Depuis 1999, Jérôme Seydoux forme un duo inattendu avec Jean-Michel Aulas. A l'occasion de la sortie de son livre L'important c'est de gagner (éditions Panama), le patron de Pathé qui détient 22,8 % du capital de l'OL nous a livré son regard sur l'actualité du club de football lyonnais.
Lyon Capitale : Dans votre ouvrage, vous évoquez votre arrivée à l'OL et cet investissement de 16 millions d'euros qui a permis la venue à Lyon de Sonny Anderson. Débourser une telle somme, c'était un pari fou ?
Jérôme Seydoux : Sûrement. Mais vous savez dans la vie les choses qui sont un peu intéressantes, ce sont les choses un peu folles. Et puis vous avez un avantage, c'est que vous avez peu de concurrents. Généralement, les choses raisonnables que j'ai entreprises dans ma vie se sont souvent mal terminées. Pour répondre à votre question, il y a des gens qui faisaient la tronche mais personne ne m'a dit de ne pas le faire.
Pourquoi avez-vous décidé d'investir dans le football ? Vous avez toujours été fan de ce sport ?
J'ai toujours aimé le football. A l'époque, lorsque Pathé est arrivé au club, nous avons eu le logo deux ans sur le maillot, nous étions très visibles. Depuis le maillot est tellement cher que nous y avons renoncé (rires). Très honnêtement, le football professionnel est un spectacle, le cinéma également. Ce sont des métiers qui ne sont pas si éloignés qu'ils en ont l'air. Il y a une parenté. Regardez les comédiens, ils adorent venir au stade. Je n'ai pas de difficulté à en trouver qui acceptent de venir voir un match à Gerland.
Pourquoi votre choix s'est porté sur l'Olympique Lyonnais ?
C'est relativement un hasard. Jean-Michel Aulas cherchait un partenaire, on a reçu un dossier, qu'on a regardé attentivement. On s'est rencontré avec Jean-Michel, on s'est bien entendu et depuis tout se passe merveilleusement bien.
Quels sont vos rapports avec lui ?
Quand on est associé, soit vous vous entendez et c'est parfait ou bien ça ne colle pas et mieux vaut divorcer. En janvier 2009, ça fera dix ans qu'on travaille ensemble et ça fait dix ans que ça marche très bien. Nos rapports sont tout à fait bons. Les rôles sont bien établis ; Jean-Michel est le président et moi je suis la petite souris qui ne se mêle de rien (sourire).
On dit que vous êtes à l'origine de la venue de Claude Puel. On imagine que les négociations ont dû être éprouvantes avec votre frère Michel qui préside le club de Lille ?
Je ne pense pas que je sois à l'origine de sa venue. Depuis quelques années, on était persuadé que c'est un remarquable entraîneur. Et je vous rassure, on le pense toujours, on n'a pas changé d'avis. Au club, on pensait du plus grand bien de lui. Compte tenu du fait que mon frère est président de Lille, ce n'est pas moi qui ai négocié mais Jean-Michel Aulas.
Concernant la Ligue des Champions, comme Claude Puel vous demandez de la patience. Seulement les supporters lyonnais semblent en vouloir toujours plus...
Les supporters lyonnais sont tout de même gâtés. C'est la neuvième année consécutive que le club dispute la Ligue des Champions. Et je peux vous dire que je ne m'en lasse pas. C'est une formidable compétition. Je suis persuadé que lors du match contre le Steaua Bucarest (3-5), les supporters ont dû apprécier ce retour phénoménal de l'équipe. Ce n'est pas courant dans le football de vivre un tel renversement de situation. Je suis persuadé qu'un jour l'OL gagnera la Ligue des Champions. On oublie souvent qu'il y a de grands clubs comme Chelsea qui ne l'ont toujours pas gagnée.
Pensez-vous que cette année l'OL peut aller loin dans cette compétition ?
Oui, absolument. Tout n'est peut-être pas parfait dans cette première partie de saison, mais je pense qu'on sera plus affûté dans la deuxième partie. C'est pour cela que je sens qu'on peut faire un petit quelque chose en Ligue des Champions.
Depuis plusieurs années, l'OL domine le football français. Que pensez-vous du championnat de Ligue 1 ?
Ce n'est pas une question subjective. Objectivement, il y a trois équipes françaises engagées en Ligue des Champions, le niveau de la Ligue 1 va se définir selon le nombre d'équipes qui va se qualifier. Ce n'est pas l'opinion de Jérôme Seydoux sur le sujet, c'est un simple constat. Nous avons du mal depuis quelques années à figurer à un bon niveau dans les compétitions européennes. En plus, l'élimination de l'équipe de France lors du championnat d'Europe, très tôt, de manière pitoyable, n'arrange rien aux affaires des équipes françaises. Franchement, heureusement qu'il y a l'OL !
