Deux jours plus tôt, le fisc américain obtenait les noms de 4450 contribuables fraudeurs. La presse suisse revient sur cette première " brèche " dans son secret bancaire.
Sale temps pour la Suisse. Depuis qu'il s'est excusé auprès de la Libye pour l'arrestation du fils Kadhafi en 2008 (il avait été inculpé pour violences sur ses domestiques), jeudi, le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz, est dans la tourmente. Presque toute la presse francophone lie cet événement aux derniers développements de l'affaire UBS. Dans les deux cas, les pays d'en face avaient des arguments : la Libye détient deux otages suisses, et les Etats-Unis menaçaient UBS d'une amende record de 800 millions d'euros.
La Suisse " déshonorée, déculottée, isolée, à genoux "...
Aucun journaliste ne se risque à écrire le mot " chantage ", mais le ton y est. " Le pistolet doit quitter la tempe ", titre l'éditorial de 24 Heures :
" Humiliée, déshonorée, déculottée, isolée, à genoux. Aucun qualificatif n'est trop fort, depuis jeudi soir, pour décrire la position de la Suisse [...]. Les mêmes mots qui auraient pu être employés, il y a quelques jours à peine, quand UBS a accepté de livrer au fisc américain les noms de 4450 clients fraudeurs. "
Et le lendemain, Birkenfield, l'homme qui avait " dénoncé " UBS, écopait donc de 40 mois de prison ferme. L'homme par qui le scandale UBS est arrivé ne purgera sa peine qu'à partir de janvier 2010 ; d'ici là, il continuera d'aider le fisc américain. " Ses supérieurs ne sont, quant à eux, pas inquiétés ", note 24 Heures.
" Le secret bancaire dans la tourmente "
Sur le site du magazine Bilan, destiné aux leaders du pays, une annonce Google accompagne l'article sur la condamnation de Birkenfield : " Secret bancaire en péril ". C'est bien ce que craignent de nombreux éditorialistes.
L'annonce en question renvoie vers un dossier du site Swissinfo, titré sans ambiguïté " Le secret bancaire dans la tourmente ". La première phrase d'introduction au dossier joue très subtilement sur les mots : d'un côté la légalité, et de l'autre les violentes attaques des concurrents :
" Pratique ancrée dans la loi depuis trois quarts de siècle, le secret bancaire suisse est soumis aux coups de boutoirs de la communauté internationale et des concurrents de la place financière suisse. "
Cette " pratique " est en tous cas menacée, c'est certain, même si elle est pour l'instant seulement abolie pour les clients américains d'UBS. " Plus rien ne sera comme avant au pays du secret bancaire ", titre La Liberté, le partenaire suisse de Rue89 :
" Le numéro un bancaire suisse échappe ainsi à une nouvelle amende et le Conseil fédéral affirme avoir préservé le respect des lois. Reste que si UBS sauve les meubles aux Etats-Unis, c'est un fait qu'une brèche a été ouverte. "
Dans Le Courrier, un quotidien " humaniste, progressiste et altermondialiste " selon Courrier International, l'éditorialiste remarque que
" cette affaire garde toujours toutes les prémisses pour enterrer la subtile nuance helvétique entre la fraude et l'évasion fiscale. Après avoir épluché les dossiers de 4450 clients de la banque, rien n'empêchera les Etats-Unis de refaire un tour de piste pour obtenir de nouveaux noms. "
En redressant ces 4450 contribuables, Washington devrait récupérer la bagatelle de 4 milliards de dollars, selon Le Courrier. Cela va-t-il donner des idées à d'autres Etats ?
Photo : le logo de la banque suisse UBS sur un building new-yorkais en août 2009 (Lucas Jackson/Reuters).
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