Our Body : "Il y a des limites à la jouissance du morbide"

"Hors micro", l'un d'eux confie cependant : "c'est très étrange ce truc. En tout cas ce n'est pas de l'art. Ils revendiquent un côté artistique parce qu'il y a un public pour la Sucrière, mais ça n'a pas été conçu comme ça. Mettre des squelettes sur des vélos... artistiquement il n'y a aucune démarche. Les artistes travaillent sur le corps depuis la nuit des temps. Mike Kelley par exemple a beaucoup travaillé sur les corps conservés, ça ne me choque donc pas en soi, mais ça n'a rien à voir avec ça. Je n'irai pas. Il y a des limites à la jouissance du morbide."

Enseignants : "Ça ne correspond pas aux idéaux de notre enseignement"
Les premiers profs de bio que Lyon Capitale a contacté ne sont a priori franchement pas convaincus de l'intérêt pédagogique de l'exposition. "Ce sont des vrais corps !? C'est un peu rude, même pour moi qui suis prof de sciences-nat. C'est loin d'être anodin" s'interroge une enseignante du collège Jean Monnet, voisin de l'exposition. "Une expo pédagogique ? C'est un argument publicitaire de la part de l'organisateur. C'est uniquement du voyeurisme. Cette mise en scène macabre a un côté spectaculaire qui ne correspond pas aux idéaux de notre enseignement" tranche Pierre-Louis Klein, proviseur du lycée Récamier et secrétaire départemental du Syndicat National des Personnels de Direction de l'Education Nationale. Et de prévenir : "Si une demande de visite m'était présentée dans le cadre de mon établissement, j'emettrais un avis défavorable. (...) D'ailleurs, l'anatomie est très peu présente dans les programmes de secondaire, je ne pense pas que cette exposition soit d'un intérêt quelconque".
Contacté, le rectorat n'a pas souhaité s'exprimer avant d'avoir vu l'exposition.

Médecins : "Ça permet de se faire l'idée d'un mort"
"Des écorchés, tous les étudiants en médecine en voient dans leur formation. Et les tableaux de la Renaissance en représentaient déjà. De façon très générale, je ne peux que me féliciter de la diffusion des connaissances auprès du grand public" répond d'emblée Denis Vital-Durand, ancien doyen de la fac de médecine et président de la commission pédagogique nationale des études médicales. Il estime même : "Le fait que les gens puissent retrouver des cadavres dans une exposition me parait bénéfique. Ça permet de se faire l'idée d'un mort. Beaucoup de gens ne savent pas ce que c'est. Pour quelqu'un de 50 ans, dont les parents meurent, voir leurs corps peut être une source de grande angoisse... Alors que finalement, un cadavre n'a pas de raison d'être angoissant en soi." Il ajoute être "frappé par l'anxiété même des adultes de voir un mort, ou quelqu'un qui va mourir" : "Les gens ont pris beaucoup de distance vis-à-vis de la mort. Elle ne se déroule presque plus à domicile, alors qu'autrefois beaucoup d'enfants, d'adultes voyaient des gens mourir, ou allaient visiter des gens sur leur lit de mort. C'est quelque chose qui a totalement disparu."

Habitué à voir des morts, le médecin légiste Daniel Malicier est lui plus réservé : "Rien ne me fait peur, mais malgré tout, je ne sais pas honnêtement quel est l'intérêt de cette exposition. On peut très bien faire des reconstructions fantastiques avec des matériaux performants. Pourquoi exposer des cadavres ? Et dans un pays très marqué par ce qui s'est passé lors de la Seconde Guerre mondiale, je trouve ça choquant. Ça fait barbare... Pour ceux que ça intéresse, il y a d'excellents livres d'anatomie, ou les tableaux de la Renaissance." Il pense par ailleurs que la "mode" de la médecine légale, très en vogue dans les séries TV, va s'essouffler : "Quand on aura fait le tour de tous les moyens de tuer quelqu'un, ça va devenir fade. Sur les 15-16 ans, il y a depuis ces séries un engouement pour les stages en médecine légale. Mais je constate déjà que j'ai moins de demandes."

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