Jean-Marc Avocat prend Racine à la Croix Rousse

Et qui, au bout des 4808 vers, appris par cœur, est aussi du genre à avoir relevé le défi...

Attention, les yeux : il y a un type qui va jouer seul sur scène et tour à tour durant tout l'hiver, tenez-vous bien, Phèdre, Andromaque et Bérénice. Fumant des cigarillos sur le parvis du théâtre croix-roussien, le comédien lyonnais que l'on peut aussi voir dans des épisodes de Kaamelot ou, si on les retrouve, dans des productions policières tokyoïtes, déclare : "il faudrait m'interdire le théâtre, comme on interdit le casino à certains." On a mal pour lui, vraiment : Jean-Marc Avocat qui, en outre, commence à avoir un âge certain, souffre horriblement. En effet, l'intention mégalomane de cette trilogie racinienne ne se situe pas tant dans la performance sur scène que dans l'épreuve infligée lors de la préparation à l'exercice. Pour s'appliquer à ce travail de mémoire et d'absorption hors normes, Avocat se contraint à une vie d'ascète. L'insomniaque qu'il est suit un régime d'hygiène obsessionnel, nourriture bien déterminée et cachets triés pour tenter de trouver le sommeil.

Heureusement, il y a la lingerie

Parfois, loin de l'éplorée Bérénice, de la névrosée Phèdre et de l'incorruptible Andromaque, à moins de les imaginer toutes en porte-jarretelles, Jean-Marc Avocat échappe à ces marasmes familiaux en s'arrêtant "devant une vitrine de boutique de lingerie". Pas plus compliqué que ça. Le monsieur aime les femmes, "comme Racine", et avoue sentir un certain trouble, "un frisson ascendant", en jouant tous ces personnages féminins, de façon très crédible. Toutes les héroïnes tragiques sont en effet dessinées au fusain bien que, au travers de Jean-Marc Avocat, chauves et légèrement bedonnantes. Sa prestation scénique s'appuie sur d'infimes et essentielles différences d'interprétation qui permettent de distinguer Horace de Thésée, Titus de Bérénice, etc., mais elle permet surtout de goûter aux textes comme rarement. Avocat voue, comme on peut se l'imaginer, une sorte de culte à la langue de Racine, dans laquelle il caresse la moindre césure, en virtuose de l'alexandrin. A partir de là, la mise en scène est simple. Le comédien fait son entrée sur la petite scène du studio, dans un peignoir de soie, avec les poignets maintenus dans des bracelets-éponges de sportif. Tel un boxeur, il s'assoit dans le corner du ring, boit bruyamment au goulot d'une gourde allongée, avant d'ôter son peignoir et de se présenter face au public. Il s'apprête à disputer chaque pièce comme le round d'un match dont, il faut quand même prévenir, c'est le spectateur qui sortira K.O.
Phèdre, Bérénice et Andromaque de Racine, par Jean-Marc Avocat.
Du 9 décembre 2008 au 1er mars 2009 au théâtre de la Croix-Rousse, place Joannès Ambre, Lyon 4e.
Tél. : 04 72 07 49 49.
www.croix-rousse.com

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