"Loubardes" : des mineures de plus en plus violentes

Ce phénomène des "loubardes" inquiète les instances policières et carcérales et interroge les psychiatres.

Elles sont jeunes, parfois mineures, souvent très féminines, et peuvent avoir des comportements très violents, "comme des mecs". Depuis quelques années, régulièrement, les rubriques faits divers rapportent des récits de violences féminines. Un jour on apprend que deux jeunes femmes ont agressé une dame à Villeurbanne et l'ont frappé violemment avant de lui arracher son sac. La semaine suivante, qu'une séance de "happy slaping" - passage à tabac filmé sur téléphone portable - a été orchestré par une lycéenne dans le centre de Lyon. Le phénomène, longtemps très marginal, commence à inquiéter les instances judiciaires et policières. Cet été, l'Observatoire national de la délinquance a publié une étude sur le sujet, révélant que 2006 a été marquée par "une hausse de près de 13% des femmes mises en cause* pour violences et menaces (hors vol). Cette augmentation atteint même 25% pour les seules mineures, soit 1799 mises en cause supplémentaires". Depuis plus de 5 ans, la part des femmes mises en cause pour violences et menaces ne cesse de s'accroître pour atteindre près de 13% en 2006 (soit 27 000 personnes). Autres chiffres : désormais, "près d'une femme sur deux mise en cause pour vols avec violences est mineure" et la part des mineures "atteint plus de 30% en matière de violences sexuelles". Les violences sexuelles, voilà bien un exemple de délit qu'on croyait typiquement masculin. Pourtant, aujourd'hui, il arrive que des jeunes femmes organisent ou participent à une tournante (viol collectif).

La préfecture du Rhône et les services de police ont refusé de s'exprimer officiellement sur ce sujet qualifié de "sensible". Mais le médecin-chef du service médico-psychologique régional des prisons de Lyon nous a confirmé être "très préoccupé par ces loubardes de 14-25 ans au comportement très violent". "C'est d'ailleurs l'essentiel de nos pensionnaires à la prison Montluc !" précise Pierre Lamothe. "Elles peuvent présenter tous les signes de la féminité : décolleté pigeonnant et string qui dépasse du pantalon, mais sont capables de casser la figure à un garçon dans un bus, de racketter, d'organiser un viol collectif... Des trucs sanglants, qu'on croyait autrefois l'apanage des hommes !" témoigne le psychiatre des prisons de Lyon. Pour lui, ce phénomène est clairement en augmentation et lié "à l'environnement et à l'éducation". "Avant, il y avait un ou deux noyaux d'irréductibles, mais aujourd'hui, ces petites nanas de banlieue sont de plus en plus nombreuses" poursuit-il.

Passionnée de criminologie, la psychanalyste Christine Lamothe voit dans ce phénomène le symptôme d'une crise de l'identité en général, et des femmes en particulier (lire encadré ci-contre). Elle a donné récemment à Lyon une conférence intitulée "Les crimes des femmes sont-ils masculins ?".

En augmentation, le phénomène n'est pourtant pas totalement nouveau. Le cinéma s'en est emparé depuis près de dix ans et a même inventé un mot pour qualifier ces loubardes. "Avant "squale", il n'existait aucun terme pour désigner l'équivalent féminin de "lascars" ou "racailles", ces amazones, délinquantes androgynes, qui imitent en tout point les caïds de cité" expliquait le réalisateur Fabrice Genestral à la sortie de son film La squale en 2000. La même année, la lyonnaise Virginie Despentes faisait scandale en présentant Baise-moi, road-movie de deux jeunes femmes hyperviolentes apprenant à tuer de sang-froid et vivant une sexualité "comme les mecs : je prends, je jette". Ce brûlot féministe porno-trash avait suscité une très vive polémique. Au-delà de la revendication féministe, Baise-moi révélait pourtant un nouveau phénomène social aujourd'hui préoccupant : l'irruption de petites caïds des cités au féminin.

* Une personne mise en cause est une personne pour laquelle la police ou la gendarmerie disposent d'éléments justifiant que son nom soit associé à un fait constaté dans une procédure transmise au parquet.

Le point de vue d'une psychiatre

"Les comportements criminels se virilisent"

Le Dr Christine Lamothe, psychiatre et psychanalyste lyonnaise, a donné récemment une conférence sur le thème "les crimes de femmes sont-ils masculins ?". Elle explique la faible part des crimes féminins dans les statistiques (longtemps autour de 5%) par le fait qu'ils sont "généralement commis dans la sphère de l'intimité". "Ils se situent dans une rupture du lien, donc plutôt dans la proximité, avec les enfants, les parents, un mari, un amant..." Christine Lamothe rappelle également qu'il existe des crimes plus répandus chez les femmes "comme l'empoisonnement et l'infanticide". Mais la psychiatre constate que les comportements criminels des femmes ont tendance à "se viriliser". Plusieurs explications à cela : "la crise de l'identité", en général, et des femmes en particulier, liée à l'éducation ("tout, tout de suite") et à la société. "Depuis 68, entre autres, les filles pas très solides croient que pour "réussir", il faut abdiquer ce qu'il y a de féminin en elles, y compris dans les actes de délinquance" estime Christine Lamothe. Ces filles essaient de coller à la représentation qu'elles se font du masculin ("une brute néanderthalienne"). Lequel masculin est "très valorisé par notre société qui offre en modèles des hyperactifs comme... notre président de la République !" poursuit la psychiatre. Autre facteur : l'augmentation des phénomènes de bandes. Car "à partir du moment où un individu agit en groupe, il n'y a plus de sexe qui tienne". "Ça n'a plus rien à voir avec quelque chose de sexué" mais tout simplement avec "quelque chose de l'ordre de la violence".

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