"Emeutes" de banlieues

Sarkozy en tête, on allait voir ce qu'on allait voir... Mais avec l'extinction des flammes, un voile est retombé sur nos villes et plus de deux ans après, non seulement les choses n'ont pas changé, mais elles empirent. Les événements de ces derniers jours nous rappellent une fois de plus, comme si cela était encore nécessaire que cette situation est le résultat de l'échec de la politique menée depuis plus de 20 ans gauche et droite réunies. D'abord Ministre de l'intérieur, puis aujourd'hui Président de la République, Sarkozy n'a réussi, avec ses déclarations guerrières, ni à faire reculer l'insécurité ni à rétablir l'égalité républicaine.
Malgré la ténacité de la plupart des élus de terrain et du monde associatif, la situation se dégrade inéluctablement. Seules les quelques endroits, trop peu nombreux, ou une politique locale très volontariste de casse de la ghettoïsation, de destruction et reconstruction différente dans la mixité donnent un peu d'espoir, comme sur la Duchère par exemple.

Car tous les indicateurs sont en augmentation : précarité, chômage, misère, violence... l'économie parallèle gangrène des quartiers entiers où les habitants subissent les règles d'un libéralisme sauvage qui se traduit par le règne de la loi du plus fort ; l'usage de la violence se banalise, les liens sociaux se désagrègent et les populations confrontées à un sentiment d'abandon ont tendance à se replier sur elles-mêmes.

On ne répare pas en quelques mois des dégâts provoqués pendant plus de 20 ans. C'est une génération perdue, en quête d'identité qui sombre dans la violence et qui s'exprime avec des moyens inadmissibles.

Loin de moi, loin s'en faut, l'idée d'excuser la délinquance par le poids des facteurs sociaux. Pour autant, l''insécurité est bel et bien le résultat d'une politique qui par l'insécurité sociale, l'amplification de la précarité et des inégalités mène à la déstructuration des règles collectives et contribue à faire naître des ghettos.

Cette évolution se traduit par la progression parallèle de l'individualisme et du communautarisme mais aussi de la vénération sans limite de l'argent roi au détriment de tout ce qui fait l'intérêt collectif. Pour parvenir à la réussite sociale, on préfère se fier à sa propre autorité ou à celle de son clan. Ainsi, dans les quartiers dit sensibles, un jeune va respecter l'autorité du caïd de sa bande et non celle des représentants de l'Etat et de l'ordre public car il va mettre sa confiance dans les capacités du premier et non dans celles des seconds.

Il s'agit là, bel et bien, de la crise de l'autorité et notamment de l'autorité publique. Celle-ci s'explique par l'effondrement des projets collectifs et de la croyance en un avenir meilleur.

Toutes proportions gardées, la même angoisse saisit bon nombre d'étudiants, moins remontés contre la loi Pécresse en particulier que contre leur avenir en général. Beaucoup d'entre eux savent qu'au bout d'un cursus pas forcément achevé les attend la galère, ou le chômage. Le monde des adultes n'a guère plus le moral avec leur pouvoir d'achat qu'ils voient concrètement baissé et les fins de mois de plus en plus difficiles.
Incapable de juguler les inégalités sociales et incapable de remédier à l'insécurité économique, la puissance publique a dépité la confiance mise en elle et entamé durablement son crédit auprès des citoyens. Or, comment une société peut elle survivre si les citoyens qui la composent ne peuvent pas intégrer leur individualité dans un destin commun ?

Il est donc indispensable, que le politique et la politique restaurent leur crédibilité. Cela ne peut plus durer. Le temps des diagnostics, des analyses et de la compassion est terminé. Aujourd'hui, il est impératif d'agir, et d'agir vite.

Nous ne pouvons plus accepter que l'Etat valide les inégalités. Il faut définitivement en finir avec la vision à court terme qui détermine les réponses du gouvernement. Nous ne voulons pas d'un plan banlieue de plus qui traite systématiquement les problèmes à l'aune de l'exception. Les villes - à l'instar du reste du territoire - doivent être traitées selon le droit commun.

Se pose clairement la question du rôle régulateur de l'Etat. Le mouvement actuel qui conduit l'Etat à se retirer progressivement des dispositifs d'aide annihile les garanties et laisse la nécessaire entraide dépendre du bon vouloir de ceux qui en ont à la fois l'envie et les moyens.

Pour rétablir l'autorité publique dans toutes ses dimensions, il faut mettre en œuvre une politique beaucoup plus ambitieuse et réinventer le projet collectif. Il faut retrouver une cohérence économique et sociale, redonner un contenu à la notion de solidarité et de responsabilité individuelle, ne pas transiger sur le rappel de chacun aux règles communes, redéfinir le rôle de l'Etat et les missions des services publics.

Louis Pelaez, mercredi 28 novembre 2007 à 14:16.

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