La mère pouvait tout passer à sa fille, même la mort ?

D'euthanasie, il n'en est déjà plus question au procès de Josiane Humbert qui a débuté ce mercredi. Cette habitante de Beaujeu a reconnu avoir étouffé sa mère, atteinte de sclérose en plaques avec une couverture. La cour s'interroge maintenant sur la personnalité de cette femme qui a passé sa vie a prendre soin de sa mère et a fini par l'assassiner.

Tout est dit. Josiane Humbert a reconnu les faits dès le début du procès. Elle a bien tué sa mère, Suzanne Michel, dans la nuit du 30 mai 2005, "pour abréger ses souffrances". La vieille dame était gravement malade depuis vingt ans, atteinte d'une sclérose en plaques dégénérative et très douloureuse. Mais pour autant, elle n'avait jamais manifesté le souhait de mourir, selon ses proches. Ni les aides soignantes qui se relayaient à son chevet, ni aucun dossier médical n'a jamais fait mention d'une telle demande ou du moindre début de dépression, indiquait le légiste jeudi, au deuxième jour du procès.

Pourtant, paralysée de la moitié inférieure du corps, en fauteuil roulant, Suzanne Michel, vivait chez sa fille et son gendre depuis de nombreuses années. Josiane Humbert, sa fille, lui administrait quotidiennement un traitement à base de morphine et des médicaments pour atténuer la douleur, aidée de deux aides soignantes qui passaient chaque jour à son domicile pour l'aider à lui faire sa toilette, l'habiller et la mettre à table, lui donner son traitement, sept jours sur sept, au lever et au coucher.

"Madame Michel était très gentille, témoigne l'infirmière coordinatrice de l'association A.I.A.S.A.D d'aides soignantes du canton de Beaujeu-Monsol, elle parlait de tout avec nous, de sa fille, de ses petites filles, elle ne se plaignait jamais d'être malade, même si elle avait mal". Même son de cloche du côté des infirmières de la clinique de Beaujeu, où la malade se rendait une fois par an le temps d'une cure. Elles notaient "une communication très agréable" avec la patiente. Très peu d'éléments en revanche sur le comportement de la vieille dame à la maison, en dehors du passage des infirmières. On sait simplement que Suzanne criait de douleur quelquefois, et que le traitement morphinique ne fonctionnait pas toujours.

La fille, plus souffrante que la mère ?

Comme souvent, dans le maintien à domicile de personne malade et vieillissante, la personne aidante est tout aussi en souffrance que le malade lui-même, voire plus. "On sentait une très grande usure, un raz-le-bol chez la fille, Josiane Humbert. Elle nous suivait partout dans la maison et ne nous laissait jamais seule au moment des soins avec sa mère. Bien sur, on avait besoin d'elle pour les soins. Mais elle nous harcelait aussi avec ses propos très durs. "Quand est-ce qu'elle va crever la vieille, il faudrait tous qu'ils meurent ces vieux, etc", témoigne à la barre une deuxième aide soignante, interrogée par le président. Témoignage corroboré par deux autres témoins.

Les aides soignantes s'inquiètent des propos de la fille et se confient à leur responsable. Celle-ci propose plusieurs fois à Josiane Humbert de placer sa mère en maison de retraite et lui conseille de prendre des aides à domicile. Mais elle refuse catégoriquement. Comme si personne ne devait rentrer dans ce huis clos avec sa mère. La veille de la mort de Suzanne Michel, il fait très beau, on sort la malade sur son fauteuil roulant pour prendre le soleil. Sa fille lui offre même une orchidée. Puis, le soir, une aide soignante passe pour le coucher. "Madame Michel était de très bonne humeur, indique-t-elle à la cour, elle m'a dit à demain, car elle savait que c'était moi qui passait le lendemain au lever", confie l'aide-soignante. "Mais quand je suis arrivée à 7 heures le lendemain, elle était morte", déplore l'aide à domicile. Les larmes lui montent aux yeux.

