MARTHE VILLALONGA : "TOUS CEUX QUI SE PLAIGNENT PARCE QU'ILS ONT UN PET DE TRAVERS. CA M'ENERVE !"

Le lyonnais vont en masse admirer ce phénomène de 75 ans, cette petite femme énergique, chaleureuse, exubérante et pourtant timide. Et ils rient de bon cœur. Entretien avec celle qui a joué dans plus de 200 pièces, films et téléfilms, des purs nanars aux chefs d'œuvres.

Vous êtes à Lyon depuis le 9 septembre. En dehors du spectacle, que faites-vous dans la ville ?
Je bulle ! Je me plais ici alors je ne remonte pas à Paris. La semaine dernière, il faisait beau. Je me suis promenée au parc de la Tête d'or qui est un endroit magnifique. Je prends le temps de découvrir la ville. J'adore aussi les berges telles qu'elles ont été réaménagées. On respire ici ! Ils ont de la chance les lyonnais !

On vous voit dans la pièce tellement dynamique. A votre âge, quel est votre secret ?
Je ne sais pas. Je suis contente de jouer avec mes copains. Cela doit me nourrir. Je ne prends aucun médicament, ni rien d'autre. Mes seuls médicaments ce sont les spectateurs.

Jean d'Ormesson dit qu'il faut toujours se méfier des amuseurs. Sous vos airs débonnaires, êtes-vous une méchante femme ?
Ah non ! je n'aime pas les frictions, je n'aime pas entendre crier. Quand j'explose, ce n'est pas contre quelqu'un, c'est contre une situation.

Qu'est-ce qui vous met en colère ?
L'injustice, l'intolérance. On est tous pareils, on a le même sang. Je trouve cela bête quand les gens ne font pas attention aux autres. Ouhlala ! vous voulez me faire faire de la morale ?

La pièce s'intitule Elle nous enterrera tous. Songez-vous à la mort ?
Quand on avance en âge, on y pense davantage. Il y a 10 ans, je n'y pensais pas du tout. Bien sûr, je crains la maladie, la dégradation intellectuelle. Cela me fait peur. Mourir, on est tous obligés d'y passer, alors... Tous ceux qui se plaignent parce qu'ils ont un pet de travers, gnagnagna ! gnagnagna ! (elle grimace) ouhlala ! ça m'énerve !

Vous êtes née en Algérie. Y êtes-vous retournée ?
Non. Je n'y retournerais plus jamais.

Pourquoi ?
J'ai de formidables souvenirs d'enfance avec mes copains juifs, arabes. Je ne veux pas qu'on y touche. De même, je ne veux pas savoir si ma maison est cassée ou si elle existe toujours. J'ai baissé le rideau. Lorsque des jeunes arabes me demandent comment c'était, je leur explique avec plaisir. Ils m'énervent tous ceux qui disent (elle fait mine de chougner) : "là-bas c'était si bien". Attendez, c'était il y a 50 ans, cela suffit ! on ne va pas vivre toujours avec ça dans la tête.

Songez-vous à abandonner la scène ?
Oui. Après cette pièce, j'arrête le théâtre pendant deux ans. J'ai envie de retourner au cinéma et à la télévison pour jouer des rôles dramatiques. Je ne veux pas être seulement la rigolote de service. J'ai aussi envie de profiter égoïstement de moi, de ma famille et de mes amis.
Vous aimez le hip hop, vous êtes en concubinage depuis 40 ans. C'est assez éloigné de l'image de la mère juive coincée et conservatrice...
D'abord cela fait 50 ans. Ensuite, je ne suis pas juive. Vous savez, les mères juives, arabes, espagnoles, italiennes, toutes les mères du bassin méditerranéen, elles sont toutes pareilles !

Et le hip hop ?
C'est un beau spectacle. J'adore leurs prouesses. J'ai découvert le hip hop à New York, il y a des années. En revanche, la techno j'ai horreur ! Ce "boum boum" trop fort, je ne peux pas écouter !
Au cinéma, vous avez tourné dans des chefs d'œuvres et dans des navets aussi...
Bien sûr !

Vous regrettez ces navets ?
Non ! ils m'ont permis de me faire connaître pour faire d'autres films !

Quels films ont eu le plus d'importance pour vous ?
Le Coup de sirroco d'Alexandre Arcady. C'était notre histoire et le rôle était très beau. Et puis le Téchiné (Ma saison préférée, Ndlr), c'était formidable. J'ai été tout de suite adopté par Catherine Deneuve et Daniel Auteuil.

Vous avez aussi tourné avec le grand réalisateur Samuel Fuller ?
Dans deux films (Les Voleurs de la nuit et The Big red one, Ndlr). Quand j'étais petite, mes grands-parents avait un cinéma. J'y voyais les films avec John Wayne, Fred Astaire, les Hitchkock, etc. C'était un rêve de gosse que de tourner avec les américains.

Propos recueillis par Philippe Chevrot et Guillaume Tanhia

Elle nous enterrera tous... Une comédie de Jean Franco, mise en scène de Jean-Luc Moreau. Jusqu'au 28 octobre au Théâtre Tête d'or, 60 avenue de Maréchal de Saxe, Lyon 3. 04 78 62 96 73 ou www.theatretetedor.com

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