La téléphonie mobile en procès

Cinq jours après la publication de l'appel de vingt scientifiques contre les dangers du portable, la conférence du 20 juin, à l'ENS, promet d'être électrique. Gérard Collomb pourrait en profiter pour prendre des engagements sur le sujet.

Ça ne pouvait pas plus mal tomber pour la mairie de Lyon. Cinq jours avant la conférence, organisée sous la pression des parents d'élèves, sur "les champs électromagnétiques et la téléphonie mobile", vingt scientifiques ont signé un appel contre les dangers du téléphone portable. Dans Le Journal du Dimanche, ces scientifiques, pour la plupart cancérologues, emmenés par le psychiatre David Servan-Schreiber (celui qui a écrit le best-seller "Guérir") expose 10 recommandations pour l'utilisation du téléphone portable (lire encadré). Parmi celles-ci, il est demandé aux parents d'interdire son utilisation aux enfants de moins de 12 ans. Cité par Le Journal du Dimanche, le cancérologue de l'hôpital Avicenne de Bobigny, Thierry Bouillet, explique la raison de cet appel : "Nous sommes aujourd'hui dans la même situation qu'il y a cinquante ans pour l'amiante et le tabac. Soit on ne fait rien, et on accepte un risque, soit on admet qu'il y a un faisceau d'arguments scientifiques inquiétants".

Des parents d'élèves très remontés
Depuis plusieurs années, les parents d'élèves lyonnais, réunis dans le Collectif Lyonnais Ecoles Sans Antennes (CLESA), sont également convaincus du danger que représente pour leurs enfants l'exposition aux ondes électromagnétiques de la téléphonie mobile. Parti de l'Ecole Victor-Hugo (1er arr.), ce mouvement a longtemps été ignoré par la mairie de Lyon. Il a fallu que deux élèves soient atteints d'un cancer pour que la mairie décide d'agir. Elle a ainsi démonté l'antenne SFR et promis de désactiver toutes les antennes présentes sur les toits des écoles, de lancer une campagne "indépendante" de mesure des champs électromagnétiques et d'organiser une conférence en avril pour étudier la possibilité "d'une nouvelle charte de la téléphonie mobile et des champs électromagnétiques".

Depuis, les élections sont passées et les promesses sont restées au stade des promesses, à l'exception de la conférence qui se tiendra vendredi 20 juin. Mais l'étude d'une nouvelle charte de la téléphonie mobile n'est plus à l'ordre du jour. A la place, la mairie entend "inviter l'ensemble des acteurs à un temps de réflexion et de partage sur cette question". Pour ce qui est du "partage", cela semble compromis tant les positions sont tranchées sur la question.
L'affrontement de deux camps
Dans le camp de l'accusation, on trouve les parents d'élèves mobilisés contre les antennes relais. Ils ont invité scientifiques, associatifs et politiques "convaincus de la nocivité des ondes électromagnétiques". Ils mettent en avant l'accumulation d'études scientifiques. En août 2004, l'étude BioInitiative montre qu'utiliser le téléphone mobile augmente les risques non seulement de cancers mais aussi de problèmes neurologiques et de perte de résistance aux agressions génotoxiques. L'analyse menée par le professeur suédois Hardell conclut qu'au-delà de 10 ans d'utilisation d'un téléphone portable, le risque d'avoir une tumeur cancéreuse du côté où l'on a l'habitude de porter l'appareil est multiplié par deux. Enfin, dernièrement, l'étude Interphone France menée par l'OMS a souligné, en septembre 2007, que "bien que ces résultats ne soient pas statistiquement significatifs, il y a une tendance générale à un risque accru de gliomes (tumeurs cancéreuses, ndlr) chez les gros utilisateurs : usagers de longue date (et) gros consommateurs".

Dans le camp de la défense, la mairie de Lyon a invité du beau monde : Jean-Marie Danjou, le délégué général de l'AFOM* (qui regroupe l'ensemble des opérateurs de téléphonie mobile), Arnaud Miquel, le président du conseil d'administration de l'ANFr (Agence nationale des fréquences), Martine Hours, la directrice scientifique de la Fondation Radiofréquences et Santé ou encore Denis Zmirou, directeur de recherche à l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique. Tous auront à cœur de dire que les résultats des études évoquées plus hauts ne sont pas "statistiquement significatives" ou "scientifiquement rigoureuses".