La tueuse s'est vendue toute seule

Entre temps, Josiane Humbert a parlé. Elle aurait déjà tenté de tuer sa mère une quinzaine de jours plus tôt et s'est confiée à une aide-soignante. Avec le même stratagème, la couverture appuyée sur la tête, "parce que c'est plus doux". La vieille dame se serait débattue dans son sommeil, elle respirait difficilement au réveil, mais elle n'est pas morte ce jour là. Sa fille l'a raconté à une aide soignante qui n'y a pas cru. Mais qui a poussé un cri d'horreur quinze jours plus tard quand elle a appris la disparition de sa patiente. "C'est pas vrai, elle l'a fait !", a t-elle réagi devant sa responsable.

La deuxième fois, Josiane Humbert ne s'est pas ratée. Elle s'est même faite aider de son mari pour appuyer la couverture sur la tête de sa mère et étouffer plus sûrement sa mère. "Celle-ci avait le visage violacé au matin de sa mort", se souvient l'aide-soignante qui l'a découverte. Le mari comparait devant la cour d'Assises aujourd'hui aux côtés de sa femme pour complicité d'assassinat. Mais le jour du meurtre personne n'a rien dit. Six mois après seulement, Josiane Humbert se confie à nouveau et aggrave son cas.

Elle croise une ancienne aide soignante qui lui présente ses condoléances, et s'excuse de ne pas s'être rendue aux funérailles de sa mère. Josiane Humbert lui répond alors brusquement : "inutile de vous dire que c'est moi qui l'ai fait. Mais ne vous inquiétez pas, je l'avais bien shootée avant, je lui ai mis une couverture sur la tête, elle s'est débattue et ça été vite fait". L'aide soignante n'en revient pas. A nouveau, elle ne dit rien sur le coup. Et Josiane Humbert termine, "surtout, ne le répétez à personne, sinon j'irai en taule".

Elle voulait profiter de la vie par tous les moyens

Josiane Humbert voulait-elle soulager sa conscience ? "Elle croyait que nous étions amies, témoigne l'aide soignante à qui elle s'est confiée, mais moi je ne faisais que mon travail. Je suis comme ça, je travaille pour les malades et aussi pour leurs proches, je suis énormément à l'écoute". Mais l'aide soignante n'a pas pu garder le lourd secret que lui a confié la meurtrière, elle a tout raconté à son mari le jour même et quelques jours plus tard, elle s'est confiée à une collègue et enfin à sa responsable, qui a fini par écrire au procureur de la république de Villefranche-sur-Saône, six mois après.

En tout état de cause, selon les aides soignantes, la fille et la mère entretenaient une relation totalement fusionnelle. L'une d'elles les a même comparées à un couple dont on ne pouvait pas se mêler. Josianne Humbert était fille unique, elle s'occupait de sa mère depuis sa plus tendre enfance, et compensait les méfaits de la maladie en donnant un coup de main au magasin familial. Elle est restée auprès de sa mère, comme une béquille qui finit par faire défaut au bout de soixante ans de bons et loyaux services. Avec quelques pétages de plombs tout de même en cours de route, une liaison avec l'ex petit-ami de sa fille, des rapports très conflictuels avec ses deux filles depuis toujours et un mari, malade du dos, dont elle espérait qu'il meure rapidement pour vivre enfin sa vie.

La malade elle, selon les aides soignantes, adorait sa fille, "elle nous répétait à longueur de journée qu'elle ne voulait être une charge pour sa fille, surtout pas", indique une aide soignante. Une autre raconte qu'elle l'aimait "sans condition, elle lui passait tout". Même la mort ? Josianne Humbert en tout cas a mis fin aux jours de sa mère. Et si on en croit les propos des aides soignantes, elle avait même déjà tenté de l'assassiner quinze jours plus tôt. Or selon le médecin légiste, toute tentative d'étouffement devrait réveiller logiquement une personne qui dort, même malade. Suzanne Michel savait-elle donc que sa fille voulait la tuer ? A mi-parcours du procès, la fille ne semble pas en tous cas regretter son geste.

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