Comme le titre l'indique déjà, Le Soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face est un texte très emphatique, qui verse parfois dans des considérations existentielles un peu lourdes. Mais lorsque le metteur en scène Dominique Pitoiset s'en empare, c'est pour désamorcer les tendances à la disproportion orgueilleuse de l'ensemble. Il donne d'abord une large liberté à trois comédiens brillants et cadrés, qui composent les personnages mythiques de cette grande fresque tragique. En vingt chapitres et autant de tableaux aux tons différents, le spectateur assiste à l'enlèvement de la belle Europe, au road trip de son petit frère Cadmos parti à sa recherche, à la fondation par ce dernier de la ville de Thèbes, puis à la malédiction portée sur l'un de ses descendants pédophiles, Laïos, qui condamnera finalement Oedipe, roi déchu. Le rythme est bien cadencé, le décorum à la fois musical et graphique (avec les très beaux dessins animés de Kattrin Michel) est bien pensé, mais Pitoiset s'est laissé aller à deux ou trois ficelles aussi pataudes que certains passages des textes de Mouawad. Il fait notamment intervenir sur scène deux marionnettes réalistes représentants des enfants nus, qui viennent au monde à différentes reprises dans le spectacle, dans le but de signifier le cycle de la vie. Ce qui plombe quelque peu les audaces de jeu des comédiens, et les partis pris parfois décalés, comme faire de l'oracle une folle furieuse qui a échappé à la vigilance d'un infirmier.