Mercredi, trois hommes ont été condamnés pour ces délits par des peines de prison allant de quatre mois à deux ans ferme. Chronique judicaire d'une journée au tribunal de grande instance de Lyon.
Récidive et savonnette
Haickel a 26 ans. Originaire de Vénissieux, le prévenu n'en est pas à sa première comparution immédiate. " Dix condamnations en trois ans. C'est un véritable tir groupé que vous faîtes là !" lance le juge. " C'est la dernière monsieur " rétorque le jeune homme du tac au tac. " Vous avez déjà du le dire avant " répond le président, pas dupe. Et pourtant, la tentative de vol reproché aujourd'hui au prévenu vénissian ne semble pas complètement évidente.
L'histoire remonte à la semaine dernière. Haickel se promène dans le 8e lorsqu'une " envie pressante " le contraint à entrer sur un chantier à la recherche de toilettes. Quelques minutes plus tard, un ouvrier l'aperçoit la main dans le sac d'un collègue. " Je cherchais juste une savonnette pour me laver les mains monsieur le président ". " Vous cherchiez un savon dans le sac d'un ouvrier ? " s'interroge le juge de manière sceptique.
Jeans bleu et pull blanc à rayures jaunes, le garçon est en pleurs. Pourtant, c'est bel et bien son passé judiciaire et " ses antécédents importants " que retiendra le procureur qui requiert deux mois ferme avec mandat de dépôt. Plaidant la relaxe, l'avocat de la défense semble tomber de haut lorsque le juge annonce, après délibération, une peine de quatre mois d'emprisonnement.
Le VRP est un " escroc "
A 58 ans, Jacques a déjà un casier judiciaire bien rempli. Les cheveux derrière la nuque et la moustache grisonnante, nul ne pourrait s'imaginer que ce quinqua est un habitué des tribunaux. En 2002, il a été condamné à purger une peine de trois ans dont 18 mois de sursis pour abus de confiance, contrefaçon et usage de faux. D'autres infractions d'escroqueries " à la pelle " témoignent de ses récidives. " Je suis un escroc " avoue avec simplicité le prévenu.
Son dernier fait d'arme est le détournement par chèques et espèce d'une somme s'élevant à 41 140 euros à son employeur dans le cadre de son activité de VRP. " Mais qu'avez-vous fait de cette somme ? " l'interroge le juge. " J'ai payé mes dettes antérieures. Vous savez c'est un cercle vicieux " répond l'intéressé. Le juge est hors de lui. " C'est quand même pas la faute de la justice si vous êtes ici aujourd'hui ! ".
Dans son réquisitoire, le procureur rappelle qu'il s'agit " de sommes extrêmement importantes " et qu'il ne faut en aucun cas " minimiser les responsabilités du prévenu ". Il requiert un an d'emprisonnement avec mandat de dépôt et interdiction d'exercer une profession où l'activité principale est le démarchage de clients. Après délibéré, le juge ne prend pas acte " d'une sanction mieux proportionnée " plaidée par la défense en annonçant une peine de deux ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt et interdiction d'exercer pendant cinq ans toute activité ayant un lien avec le démarchage clientèle. " Il va falloir arrêter d'être VRP, vous ne pouvez pas vous empêcher de voler " conclut le président.
Téléphone et menaces de mort
Lorsque le troisième prévenu arrive dans le box, la salle d'audience aperçoit un homme élégant en costume noir et blanc. La voix rauque, ce lyonnais de 50 ans est à peine assis qu'il demande à la présidence un verre d'eau. Les faits qui lui sont reprochés ne sont pourtant pas révélateurs de son calme olympien. Derrière ses lunettes rectangulaires, le prévenu déstabilise la cour en ne parlant que de sa propre personne. " J'ai l'impression de parler à un mur. Vous ne répondez à aucune de mes questions " tonne le président du tribunal, un brin excédé.
Son ex-épouse et un ami de la famille sont sur le banc des victimes. Tous les deux ont porté plainte pour des appels téléphoniques malveillants. Son épouse l'accuse de troubler sa vie et sa tranquillité depuis leur divorce par des appels téléphoniques réguliers et insultants. La seconde victime reproche au prévenu des menaces de mort et une attitude déshonorante permanente.
Remarquant " son manque de respect " durant l'audience, le procureur de la république parle " d'une personne inquiétante et obsessionnelle " qui ne veut pas admettre " son réel problème d'alcoolisme ". Demandant de prendre en compte le calvaire vécu par les deux victimes, il requiert un an d'emprisonnement dont huit mois de sursis avec mise à l'épreuve et interdiction de prendre contact avec les victimes. Peine retenue par le juge après délibéré.
Emeric Merlin