Le Fort du Bruissin fut racheté à l'Etat par la commune de Francheville en 1981. En 1989, la nouvelle municipalité PS, menée par René Lambert, décide de vouer le lieu à la culture. Le fort accueille artistes, spectacles et expositions en résidence. Depuis 1990, il accueille aussi un festival de jazz de bonne réputation. Le lieu vient d'être réhabilité pour accueillir un centre d'art contemporain de 1300 m2. L'architecte Michel Essertier a conçu un projet simple et modeste consistant à "retrouver l'axe de circulation et l'architecture d'origine", avec un souci de sobriété et de réversibilité des aménagements. La direction artistique en a été confiée à la strasbourgeoise Sandra Cattini venue ici parce qu'elle était " excitée par l'idée de ce centre d'art de taille moyenne, dans un beau lieu patrimonial, au milieu de 10 ha d'espaces boisés." Le propos artistique tient en deux défis. "La programmation artistique doit être différente des autres galeries d'art contemporain, explique Sandra Cattini. Elle doit aussi offrir un temps plus long de découverte et de promenade pour les visiteurs qui viendront de Lyon. On ne fait pas 20 à 30 minutes de transport pour voir une exposition malingre !" De fait, outre les activités de sensibilisation à l'art contemporain pour les scolaires et les adultes, un salon de thé et une librairie, les artistes présentés méritent le détour.
Deux des trois expositions sont de l'ordre du conceptuelo-casse-burnes. Le lyonnais de l'étape, Benjamin Hochart, propose une série d'œuvres aussi ineptes que leur titre : "Tourner au carré". Nul besoin de s'apesantir. Veit Stratmann aurait été du même acabit si ses objets ne développaient l'ironie. Les plateformes métalliques parsèment le fort et provoquent la curiosité de par leur apparence industrielle, mais sans fonction utile et compréhensible pour un esprit rationnel. Les doubles sièges sur roulettes, éparpillés dans les lieux d'expositions, forcent les visiteurs à une cohabitation et une mobilité inconfortable et drôle.
Les 4 salles réservées aux artistes libanais, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige creusent le désir de s'attarder et proposent une série d'œuvres excitant la curiosité et la réflexion. Leurs travaux ont pour objet commun la guerre, ses représentations (travesties) ou les imaginaires déployés par l'évocation en l'absence d'images.
La première partie est fondée sur une fiction. Abdallah Farrah est photographe. Dans les années 60, il a produit des clichés qui devinrent les cartes postales de la Beyrouth idéale et paradisiaque. Durant les guerres civiles, il a détérioré ses photos en fonction des bombardements. Les représentations d'immeubles s'éventrent sous l'action de l'acide comme les bâtiments le sont sous l'action des bombes. Les scènes idylliques deviennent cauchemardesques. Abdallah Farah n'existe pas. Mais les œuvres des deux artistes libanais, grands formats ou délicates miniatures, sont magnifiques et étonnantes.
Exposition du 8 février au 27 avril, les vendredis, samedis et dimanches de 14h à 18h au Fort du Bruissin-centre d'art contemporain, chemin du Château d'eau, Francheville. 04 72 13 71 00. Bus : ligne 30 (direct depuis Bellecour).
Les commentaires sont fermés