La Loi de la Honte

C'est ainsi que Victor Hugo résumait son combat contre la peine de mort. Cette phrase semblait jusqu'à ce jour un peu dépassée depuis l'abolition de la peine de mort en 1981 et les obligations internationales de la France, en particulier vis-à-vis du droit à la vie proclamé par la Convention Européenne des Droits de l'Homme et plus récemment par la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne bientôt applicable directement en France avec l'adoption du TME.

Mais avec l'adoption de la loi sur la rétention de sureté elle reprend soudain tout son sens. En effet, en autorisant une condamnation à vie pour les criminels sexuels, c'est le retour d'une peine de mort déguisée, une peine de " mort sociale " à laquelle nous assistons. Car sans espoir de sortie, sans espoir de pouvoir régler sa dette envers la société, quel être humain pourrait ne pas au mieux devenir fou, au pire vouloir en finir ?

Cette loi émotionnelle est certainement ce que l'on peut trouver de plus abjecte dans la politique actuelle du gouvernement et de notre président dans la mesure où elle vient flatter nos plus vils instincts.

En faisant appel à notre bon sens, qui nous conduirait à applaudir des deux mains l'enfermement à vie de criminels dangereux, c'est le fondement même de la justification de la peine que l'on remet en cause. En assimilant le droit des victimes au droit de la société toute entière, on laisse ainsi entendre que la peine serait une sorte de " dommage et intérêt " du aux victimes et non pas une mesure de sanction et correction à l'égard d'un criminel.
En droit pénal, la peine ne concerne en effet que le criminel et la société. C'est pour cela que dans un procès pénal, outre la présence du procureur, on admet un droit aux victimes à se porter partie civile.

Nous ne devons pas nous laisser aveugler par cette rhétorique populiste si chère à notre président selon laquelle " expliquer l'inexplicable conduit à excuser l'inexcusable ". Encore une fois ce qui semble être le bon sens n'est en réalité qu'une absurdité à tendance fascisante selon laquelle la justice ne devrait pas chercher le " pourquoi " pour ne s'intéresser qu'aux " qui " " quoi " et " où ".

Cette façon de flatter le désir de vengeance n'est donc en réalité qu'un moyen pour la droite conservatrice de remettre au goût du jour une théorie que l'on croyait rangée au placard, celle du déterminisme selon laquelle, un individu nait dangereux et ne peux être soigné.
Car pour aller au bout de cette logique qui rappelle des lois votées outre Rhin dans les années 30, il faudrait en réalité relier cette loi à celle votée sous la législature précédente qui prônait la détection chez l'enfant de 3 ans de signes avant-coureurs de prédisposition à la délinquance.
Ce serait ainsi plus simple d'enfermer à vie dès l'âge de 3 ans tous les enfants qui d'après des " experts " seraient susceptibles de devenir des criminels dangereux.
L'objectif de la loi sur la rétention de sureté d'éradiquer complètement le crime serait alors certainement plus sûr d'être atteint.

En se basant sur des faits dont l'ignominie ferait glacer le sang de Satan lui-même on justifie donc un procédé capable d'anéantir la vie d'un homme ou d'une femme.
Et pourtant, on aurait pu penser que l'exemple d'Outreau aurait pu mettre un frein à cette logique répressive. Que ce serait-il passé si Myriam Badaoui n'avait pas fini par reconnaître ses mensonges ? Quel psychiatre ou magistrat pourrait-il dire avec certitude qu'un criminel ne présente plus aucun risque pour la société ? Des innocents auraient certainement fini leurs jours en prison pour satisfaire notre besoin de vengeance

Car étant donné la volonté de rendre cette loi odieuse applicable de façon rétroactive, c'est sans aucun doute ce qui se serait produit.
Après tout, quitte à violer un principe élémentaire de notre droit et de notre démocratie, autant ne pas s'embarrasser d'un autre.
La non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, rappelée par le conseil constitutionnel s'avère en effet gênante. Comment justifier une peine dont l'unique but est de protéger la société contre des bombes à retardements, si on accepte que celle-ci ne puisse s'appliquer à des " serial-violeurs " appelés à être relâchés ?

Faut-il alors rappeler que le principe selon lequel on ne peut être condamné qu'à une peine et pour une infraction prévue à l'époque des faits est l'élément sur lequel repose tout notre droit pénal ?

Face à ces attaques sans précédents, il est du devoir de toutes les personnes attachées à la défense des droits fondamentaux et de la démocratie de s'élever courageusement contre cette dernière, comme l'avait fait en leur temps les adversaires de la peine de mort, alors même que 80% des français se déclarent favorable à cette loi et à son application rétroactive.

Du courage et de la pédagogie il en faut dans un contexte électoral où le pouvoir en place lance une mesure immonde et malheureusement populaire pour faire oublier les échecs de sa politique. C'est à ceux qui auront ce courage que l'on reconnaîtra une qualité qui décidemment se perd aujourd'hui : l'honneur !

Loïc Robert

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