l'autonomie scientifique et intellectuelle qui sera la leur... Je pense en particulier au sort qui sera fait aux sciences humaines et sociales, dont la rentabilité économique n'est pas immédiatement visible (même si elle est réelle, en particulier au plan social et culturel) : que restera-t-il des humanités, des lettres et des sciences sociales quand ce seront des entreprises du BTP ou de l'automobile qui interviendront dans les contraintes de recrutement ? Que restera-t-il de la capacité critique et d'interrogation que toute société doit avoir envers elle-même sous peine de plonger dans l'obscurantisme et les idéologies ?
On dit : " L'université va mal, il faut la réformer ". Mais qui pose ce diagnostic et est-il vraiment partagé et discuté ? Certains rapports de l'OCDE sur l'enseignement montrent en réalité que les choses ne vont pas si mal. Ces critiques sont avant tout idéologiques et destinées à préparer la privatisation de l'université dans la perspective des accords de l'AGCS qui se mettront en place en 2010. Bien sur il y a des aspects critiquables du service public. Mais pour parler de que je connais bien, à avoir l'enseignement supérieur, je constate que ces dysfonctionnements sont organisés depuis des années par l'Etat lui-même afin qu'à un moment on puisse dire : " voyez, le public ça ne fonctionne pas ! Il faut donc privatiser ! ". On crée ensuite de fausses oppositions entre, par exemple, les fonctionnaires et le secteur privé, afin de monter les uns contre les autres et de détruire ce qui est, fondamentalement, un bien commun lié à l'intérêt général. Et c'est bien ça, l'intérêt général, dont il faudrait pouvoir discuter !
C'est pourquoi il est aujourd'hui urgent que les étudiants se mobilisent pour exiger un retrait de ces réformes. Comme il n'y a plus aucune force d'opposition chez les enseignants, et bien peu semble-t-il du côté syndical, c'est aux étudiants de faire pression et de s'organiser pour préserver leur avenir, et pour qu'une pensée critique et de " l'en commun " ne soit pas irrémédiablement détruite dans notre pays.
Dröne
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