Une vidéo qui montre une saillie raciste de Brice Hortefeux ? Evidemment, le menu s'annonce alléchant. C'est le site LeMonde.fr qui a diffusé ces images ce jeudi. Buzz immédiat.
La vidéo date du week-end dernier, durant l'université d'été de l'UMP, à Seignosse, dans les Landes. Le ministre de l'Intérieur discute le bout de gras avec la jeune garde de l'UMP : dédicaces, serrages de louches, photos, ambiance dans les travées...
Parmi ses supporters, il y a Amine Benalia-Brouch, manifestement avide de lui serrer la main et d'être pris en photo avec lui. Bonnes blagues dans l'entourage du ministre : " Ah oui, ça c'est l'intégration... et lui, il parle arabe, hein ! " Humour franchouillard à la bonne franquette, parait-il.
Une femme y va gaiement (on apprendra plus tard qu'il s'agit de Marie Apathie, secrétaire départementale UMP dans les Landes) : " Il est catholique, il mange du cochon et il boit de la bière. "
Hortefeux renchérit : " Il ne correspond pas du tout au prototype, alors. "
Elle : " C'est notre petit Arabe... "
Le ministre : " Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes. " (Voir la scène en vidéo)
Bronca immédiate contre un " dérapage raciste ". Même si le militant arabe est aussitôt venu à la rescousse du ministre, assurant que celui qui avait inauguré le tout premier et très controversé ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale en 2007 ne lui avait pas manqué de respect.
On peut écouter ce qu'il en dira, quelques heures après que la polémique se mette à enfler. (Voir la vidéo)
Assez vite après la diffusion des images par LeMonde.fr, on mitonne un communiqué au ministère :
" A l'occasion des universités d'été de l'UMP, alors qu'il prenait une photo à la demande d'un jeune militant, des commentaires du public ont porté sur les caractéristiques supposées des habitants de l'Auvergne, région d'origine de Brice Hortefeux.
Celui-ci a alors précisé "s'il y en a un, ça va ; c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes" par référence aux très nombreux clichés qu'il venait de prendre avec la délégation auvergnate et alors qu'il s'apprêtait à partir. "
Un peu plus tard, le ministre répondra par téléphone à LCI pour dénoncer " une ridicule polémique ". Sa ligne de défense est pourtant loin du dialogue dont vous venez de découvrir la retranscription. (Ecouter le son)
Humour toujours
De l'humour auvergnat, donc, pour l'UMP. Une ligne de défense déjà utilisée lors d'un précédent épisode. Le 15 janvier, jour de la passation de pouvoirs au ministère des Affaires sociales avec Xavier Bertrand, devant des journalistes, Brice Hortefeux dit à propos de la chargée de la Politique de la Ville, Fadela Amara :
" C'est une compatriote, même si ce n'est pas forcément évident, je le précise. "
Sourire crispé de l'intéressée, et rétropédalage de Hortefeux sur le même ton qu'aujourd'hui : évidemment, c'était de leur origine auvergnate partagée, qu'il parlait. Sur le plateau du Grand Journal, sur Canal +, Fadela Amara parle de simple " chambrage, comme on dit dans les cités " et nie avoir été " humiliée publiquement comme une bécasse ". (Voir la vidéo)
Plus limite encore, le 25 novembre 2007, quand on demande à Hortefeux sur le plateau de Capital, sur M6, s'il y aura " toujours des sans-papiers sur le territoire français ", le ministre de l'Immigration répond :
" Ben si vous rêvez d'une société idéale dans laquelle il n'y aurait que des citoyens honnêtes, propres (...), la vérité c'est que c'est un combat permanent. " (Voir la vidéo)
Humour encore ? A Seignosse, au raout UMP du week-end dernier, Audrey Cerdan, la photographe de Rue89, avait surpris cet échange entre Brice Hortefeux et quatre jeunes Noirs qui voulaient se prendre en photo avec le ministre. Les jeunes pop " alpaguent leur ministre :
" Monsieur Hortefeux, une petite photo pour la diversité ? "
Réponse de l'intéressé :
" D'accord, d'accord, mais vite alors. Parce que la diversité, j'ai déjà donné il y a quelques années. " Un " gros raciste " pour Rachida Dati
Qu'en disent les membres du gouvernement d'origine arabe recrutés par Nicolas Sarkozy depuis son entrée en fonction ?
En privé mais aussi devant Claude Guéant et quelques ministres qui lui étaient proches, Rachida Dati a plusieurs fois qualifié Brice Hortefeux de " gros raciste ". Durant ses derniers mois passés au gouvernement, le " meilleur ami " du Président était même devenu une véritable obsession pour Dati, qui disait ressentir de façon " physique " ce racisme.
Quant à Fadela Amara, qui le pratiquait, de plus loin, du temps de son combat à SOS Racisme ou Ni putes ni soumises ? La journaliste Cécile Amar, qui a publié en mai 2009 une biographie de Amara, précise qu'elle aussi avait à l'époque des mots durs contre Hortefeux.
Depuis, Amara, qui s'est rapprochée de Sarkozy et était passée sous la tutelle de Brice Hortefeux en janvier, semble s'être ravisée.
Le Mouvement des jeunes socialistes demande sa démission
Cette polémique qui tombe au plus mal après la mise à la retraite d'office du préfet Girot de Langlade, qui a accusé fin août le même Hortefeux de s'être refait " une virginité antiraciste " en le mettant à pied après des accusations de propos racistes dans un aéroport.
Interrogé par le Post ce jeudi, l'ex-préfet n'a pas boudé son plaisir :
" M. Hortefeux s'est dévoilé. Ses propos sont racistes. J'ai été mis à la retraite anticipée pour bien moins que ça. J'attends de voir ce qui va lui arriver "
L'opposition, qui a aussitôt sauté sur l'occasion, dénonce elle aussi aujourd'hui la xénophobie du ministre. Les Verts parlent de " l'esprit lepéniste " de Hortefeux, quand Benoit Hamon (PS) réclame sa démission.
Reste à voir combien de temps tiendra le cache-sexe de l'humour. On se souvient ainsi que le même Hortefeux avait trouvé l'argument un peu court lorsque les Indigènes de la République avaient dénoncé l'esprit " souchien " en créant leur parti. C'était le 15 mai 2008, et voici ce qu'il déclarait alors sur Radio J :
" Les jeux de mots peuvent faire du mal, peuvent être insultant. [...] Comme citoyen et comme responsable publique j'ai été profondément heurté et choqué par ce jeu de mot. Quand on est sur le territoire français, territoire qui vous accueille, vous nourrit, qui vous héberge on le respecte. [...] Cela n'est pas acceptable. "