un seul village, Saint-Romain en Gier, les sépare encore. Et ses habitants ne semblent pas prêts de choisir entre les deux.
De Lyon, on arrive à Saint-Romain en passant par Givors, ancienne ville ouvrière des bords du Rhône, aujourd'hui cosmopolite et partagée entre ses façades grises et un bétonnage criard. Le contraste est frappant. Saint-Romain est un peu hors du monde. Le village touche Givors mais nous sommes en pleine campagne, séparé de la ville par deux collines. Architecture pittoresque, dominée par un clocher sans âge, son école et sa mairie. Rien de plus. L'animation dépend de ses 500 habitants qui, le samedi, sont rassemblés au stade pour voir jouer leurs enfants au foot.
Une bande d'ados fument au bord de la rivière du Gier, à côté de leurs scooters. "On se fait chier ici, y a rien à faire", lance l'un d'eux. "Le maire ne s'occupe que des vieux, pas des jeunes." Et si on leur demande s'ils se sentent plus lyonnais que stéphanois, ils rigolent : "Franchement, répond Jean-Paul, 17 ans, y aurait pas les Lyonnais à Lyon, ça serait une jolie ville !" Les gamins supportent les Verts et tous leurs amis habitent dans la Loire. Ils sont scolarisés à Givors ou à Lyon, et les filles aiment faire leur shopping entre Rhône et Saône. A choisir, ils préfèreraient entrer dans le Grand Lyon "pour les transports", explique Laeticia, 20 ans. Mais, à l'unanimité, ils restent stéphanois de cœur.
Quarante enfants, cinquante veuves
Maurice, 52 ans, bouquine au soleil. Il pense que "ça serait plus logique d'entrer dans la communauté urbaine de Lyon puisque Saint-Romain est déjà dans le département du Rhône." Chauffeur de taxi, il travaille à Lyon. "De Saint-Romain, c'est facile et rapide d'accès", ajoute-t-il. Reste que si l'homme fait ses courses à Givors et travaille à Lyon, il trouve que le contact avec les Lyonnais est froid. "C'est plus facile de sympathiser avec les gens de la Loire !"
Dans le bourg, trois mamies discutent sur un banc. Elles profitent des dernières chaleurs. "Nous sommes toutes les trois nées à Saint-Romain, explique Louise, 71 ans. Nous y avons travaillé, à l'époque où l'usine de soie était ouverte." Le bon sens dicte leur choix. "La Loire est un département plus chaleureux, c'est vrai, mais il n'y a pas de travail !" Et à son amie d'ajouter : "Y a qu'à voir toutes ces voitures qui prennent la route pour Lyon le matin. Les gens travaillent tous dans le Rhône." Et à la dernière de conclure : "Ils travaillent dans le Rhône et font leurs courses dans la Loire parce que c'est moins cher !" Du bon sens.
Deux jeunes femmes se préparent à sortir. Elles aiment leur village : "On s'y sent bien." Et avouent ne pas avoir envie de choisir entre Lyon et Saint Etienne : "On est très bien comme on est, ça a toujours été comme ça et ça fonctionne bien." L'une d'entre elles est enceinte. Elle a grandi ici et compte bien élever son enfant ici.
"Ici, c'est un village d'irréductibles Gaulois"
Au détour d'une rue, un homme sur son vélo fait part de sa crispation : "Je suis nantais d'origine. Cela fait 25 ans que j'habite à Saint-Romain et je suis toujours un étranger ici." Il avoue être plus proche du Rhône "parce que je suis informaticien à Lyon", mais il a prévu de déménager dans la Loire bientôt. "Nous avons été très mal reçus ici. C'est un village d'irréductibles Gaulois. Rien ne bouge. Alors d'ici à ce que le maire décide d'entrer dans le Grand Lyon..." Il lève les yeux aux ciel et s'excuse : "Mon fils joue au foot cet après-midi, il faut que j'y aille." A ce propos, il supporte quelle équipe le fiston ? "Il adore l'OL !"
Monsieur et madame Boiron, retraités, sont en train de trier des haricots verts dans leur cour. "On aime beaucoup notre commune. On s'y sent bien et il y a plein de petites associations qui font de l'animation." Entrer dans le Grand Lyon, ils n'y voient aucun intérêt. "C'est encore les petits qui vont devoir payer les impôts d'une grande ville." Ils sourient et retournent à leur activité.
De retour au parking. Le calme. Les jeunes ont déserté et les mamies sont rentrées. Saint-Romain-en-Gier, ce petit village coincé entre deux collines, un chemin de fer et l'autoroute. Et qui compte bien y rester.
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