Alors que ces pratiques sont strictement interdites en France, certains citoyens partent organiser leur mort à cent cinquante kilomètres de Lyon
Sur ordre des autorités communales, les locaux de l'organisation Dignitas à Stafa en Suisse ont été fermés mercredi 26 septembre. Si le nom vous évoque quelque chose, c'est parce que c'est cette organisation qui avait aidé, il y a quinze jours, l'actrice française Maia Simon atteinte d'un cancer en phase terminale à se suicider. Parce qu'il est dépénalisé dans ce pays (voir encadré), le suicide médicalement assisté pour les personnes atteintes de maladie incurable pousse chaque année une dizaine de français à franchir la frontière pour en bénéficier. En France, le suicide assisté et l'euthanasie active sont strictement interdits. La loi Léonetti du 22 avril 2005 relative aux droits des malades en fin de vie a instauré un droit de "laisser mourir" ou euthanasie passive. Le malade peut arrêter tous les soins et les traitements pour ne pas subir d'acharnement thérapeutique mais ne peut réclamer qu'on mette fin à ses jours.
Si Dignitas est l'association la plus médiatique, elle n'est pas la seule en Suisse à aider certains malades à mettre fin à leur jour. Exit et ExInternational pratiquent également le suicide assisté. "Cette démarche demande du temps et est très encadrée.", explique Elke Baezner, la présidente d'Exit. "Le patient doit être atteint d'une maladie incurable, en phase terminale et capable de discernement au moment de sa décision. Plusieurs rendez-vous sont programmés : avec les médecins mais aussi avec les proches du patient. Nous prenons le temps de connaître la personne et son entourage pour l'accompagner sereinement. A tout moment il peut revenir sur sa décision." Une fois ces démarches effectuées, il est fournit au patient une potion léthale, obtenue sur ordonnance, qu'il devra ingurgiter lui-même. Tout au long de ce processus, la personne est accompagnée par un membre de l'association et ses proches. Même si des français peuvent adhérer, leurs " services " ne sont réservés qu'aux ressortissants suisses. "On ne fait pas le tourisme de la mort !", expose Elke Baezner, "nous ne pourrions pas accompagner les patients consciencieusement si nous acceptions des étrangers". Contrairement à ExInternational et Dignitas. Si la première jouit d'une bonne réputation, la seconde est souvent décriée. " Les membres d'ExInternational prennent le temps de se rendre chez la personne, même si elle habite à l'étranger, de discuter avec la famille...Ils sont en bon terme avec les autorités de Bern. Contrairement à Dignitas... ", raconte Elke Baezner.
C'est l'Association pour le Droit de Mourir Dignement (ADMD), qui avait mis en contact Maia Simon avec Dignitas. Créée en 1980, elle se bat pour instaurer un système comme aux Pays-Bas ou en Belgique, d'euthanasie active très encadrée, mais se défend d'être "l'association qui permet de mourir en Suisse". Simon Louhéac de l'ADMD explique : "Suite à la demande d'une personne en fin de vie, une commission médicale spéciale à Paris examinera le dossier du patient avant de le transmettre à une association suisse qui l'examinera de nouveau."
Hubert Sapin, président de l'antenne du Rhône confie : "Il y a chaque année, environ deux personnes qui vont me solliciter pour obtenir les contacts de ces associations. Nous transmettons leurs coordonnées mais nous n'avons aucun lien avec."
Au Centre Léon Bérard, même si beaucoup de patients en phase terminale de cancer évoquent le suicide assisté ou l'euthanasie, très peu vont au bout de la démarche. "J'ai vu des patients adhérents de Dignitas ou d'Exit. Mais ils ne sont que très peu qui manifestent leur désir de se rendre en Suisse et à ma connaissance, aucun n'est allé jusqu'au bout.", raconte Gisèle Chvetzoff, cancérologue. Gilberte est adhérente depuis plus de 22 ans à l'ADMD. En pleine forme, elle n'envisage pas, si elle tombait gravement malade, de partir organiser sa mort en Suisse. "Je suis française et c'est en France que je veux mourir. Mais il faut que l'hypocrisie autour de l'euthanasie cesse ! Ces pratiques se font clandestinement en France : il faut instituer un droit de mourir pour le malade."
Suite au décès de Maia Simon, la Ministre de la Santé Roselyne Bachelot a déclaré qu'elle "ne ferme pas la porte" à une évolution de la loi de 2005 sur la fin de vie.
Polémique autour de la mort de Jean-Paul II
Suite à un article de l'anesthésiste italienne Lina Pavanelli, la polémique ne cesse d'enfler autour des conditions exactes de la mort de Jean-Paul II. Le souverain pontife, selon Lina Pavanelli, serait mort d'un manque volontaire d'alimentation. Or, selon les directives de la Congrégation pour la doctrine de la foi, " il faut continuer à alimenter et à hydrater un patient par voie artificielle, même s'il se trouve dans un état végétatif avancé." Du côté du Vatican, on s'offusque : Renato Buzzonetti, médecin de Jean Paul II et de l'actuel pape Benoît XVI, affirme que le Pape avait bien reçu tous les soins nécessaires à l'époque et qu'il a été assisté jusqu'au bout. Si les hypothèses de l'anesthésiste italienne s'avèrent vraies, un doute persistera : est-ce Jean-Paul II qui aurait sollicité cette euthanasie passive en refusant qu'on lui pose une sonde gastrique ou bien les médecins du Vatican ?
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