Qu'est-ce qui manque aux équipes françaises pour bien figurer sur la scène européenne ?
Il faut du temps. Quelle que soit l'entreprise que vous voulez lancer, il faut de la persévérance. L'OL n'est pas devenue une bonne équipe du jour au lendemain. On a mis pas mal de temps avant de devenir champion de France. Une fois qu'on a attrapé le bon wagon, les autres ont du mal à nous déloger. Ils en rêvent. Je pense que si en France, on travaille suffisamment, on retrouvera un bon niveau.
Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas qu'une question d'argent ?
Je ne peux pas dire que ça ne compte pas mais il n'y a pas que l'argent. Si vous prenez le PSG et l'OM, il y a eu trop d'inconstances dans la conduite de l'équipe et dans leur gestion pour qu'ils obtiennent de très bons résultats. C'est une question de professionnalisme, de rigueur.
Est-ce vraiment indispensable pour l'OL d'avoir un nouveau stade ?
C'est surtout indispensable pour le football français d'avoir de nouveaux stades. Gerland est une enceinte magnifique mais par rapport à l'Allianz Arena (stade du Bayern Munich, NDLR), et la plupart des stades allemands, c'est le jour et la nuit. Dans tous les pays d'Europe, vous avez des stades modernes, sauf en France, où nous sommes très en retard. Dans notre pays, les stades sont moches. Lyon a véritablement besoin d'un stade plus moderne.
Reconnaissez que dans le traitement de ce dossier, la direction du club a commis des erreurs en négligeant les élus de l'Est lyonnais et les habitants de Décines ?
Je ne peux pas répondre à votre question. D'abord, parce que je ne connais pas la réponse. Et ensuite, parce que je n'habite ni à Lyon, ni à Décines. La politique lyonnaise ou régionale je ne la connais pas. Ceci dit, je pense que Décines est un bon choix. La ville de Lyon, le Grand Lyon, le département du Rhône, la Région et même l'Etat, tout le monde s'accorde à dire que c'est un bon projet.
Comprenez-vous que des gens puissent être opposés à ce projet ?
Oui, bien sûr. Il y a toujours des opposants à tout. Le groupe Pathé a ouvert en début d'année un multiplexe à Vaise (Lyon 9e), on a mis plus de onze ans à le faire. La France est un pays où il est difficile de faire des choses. Il faut être très entreprenant, très courageux, très persévérant, car on vous met beaucoup de barrières. C'est dommage.
La crise financière peut-elle mettre en péril ce projet d' OL Land ?
Non, cela n'a rien à voir. En ce moment, il y a une crise financière qui va être suivie par une crise économique mais OL Land est un projet à très long terme. Aujourd'hui, on parle de 2013, c'est dans cinq ans. Je souhaite à la France, à l'Europe, au monde entier, qu'on soit sorti de la crise à ce moment là.
Depuis le début de la saison, le stade de Gerland n'affiche pas complet, comment allez-vous faire pour remplir un stade de 60 000 places ?
(Olivier Blanc, directeur de la communication intervient) : C'est faux. On a joué à guichets fermés contre Grenoble. Contre Lille et Toulouse, le stade était rempli à 98 %. Il n'y a qu'un match qui a été en deçà, c'est celui contre la Fiorentina en Ligue des Champions. C'était le premier match, et nous n'avions que dix jours pour le commercialiser. Objectivement, malgré la crise financière, on s'en sort plutôt bien. En plus, ce nouveau stade va créer une génération de consommateurs nouveaux. On l'a bien vu en Allemagne, ou la moyenne des spectateurs en Budesliga a doublé.
Jérôme Seydoux : Le stade est indispensable. Les Lyonnais devraient être extrêmement fiers d'avoir un nouveau stade.
Et si jamais ce projet capote...
(Il coupe en haussant le ton). Mais pourquoi vous êtes toujours négatif ? Ce projet ne va pas capoter. Que les choses soient claires, on va faire ce nouveau stade.
Jérôme Seydoux en dates :
Jérôme Seydoux Fornier de Clausonne
Né le 21 septembre 1934 à Paris 16e
Diplômé de l'Ecole nationale supérieure d'électronique, d'électrotechnique et d'hydraulique de Toulouse
1962 : Analyste financier chez Istel Lepercq and Co. à New-York
1975 : Directeur général Schlumberger Ltd
1986 : Conseil d'administration de la chaîne de télévision La Cinq avec Silvio Berlusconi
1991 : PDG de Pathé
1993 : Actionnaire du journal Libération
Février 1999 : Actionnaire de l'OL
Article paru dans l'édition de novembre du mensuel Lyon Capitale
Les commentaires sont fermés