Malheureusement, il n'est que "super-ministre" de l'Environnement... Sa marge de manoeuvre reste contrainte par certains syndicats patronaux, lobbies, et par la situation économique. Tout le monde est par exemple d'accord pour dire qu'il faut rénover l'habitat ancien, pour économiser de l'énergie. Mais à quel niveau va-t-on placer le curseur ? Pour atteindre le fameux facteur 4 en 2050 (diviser par 4 nos émissions de CO2 en Europe), il faut des moyens !
Qu'est-ce qui permettra de juger de la réussite ou de l'échec de ce Grenelle ?
L'agriculture. Et probablement aussi la question des transports. Il y a eu un accident en France entre deux camions transportant des tomates, l'un parti d'Espagne vers les Pays-Bas, l'autre faisant l'inverse ! Ce serait mieux que les tomates soient produites là où elles sont consommées... Des exemples comme ça, il y en a des milliers. Si le Gouvernement tranche en faveur d'une vraie rupture, on peut aller assez loin. Mais il paraît que l'entourage de Sarkozy répète dans les ministères : "On n'a pas été élu pour embêter les gens"...
Le débat sur le nucléaire semble aussi dans l'impasse...
On reste bloqué dans des schémas dogmatiques. La question ce n'est pas : pour ou contre le nucléaire ? Mais quel modèle énergétique voulons-nous ? Notre modèle nucléaire, donc hyper-centralisé, n'est pas optimum. Un programme d'économie d'énergie et de promotion des renouvelables sera la meilleure démonstration de la nécessité de réduire le nucléaire. Les élevages de porcs polluent les eaux de Bretagne au nitrate... or on pourrait récupérer le lisier de porc pour faire de l'énergie ! Ça règle deux problèmes à la fois. Ça se fait en Allemagne ou en Hollande, mais pas en France. Le déchet de l'un peut devenir l'énergie de l'autre. Quand une commune lance une zone industrielle, il faudrait qu'elle propose un projet cohérent. Par exemple, on peut prévoir de mettre côte à côte une entreprise qui rejette de l'eau chaude et une autre qui a besoin de chaleur. Ce sont des trucs aussi simples que ça !
Vous venez d'accepter une mission à Villeurbanne. Le Parisien y annonce même votre candidature aux prochaines municipales...
Non, l'article m'a valu un coup de fil enflammé de ma compagne (rires) ! Mais je vis à Montreuil, et j'y suis très bien. J'ai monté une petite boîte, "Bruno Rebelle conseil". Je valorise mon expérience et mes réseaux, en aidant des collectivités locales et des entreprises, sur leur stratégie de développement durable.
Quel sera votre rôle à Villeurbanne ?
La mairie a une démarche intelligente. Au lieu de faire "comme d'hab", ils ont décidé de se poser 5 minutes avant de lancer le projet Gratte-Ciel Nord. Ils me demandent de les aider à réfléchir, avant même de décider de ce qu'ils vont faire, pour se demander comment répondre aux enjeux écologiques, sociaux, économique, de concertation et de qualité de vie.
Ce travail de "consultant" signifie que vous arrêtez vos engagements militants ?
Je me sens toujours militant, au sens de s'investir dans quelque chose qui fait sens. Je l'ai fait des années dans le monde associatif, quelques mois en politique... Je change simplement de posture. Mais je reste au PS, pour participer à sa "rénovation". Pendant longtemps, la ligne du PS c'était : "on produit de la richesse et on la redistribue." Aujourd'hui, on sait qu'on ne peut pas produire ad vitam aeternam... Il faut donc repenser aussi la question de la redistribution. C'est au PS de le faire.
Avez-vous été frustré par la campagne présidentielle, où finalement, on ne vous a entendu que sur votre fiche aux RG ?
Bien sûr. Assez vite, la question de l'écologie a été considérée comme réglée, y compris en interne. Ségolène Royal a considéré qu'elle avait la confiance de l'opinion sur ce thème, et qu'elle devait faire ses preuves sur le reste. J'aurai préféré qu'on parte de ce point fort pour faire valoir la cohérence de l'ensemble du projet. Et moi, chaque fois que je voulais parler d'environnement, les médias me répondaient : "Et au fait, les RG..."
Ségolène Royal vous a demandé de vous mettre en retrait ?
Il y a eu un choix collectif de calmer le jeu. Les RG étaient devenus une question "polluante" dans la campagne...
Avez-vous été contacté par Sarkozy, dans sa logique d'ouverture ?
Non, surtout qu'il avait Nathalie Kosciusko-Morizet sous la main. Elle connaît bien ses dossiers, même si, à mon avis, elle n'est pas assez "radicale", au sens de "prendre les problèmes à la racines". Comme disent les ONG, tout ne devient pas possible ! Il faut choisir entre le bio et les OGM, entre le nucléaire et la décentralisation énergétique, la route ou le train... Elle est trop dans le compromis. Et elle a un manque sur le social. Quand elle vante la Toyota Prius (électrique) à 18 000 euros, c'est de l'écologie de riche !
Pourriez-vous accepter une mission auprès de Sarkozy ?
Il ne m'appellera pas. Mais je pourrais faire des choses auprès d'un gouvernement de droite. Pas dans un mandat politique, mais sur une mission technique, avec des moyens et des objectifs précis. Si Borloo sort un projet d'énergies renouvelables, il va falloir que beaucoup de gens s'y mettent !