En 2002, il avait déclaré à Lyon Capitale que le 'Juif n'existe pas'. Il s'était défendu en disant qu'à travers ces paroles, c'était plutôt le fait religieux qu'il voulait nier. Farouchement anticlérical en 2002, Dieudonné semble avoir changé d'avis depuis.
La longue série de " dérapages " de Dieudonné a commencé lors d'un entretien paru le 23 janvier 2002 dans Lyon Capitale. L'humoriste, alors candidat à l'élection présidentielle, y tenait ces propos : " Antisémite n'existe pas parce que juif n'existe pas. (...) Les juifs, c'est une secte, une escroquerie, c'est une des plus graves parce que c'est la première ". C'était le commencement du " cas " Dieudonné. Elie Semoun avait estimé à l'époque que son ancien partenaire était devenu " une sorte de Le Pen de gauche ". Depuis, Dieudonné M'Bala M'Bala, de son vrai nom, a multiplié les provocations et joué avec les limites sémantiques de l'antisémitisme.
Caricature du Juif extrémiste.
En décembre 2003, il apparaît dans l'émission de Marc Olivier Fogiel sur France 3, " on ne peut pas plaire à tout le monde ", en caricature du juif orthodoxe avec papillotes, chapeau noir, veste militaire et cagoule. Tout en singeant le salut hitlérien, Dieudonné avait conclu son sketch par un sonnant " Isra-Heil " et avait invité la jeunesse des cités à rejoindre " l'axe américano sioniste ". Les opposants se mobilisent et font annuler une série de spectacles à Bourg-lès-Valence, Deauville, Roanne, Voiron mais aussi à l'Olympia. Le 5 février 2004, de violents incidents se déroulent à la Bourse du Travail de Lyon où le spectacle de Dieudonné, " Le divorce de Patrick ", doit se jouer. Le maire de Lyon était intervenu quelques jours plus tôt pour le faire annuler. En vain. La justice permettra à l'humoriste de se produire " triomphalement " dans la salle lyonnaise où 80 policiers et plusieurs camions de pompiers ont essayé de maintenir des échauffourées.
En février 2005, c'est en Algérie que Dieudonné refait parler de lui. Lors d'une conférence de presse, il assimilera la commémoration de la Shoah à de la " pornographie mémorielle ". Pour ces propos, il a été condamné par la cour d'appel de Paris le 26 juin dernier. Ce qui est rare pour Dieudonné puisque, bien qu'habitué des prétoires, l'humoriste a connu bien plus souvent la relaxe que la condamnation.
" Dieudonné s'est réconcilié avec Dieu ".
Mais le cas Dieudonné vient de connaître un nouveau développement. Le leader du Front National, Jean-Marie Le Pen, a accepté de devenir le parrain de son troisième enfant. Le baptême a été célébré à l'église Saint Eloi de Bordeaux par un prêtre traditionaliste. Et c'est là que l'entretien de Lyon Capitale de janvier 2002 redevient intéressant. En réaction aux propos de Dieudonné, la Ligue Contre le Racisme et l'Antisémitisme (LICRA) s'était à l'époque constituée partie civile. Alain Jakubowicz en était l'avocat et se souvient de la stratégie de défense de Dieudonné. " Il s'est expliqué en affirmant qu'il n'avait aucune conviction religieuse ". Dieudonné justifiait donc ses paroles par un anticléricalisme, niant l'existence du fait religieux. Dans la mesure où, pour lui, la religion n'existe pas, il lui semblait cohérent d'affirmer que le " Juif n'existe pas ". Et de là à affirmer qu'" antisémite n'existe pas ", il n'y avait plus qu'un pas à franchir. Et il l'a franchi. Selon lui, il fallait donc comprendre ses propos dans la perspective d'une construction philosophique et non comme le résultat d'une réaction antisémite. Cette rhétorique a dû faire son petit effet puisque, dans cette affaire, il a été relaxé le 9 février 2006. L'officialisation du baptême de sa fille dans une église traditionaliste fait dire ainsi à M. Jakubowicz que " Dieudonné s'est réconcilié avec Dieu ". L'avocat pense que l'humoriste s'est définitivement découvert. " Il vient d'enlever son faux nez. Je crois qu'il est devenu complètement dingue. Il a voulu faire du Coluche, mais il n'en a pas le talent. Désormais, il adhère à ses propres boutades. Il s'est auto persuadé que tous les malheurs du monde sont causés par les juifs. Il n'était pas le seul sur ce terrain. Il a voulu chercher une clientèle en se distinguant. Et quand on se distingue, on devient outrancier ".
Jeudi, au théâtre de la Main d'Or à Paris, l'humoriste est revenu sur la polémique qui a suivi le parrainage de sa fille par Jean-Marie Le Pen. Il a terminé son spectacle par des paroles une nouvelle fois tendancieuses : " J'avais pas les moyens de faire autre chose. Vous savez combien ça coûte une campagne de promotion sur TF1 ? Au début, j'ai pensé à une fausse agression. (...) Mais j'ai un pote qui m'a dit laisse tomber. Faut être juif pour ça ". (voir la vidéo).
Pour terminer, une petite info : avant d'atterrir sur YouTube, la vidéo a été censurée par Dailymotion pour " non-respect des conditions d'utilisation ".
Slim Mazni
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