A Gérard Collomb de trancher
"On sait très bien que l'on n'arrivera pas à les convaincre", explique Bernard Cosyns, l'un des parents d'élève du collectif. "On demande surtout que la mairie prenne des engagements sur cette question, au nom du principe de précaution".

Pour appuyer leur position, les parents ont invité Michelle Rivasi. La présidente du Criirem**, fraîchement élue à la mairie de Valence où elle occupe le fauteuil de deuxième adjointe (Les Verts), met Gérard Collomb face à ses responsabilités : "Aux élus de prendre acte du débat. Soit ils appuient le principe de précaution. Soit ils sont très proches des opérateurs et ferment les yeux". Le professeur Pierre Le Ruz, directeur scientifique du Criirem, estime en effet que des problèmes de santé peuvent avoir pour cause une exposition régulière à un champ électromagnétique supérieur à 2 volts par mètre (v/m), du fait des antennes relais. "A Valence, nous avons engagé un rapport de force avec les opérateurs, poursuit Michelle Rivasi. A court terme, on a demandé de déplacer les antennes de la proximité des écoles et de faire une étude de faisabilité pour baisser l'intensité des antennes. En attendant, on n'autorise aucune nouvelle implantation d'antennes".

Les parents attendent donc qu'en conclusion de la conférence, Mireille Roy, la nouvelle adjointe (Les Verts), en charge de l'écologie urbaine, énonce les orientations que pourrait prendre Gérard Collomb. Bernard Cosyns égrène les demandes : "le démontage des antennes à proximité des écoles, des mesures indépendantes (promises), l'établissement d'un cadastre hertzien (avec l'emplacement de toutes les antennes et les points chauds électromagnétiques), la multiplication des antennes de plus faible intensité et bien sûr la révision de la charte pour inscrire des valeurs à ne pas dépasser".
Laurent Burlet

*Association française des opérateurs mobiles
**Criirem : Centre de recherche et d'information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques.

A noter La conférence se déroule de 17h30 à 21h30, à l'ENS Sciences. Sur invitation uniquement.

Les 10 précautions

L'intégralité de l'appel des 20 scientifiques emmenés par David Servan-Schreiber se trouve sur le site www.guerir.fr

1. Interdiction pour les enfants de moins de 12 ans sauf en cas d'urgence.
2. Maintenir le téléphone à plus d'1 m du corps.
3. Restez à plus d'un mètre de distance d'une personne en communication.
4. Evitez le plus possible de porter un téléphone mobile sur vous, même en veille. Ne pas le laisser à proximité de votre corps la nuit.
5. Si vous devez le porter sur vous, assurez vous que la face "clavier" soit dirigée vers votre corps et la face "antenne" vers l'extérieur.
6. Utilisez votre téléphone pour des conversations de quelques minutes seulement.
7. Quand vous téléphonez , changez de côté régulièrement, et avant de mettre le téléphone portable contre l'oreille, attendez que votre correspondant ait décroché.
8. Evitez d'utiliser le portable lorsque la force du signal est faible ou lors de déplacements rapides comme en voiture ou en train.
9. Communiquez par SMS plutôt que par téléphone.
10. Choisissez un appareil avec le DAS (Débit d'Absorption Spécifique qui mesure la puissance absorbée par le corps).

L'Ecole Gerson en première ligne
Depuis le démontage de l'antenne SFR du toit de l'Ecole Victor Hugo (1er arr.), les esprits se sont un peu calmés de ce côté-ci de la ville. Aujourd'hui, c'est à l'Ecole Gerson, à Saint-Paul (5e arr.), que les parents d'élèves sont les plus remontés. Il est vrai que l'école est "arrosée" de toute part : une antenne relais sur l'immeuble d'en face et le relais de Fourvière juste au dessus de leur tête. "Suite aux deux cas de cancer de Victor Hugo, des parents ont retiré leurs enfants, explique Stéphanie Torres, une des parents d'élèves mobilisés. On attend cette conférence avec impatience". Certains parents font mettre à leurs enfants des casquettes censées protégés des ondes. Les mesures relevées ne sont en effet pas rassurantes : "4,73 volts par mètre mesurés dans la cour de l'école alors que le professeur Le Ruz dit qu'à partir de 2 v/m, on peut s'inquiéter !" poursuit Stéphanie Torres. Si aucune décision n'est prise concernant le démontage, les parents promettent d'organiser une journée "école morte".

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