Pourquoi Collomb est imbattable et Perben inaudible

Que s'est-il passé ?

La prime au sortant !
Elu de justesse en 2001, Gérard Collomb boucle son premier mandat. Il peut s'appuyer sur un bilan globalement positif, qui a l'avantage électoral d'être lisible et de compter quelques réalisations très emblématiques. Collomb a eu la chance que Decaux lui propose velo'v et de réussir les berges du Rhône. Coup de pouce supplémentaire : le report des élections municipales d'une année civile a permis aux Lyonnais de profiter largement des berges du Rhône et d'apprécier pleinement cette transformation de la ville.

Il a verrouillé le débat
Profitant de son avantage de maire sortant, Gérard Collomb est entré en campagne tardivement. Il n'a d'ailleurs pas vraiment fait campagne : il a noué une écharpe fuchsia à son cou, fait un peu de tchat et de speed-dating sur internet, organisé une teuf familiale au Confluent et arpenté les rues et les bistros pour serrer des poignes... Mais il a évité soigneusement tout meeting politique, tout débat avec ses adversaires - jusqu'à la dernière semaine de campagne. Résultat : il n'a donné aucun point d'accroche à son adversaire principal qui s'est épuisé en communiqués de presse et vaines interpellations.

Il a muselé ses concurrents à gauche et au centre
Comme en 2001, Gérard Collomb a "réussi" l'alliance des forces de gauche (PS, PC, Verts, GAEC), alors que les Verts étaient plutôt disposés à partir en autonomes au premier tour pour faire exister une vraie gauche à Lyon. Ayant "muselé" une éventuelle opposition interne, ou de gauche, Collomb a eu tout loisir d'ouvrir au centre, voire à droite grâce notamment à de nombreuses personnes issues de la société civile. Les atermoiements du Modem n'ont pas vraiment crédibilisé une opposition au centre. Quant à l'extrême-gauche lyonnaise, elle s'est épuisée dans une guerre de chapelles à la présidentielle en 2001. Elle a recollé les morceaux en présentant les listes AUDACES... Mais trop tard pour être audible.

Un contexte national ultra-favorable
Au fil des semaines, d'étalages indécents de sa vie privée en libertés prises avec les usages du droit et des institutions, le président UMP Nicolas Sarkozy cristallise un rejet de plus en plus fort. Il y a encore quelques mois, la droite espérait "un effet Sarko" sur les municipales. Aujourd'hui elle le redoute.

Il aime Lyon !
C'est Gérard Collomb qui a trouvé le slogan, tout bête, de sa campagne : "Aimer Lyon". Tout bête mais pas idiot... Car jouer la corde sensible et l'affect, face à un principal adversaire qui fait toujours figure d'animal à sang froid, distant et un peu coincé, est assez malin.

Même la météo est avec lui
Le 9 mars, la météo annonce un ciel voilé à Lyon, un petit 11ème l'après-midi et de la pluie sur les Alpes... Une bonne nouvelle pour la gauche, qui redoute plus que tout de voir ses électeurs privilégier un week-end de ski à leur devoir électoral.

Des lois qui collent aux basques
Sur Google, Dominique Perben est avant tout connu pour les lois qui portent son nom : Perben 1 et 2 ont conservé une connotation très répressive, voire liberticide. L'image d'une droite dure, qui ne correspond plus à la ville de Lyon, mais qui colle aux basques de Perben et le rend totalement inaudible sur le social. Or le social, les personnes âgées, les crèches, ce sont précisément des points d'insatisfaction des Lyonnais vis-à-vis de Collomb. Depuis 4 ans, le candidat UMP n'a pas ménagé ses efforts pour se défaire de son image sécuritaire. Il se présente en défendant avant tout l'humain, "permettre à chacun de réussir sa vie", dénonce les carences sociales du maire de Lyon, met en avant ses projets pour les crèches, les maisons de retraite... Mais les Lyonnais ne semblent pas y croire.

