Najat Vallaud-Belkacem, alors déléguée à la Culture à la Région Rhône-Alpes, déclarait devant un parterre d'exploitants respectueux : " Il n'y a pas de festival de cinéma à Lyon ". Alors même que se tenaient dans la salle d'à côté les 17e Drôles d'endroit pour des rencontres, festival qui a invité les plus grands réalisateurs français depuis une quinzaine d'années. Alors même que les directeurs des festivals du Court Métrage à Villeurbanne ou de Hors écran à Lyon étaient dans la salle. L'anecdote a des allures de symptôme : des festivals de cinéma existent, ils sont même plutôt nombreux. Ils ont pour la plupart trouvé un public, souvent à la sueur de leur passion, mais ils ne sont pas forcément pris en compte, tout du moins officiellement, par les politiques.
Le festival de Cannes du patrimoine : mission impossible ?
Comment ces " petits " festivals, en tout cas apparemment trop petits pour être repérés par les politiques publiques, ont-il accueilli la nouvelle d'un nouveau festival de cinéma promis par Gérard Collomb et confié à Thierry Frémaux, directeur de l'Institut Lumière ? Apparemment très bien. Si Jean-Pierre Gimenez d'Asie Expo trouve " aberrant " que les politiques fassent fi des festivals existants, Marc Ferrieux de Cinéma Nouvelle Génération ou Luc Martinon de Hors Ecran trouvent parfaitement " légitime " que Thierry Frémaux soit sollicité. Il est vrai que ce n'est pas donné à tout le monde d'être directeur du plus grand festival de cinéma du monde, à savoir le festival de Cannes. Il est vrai aussi que les contours annoncés du projet s'inscrivent dans la droite ligne de l'Institut Lumière : un festival de " cinéphilie populaire ", revalorisant tout un pan de la mémoire collective du cinéma avec les moyens d'aujourd'hui (numérique, restauration de copies et ambassadeurs contemporains, par exemple Tarantino qui viendrait vanter Sergio Leone...). " Faire le festival de Cannes du film de patrimoine, je trouve que c'est une très belle idée ", déclare Marc Ferrieux. Pour le côté Ciné Club au bon sens du mot, la présentation des films, Thierry Frémaux n'a personne qui lui arrive à la cheville. " Reste le hic : " Le souci aujourd'hui c'est que les collectivités locales ne veulent pas ça ou pas uniquement ça. Elles veulent de l'événementiel. Or faire de l'événementiel sur des films de patrimoine, c'est un petit peu plus compliqué. Il faudra faire le lien entre le créateur du festival et les besoins des collectivités publiques, ce qui n'est pas évident. "
" Un manque de courage politique "
Si la légitimité de l'Institut Lumière et l'existence d'un festival de patrimoine à Lyon ne font pas débat, l'absence d'une politique de secteur qui prenne en compte les festivals existants, en revanche, fait l'unanimité contre elle. Pour Luc Martinon de Hors Ecran, " ce n'est pas un événement qui va régler des problèmes de filière ". " La vraie question est une question de fond : dans la deuxième ville de France, il y a encore des salles qui sont très mal équipées alors qu'elles font un travail remarquable de programmation sans pour autant obtenir de subventions. Il y a des vrais problèmes, comme la tarification, l'équipement, l'arrivée du numérique qui ne sont pas abordés. La question n'est pas celle d'un nouveau festival de cinéma qui a parfaitement sa place. La vraie question est comment la création de cet événement va faire évoluer ou pas les politiques publiques. Or les administrations semblent attendre ce festival comme le Messie plutôt que d'avoir une vraie réflexion structurelle, qui n'existe pas à Lyon depuis une quinzaine d'années. " Et Luc Martinon de s'indigner : " Il y a un vrai manque de courage politique. " Du coup, sous l'égide de la Région, nombre de festivals rhônalpins se sont regroupés en une seule association, Festivals Connexion, pour mutualiser leurs moyens et leurs revendications. En espérant que la création d'un nouveau festival désiré par les politiques soit enfin l'occasion d'une réflexion plus globale, attendue aussi par les exploitants indépendants. Si Lyon est bien la ville où est né le cinéma, elle attend toujours d'être la ville où s'organise une politique du cinéma.
Luc Hernandez
Les commentaires sont fermés