C'est pourquoi ils gardent un regard particulièrement attentif sur leur pays natal où les manifestations contre le pouvoir se multiplient depuis la réélection de Mahmoud Ahmadinejad.
" L'Iran est une cocotte-minute, tout peut arriver ", considère Mansour Parsa, restaurateur dans le 1er arrondissement. Arrivé en France il y a 30 ans en tant qu'étudiant, il s'est finalement marié et a construit une famille à Lyon. " J'avais prévu de rentrer en Iran mais la situation s'est compliquée avec la guerre contre l'Irak et l'installation durable du régime islamique. " Aujourd'hui, il garde le contact avec ses amis restés au pays qui considèrent que " l'avenir est vraiment imprévisible. "
Depuis le 12 juin dernier, les manifestations se multiplient en Iran pour protester contre la réélection du président sortant, Mahmoud Ahmadinejad dès le premier tour avec 63 % des voix. Et pour Zara Moayed, qui tient une bijouterie dans le 2e arrondissement de Lyon, il est évident que les élections ont été truquées : " il y a quatre ans, seul 20 % du peuple iranien s'était déplacé pour aller voter. Mais cette année les gens se sont mobilisés en masse -à 84 %- pour voter contre Mahmoud Ahmadinejad, car ils en avaient assez de sa politique. Résultat : il a été élu dès le premier tour ! Un tel écart est impossible ! Quand j'étais citoyenne iranienne, je ne votais pas, je savais que ça ne comptait pas. Rien n'a changé ".
" Ahmadinejad ou Moussavi, c'est pareil "
Depuis la publication des résultats des élections le 12 juin dernier, les partisans du candidat malheureux Hossein Moussavi qui n'a recueilli que 33 % des suffrages, manifestent leur mécontentement dans les rues. " Moussavi n'est qu'un prétexte. Les gens ont voté pour lui pour voter contre Ahmadinejad. C'est comme lors du second tour des élections présidentielles en France en 2002. Même des gens qui n'aimaient pas Jacques Chirac sont allés voter pour lui pour barrer la route à Jean-Marie Le Pen ", analyse Zara Moayed, qui a la nationalité française depuis près de 10 ans. Mais Hossein Moussavi ou Mahmoud Ahmadinejad, " c'est pareil ", d'après Mansour Parsa. " Moussavi est considéré comme moins dur que qu'Ahmadinejad, mais comme les autres candidats, il souhaite continuer sa carrière politique dans le cadre de la révolution islamique. "
" La jeunesse ne peut plus vivre "
En réalité, les résultats des élections sont comme " une goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Les motivations des manifestants sont bien plus profondes ", assure le restaurateur lyonnais. " Depuis 30 ans, il n'y a pas de liberté, qu'elle soit politique ou culturelle. Aujourd'hui ce sont les jeunes qui sont nés sous le régime de la révolution islamique qui protestent. Ils veulent des évolutions et un minimum de démocratie, ils ne peuvent plus vivre. "
Malgré la répression, les femmes et les jeunes iraniens en particulier, continuent de manifester. " Il y a une certaine solidarité. Les gens laissent leurs portes ouvertes pour que les manifestants puissent s'y réfugier quand ça tourne mal. Mais les bassidji [ndlr : les gardiens de la révolution] essaient de décrédibiliser les manifestants en cassant des vitres et des voitures déguisés en protestataires ", raconte Zara Moayed dont la sœur et les nièces ont défilé dans les rues de Téhéran pour exprimer leur colère. " Les gens se disent que de toutes façons, ils vivent dans une grande prison, alors ils prennent le risque de se faire arrêter ou violenter." En 1979, au moment de la révolution islamique, Zora Moayed avait 26 ans : " j'ai connu les manifestations et aujourd'hui, ça y ressemble. On dirait qu'il pourrait y avoir une autre révolution. "
Cécile Mivière