Le certificat de lyonnitude
Lors de son meeting fin janvier, qui devait lancer sa campagne, Dominique Perben a surtout insisté sur sa "lyonnitude"... Quatre ans après son arrivée, il en est encore à expliquer qu'il n'est pas un parachuté. On imagine que cela répond aux "retours" qu'il a sur le terrain. Perben a choisi d'insister sur son ancrage familial lyonnais, quitte à revendiquer son appartenance à une vieille bourgeoisie de la ville... Etait-ce vraiment le bon choix ? Car aujourd'hui, beaucoup de Lyonnais sont des authentiques parachutés. Perben aurait aussi pu en faire une force, revendiquer un regard neuf, se faire figure de proue des nouveaux Lyonnais qui changent une ville bourgeoise et coincée. En faisant le choix inverse, il a renforcé son image conservatrice.

La faute milloniste
Ce sont les divisions de la droite qui l'ont fait perdre en 2001. Perben a donc fait de sa réunification sa priorité numéro 1. Pensant qu'en s'alliant avec les millonistes, il pourrait enfin passer à "autre chose" et se faire entendre sur ses projets, il a payé très cher leur ralliement : un tiers des places. Trop cher, puisqu'au final on ne lui parle que de ça et que cela a fait fuir ses soutiens plus modérés. Peut-être aurait-il dû entendre Michel Noir et laisser les millonistes se faire laminer au premier tour... C'était l'autre manière de tourner la page.
Les journalistes ne l'aiment guère
Entre eux, la plupart des journalistes lyonnais sont peu amènes avec le candidat UMP. Quelques uns avouent le "détester". Pour certains, c'est l'alliance avec les millonistes qui ne passe pas. Pour d'autres, c'est tout simplement l'homme. Cela se ressent parfois dans certains articles. Depuis 4 ans en tout cas, Perben ne croule pas sous les papiers "positifs"... Contrairement à Collomb. Alors que s'est-il passé entre Perben et la presse lyonnaise ? Avant tout, les journalistes relatent une réalité : Perben a cumulé les difficultés à s'implanter. Il n'a pas forcément voulu s'appuyer sur tous les barons de la droite lyonnaise, qui le lui ont bien rendu en multipliant les confidences assassines à la presse. Mais surtout, il y a un courant qui n'est jamais franchement passé, auprès de journalistes habitués à la bonhomie de Collomb.

L'absence d'opposition
Pour battre un maire sortant, il faut faire passer l'idée qu'il y a une urgence à changer de maire. Or depuis 7 ans, la droite a "foutu" une paix royale à Collomb au conseil municipal. De l'extérieur, Perben n'a sans doute pas non plus assez porté le fer. À une exception près, la rue Grôlée, où il a marqué des points. Pour le reste, difficile d'expliquer juste avant les élections que le bilan est mauvais, que Collomb n'a rien fait, alors que son action semblait susciter l'unanimité au conseil municipal. Perben a voulu éviter "d'abîmer" son image d'homme d'Etat dans des polémiques au raz du bitume. Rétrospectivement, c'est un luxe qu'il ne pouvait pas se permettre.

La peur du plagiat
Depuis quatre ans, Perben cultive soigneusement l'image de celui "qui en a sous la semelle". Et de réserver ses meilleures idées pour la fin, histoire de ne pas se les faire piquer. Une stratégie perdante, car certains de ses grands projets, comme le plan métro ou la restructuration du port Herriot et du couloir de la chimie, impliquaient un travail de longue haleine pour faire "mûrir" l'opinion. Présentés dans la dernière ligne droite, ils n'ont même pas suscité de débats.
Des sondages ravageurs
C'est au moment où Perben pensait entrer dans le dur de la campagne, qu'il a été "assassiné" par les sondages. Les Lyonnais ont dû se demander : pourquoi s'intéresser à lui, s'il n'a aucune chance ? Affaibli par une opération à l'oeil, il n'a pas su rebondir.

Anne-Caroline Jambaud et Raphaël Ruffier-Fossoul

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