Du moins, tant que cela reste possible.
Certains appellent ça l'âge de raison. Patrice Papelard, directeur artistique du festival des Invites, préfère parler de "l'âge du changement, de l'évolution". Si pour ses sept ans, le festival villeurbannais ne varie pas de concept, on sent poindre le début d'une mini-révolution.
En effet, cette année, les Invites seront un peu moins musicales. Et beaucoup plus axées autour des arts de la rue. La raison ? Elle est double.
Economique, tout d'abord. Avec la crise du marché du disque, les tarifs des musiciens et des groupes grimpent plus vite que ceux du baril de brut à Wall Street. Y compris pour des artistes en développement. " Il y a encore une dizaine d'années, on pouvait s'offrir un artiste de l'envergure d'un Santana pour un prix décent, se remémore Patrice Papelard. Aujourd'hui, c'est impossible. Si l'on ne veut pas faire exploser le budget - ce qui n'a aucun sens lorsqu'on est gratuit - on est obligé de programmer presque exclusivement des découvertes ".
L'autre raison est affective. Voire un tantinet politique. A Villeurbanne, s'il y a bien quelque chose qu'on aime, c'est assurément les arts de la rue. En témoignent les plus grandes compagnies mondiales qui ont défilé aux Invites (Bambucco, Royal Deluxe). Mais surtout l'ouverture, il y a quatre ans, du Centre Métropolitain des arts urbains, lieu de travail et de création pour les compagnies de rue de toute la France, installé aux Ateliers Frappaz, à Villeurbanne. " Pour moi, le spectacle de rue fait partie intégrante de la politique culturelle de Villeurbanne, insiste Raymond Terracher, adjoint à la culture de la ville. Et ce, au même titre que le travail du TNP, de la Maison de l'image et du son ou de l'Institut d'Art contemporain ".
Et à une époque où certaines municipalités n'hésitent plus à chasser voire à poursuivre pénalement certaines compagnies de rue (1), Villeurbanne apparaît donc comme une sorte de Fort Alamo, une oasis enviable pour le spectacle urbain. " Nous vivons une époque plutôt complexe et tendue, notamment politiquement, analyse Patrice Papelard. Il faut que les gens qui ont vraiment quelque chose à dire reprennent les rennes de l'espace public. Et sur ce point, je pense que les artistes que nous invitons ont tous de vrais discours. Il n'y a qu'à voir Générik Vapeur. Leur spectacle Bivouac, c'est un hymne à la rue ".
En tout, ce sont près de 35 illustres compagnies de rue qui seront présentes à Villeurbanne ce week-end. Dont une bonne partie présentera leur dernière création. Tels Kumulus ou Lieux Publics & Cie (lire ci-contre). Ce qui n'est pas pour nous déplaire.
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Mat Gallet
(1) Le maire de Cuers (Var) a poursuivi, en mars dernier, une compagnie pour " dégradation de la voie publique " après que celle-ci a écrit, dans le cadre d'un spectacle, des mots d'amours à la peinture effaçable sur la chaussée.