Officiellement, la présence d'amiante ne pose pas problème.
Le 25 janvier dernier, le maire de Lyon (PS) Gérard Collomb annonçait la réalisation de la future tour Incity. Un gratte-ciel en spirale, de 200 mètres de haut, qui, à l'horizon 2012, deviendra l'immeuble le plus élevé de la ville. Incity sera construite en lieu et place de l'actuelle tour UAP, à l'angle de la rue Garibaldi et du cours Lafayette, dans le quartier de la Part-Dieu. Si la construction d'Incity a été évoquée en long, en large et en travers, en revanche, la déconstruction de la tour existante n'a pas fait l'objet de grands discours. Et pourtant... Collées à la tour UAP, les Halles de Lyon - Paul Bocuse sont exposées au premier chef.
Des plaques d'amiante à tous les étages
Le 6 novembre 2007, Lyon Capitale avait titré "La tour fantôme bourrée d'amiante" . Notre journal avait en effet pointé du doigt la présence de ce minéral fibreux, particulièrement fréquent dans les années 70 (la tour a été construite en 1972) et extrêmement dangereux, dans les 19 étages de l'immeuble de la Part-Dieu. Comme l'écrivait l'auteur de l'enquête : "Tout le monde le sait ou presque. Personne ne fait rien. Ou presque".
Avec la déconstruction de la tour UAP, l'affaire est relancée. Très récemment, le groupe Sogelym Steiner, actuel propriétaire de la tour UAP (voir encadré) et promoteur-constructeur d'Incity, nous a déclaré : "Je ne sais pas où vous avez trouvé ça, en tous cas, il n'y a pas d'amiante friable". Corollaire : "Il y a zéro risque".
Par amiante friable, il faut entendre celui susceptible d'émettre des fibres sous l'effet de chocs, de vibrations ou de mouvements d'air. Inhalées, ces fibres provoquent de graves, parfois mortelles, complications respiratoires.
D'après un diagnostic réalisé en novembre 2005 par Nexity, il n'y a effectivement pas traces d'amiante friable dans la tour UAP. En revanche, de l'amiante dit "en plaques" se trouve bel et bien à tous les étages, parkings compris. Il s'agit de doublages, de type fibrociment, pour protéger du feu. En gros, les fibres d'amiante sont fixées dans du ciment. Logiquement, donc, les fibres ne volent pas. Sauf si les plaques sont percées ou brisées, etc. De l'amiante qui serait inoffensif en quelque sorte.
Les Halles ne fermeront pas
De quoi pleinement rassurer les milliers de visiteurs qui, juste en contrebas, foulent quotidiennement les 5 000 m2 d'allées des Halles; sans compter les trois cent personnes qui y travaillent. Gérard Collomb a d'ailleurs mis les choses au point, devançant les inquiétudes naissantes, en certifiant très récemment à Claude Polidori, président des 63 commerçants des Halles, que le "ventre de Lyon" ne fermerait pas pendant la durée des travaux.
Repères : la tour UAP en 6 dates
Construite en 1972 par l'architecte Jean Zumbrunnen, la tour a d'abord été la propriété de l'Union des assurances de Paris (UAP). Fin septembre 1994, les 450 salariés de la compagnie d'assurances quittent les 19 étages de bureaux et les 3 étages de parking, l'idée étant de réduire les frais de maintenance et d'occuper une surface plus en rapport avec l'effectif lyonnais. En novembre 1996, UAP fusionne avec AXA, cette dernière devenant, de fait, propriétaire de la tour de la Part-Dieu. Jusqu'en novembre 2006, et le rachat de la tour par le groupe Sogelym Steiner, personne ne met les pieds dans le building fantôme. Entre temps, en août 2006 , Gérard Collomb annonce la rénovation de la fameuse tour aux vitres réfléchissantes. Pourtant, le 25 janvier 2008, le maire de Lyon présente à la presse le projet de tour Incity qui remplacera la tour UAP.
Déconstruction, mode d'emploi
Fini le temps des démolitions "à la Fanjo", la fameuse époque de la "boule" pendue à un câble qui détruisait tout sur son passage. De même que personne n'imaginerait, en plein centre-ville, faire sauter les planchers avec des charges, comme à Rillieux, il y a deux semaines. Depuis quelques années, on parle "déconstruction". Les études en cours consistent en un "curage vert" de l'intérieur de la tour en déposant soigneusement tous les éléments d'aménagement intérieur existants (électricité, gaines, cloisons...), explique Albert Constantin, l'un des architectes. Une fois ce curage terminé, la tour sera démontée soit par grignotage (on pince la structure) soit par découpage (on découpe les pans de murs)". Selon Thierry Dufour, de l'OPPBTP*, "aucune protection des gens des Halles ne devrait être envisagée car les zones de désamiantage de la tour devront être protégées par un dispositif de type confinement (...) De l'air frais sera importé dans les pièces, afin que les ouvriers, spécialement équipés, travaillent en toute sécurité. Cet air sera ensuite soigneusement extrait".
* Conseil du BTP en matière de prévention, de sécurité, de santé et d'amélioration des conditions de travail.
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