Sytral : petite boucherie entre amis

Dans une ambiance hyper-électrique, le comité syndical a vu ses administrateurs s'écharper, non pas sur la grève des TCL, mais sur l'affaire des indemnités indûment perçues. Plusieurs ont demandé la tête du président et du vice-président, mis en cause. Gérard Collomb s'est mué en avocat de la défense. Il fallait sauver le soldat Rivalta. Récit.

Ils ont finalement bien fait de reporter le comité syndical du 24 septembre. Une avalanche de scuds en pleine grève des TCL n'aurait pas été du meilleur effet. Ce jeudi 15 octobre alors que les administrateurs étaient enfin réunis, la grogne des chauffeurs de bus a été peu évoquée. En revanche, il fut longuement question des indemnités de Bernard Rivalta, le président du Sytral.

Rappel des faits : entre 2001 et 2005, celui-ci a indûment perçu 161 000 euros, soit l'équivalent de 3273 euros mensuel alors que la loi, de surcroît postérieure, ne fixait ses émoluments qu'à 674 euros. Sommés par la Cour administrative d'appel de rembourser les montants en question, le président et son comparse, le vice-président UMP Georges Barriol, ont trouvé le subterfuge : s'attaquer eux-mêmes en justice.

"Quand on n'a pas la probité nécessaire"

A l'origine de la procédure contre Rivalta, Béatrice Vessiller, (Les Verts), fourmillait d'impatience de l'interpeller en cette rentrée. L'adjointe villeurbannaise n'y est pas allée avec le dos de la culière. "Si le recours est possible, il est ubuesque, scandaleux sur le plan éthique", martèle-t-elle. Et de faire le lien avec le mouvement syndical. "Quand on n'a pas la probité nécessaire, il est difficile d'être entendu". A l'autre bout de la table, Rivalta s'étrangle, lui demande aussitôt de répéter son mot. Ce que la Villeurbannaise fait, sans aucunement se démonter.

A ses côtés, Richard Llung, lui aussi adjoint villeurbannais mais socialiste, prend la parole, chattemite. Ces deux-là ont sans doute répété leur numéro avant de venir. Llung entame son exposé. "Ce problème éthique ne vous met pas en meilleure situation pour négocier avec les salariés", observe-t-il. Avant de poursuivre, sur un ton tout aussi patelin. "Ces questions éthiques reviennent souvent", mentionnant, plein de culot, l'embauche contestable de Thomas Collomb au Sytral, à la barbe du maire de Lyon, heureusement bien assis. Il faut le savoir, Llung est un proche de Jean-Paul Bret, lequel n'est pas ami-ami avec le président du Sytral.

"Trop c'est trop !", tempête l'adjoint villeurbannais, trouvant l'attitude du président du Sytral "indécente" et demandant le remboursement des sommes perçues. Rivalta, indigné, lui coupe aussitôt la parole. Mais Collomb, bon seigneur, la lui redonne, en véritable maître des lieux. "L'erreur dure depuis trop longtemps pour ne pas être coupable", conclut Richard Llung, avant d'ajouter, narquois, qu'il "accepterait" la démission de Rivalta si celle-ci se présentait. Des éclairs ont traversé la pièce.

"Des méthodes occultes"

Difficile a priori pour Denis Broliquier (divers droite) de suivre pareil tempo. Il y parvient pourtant. Commençant sur la grève durant laquelle Rivalta a selon lui, "soufflé le chaud et le froid", il revient au sujet principal, accusant l'intéressé de "défaut de gouvernance que certains associent à des méthodes occultes". Le mot fait bondir l'assistance. "Vous auriez intérêt à démissionner pour assainir le fonctionnement du Sytral", leur conseille-t-il, cruel. Vient alors le tour de Gérard Collomb qui renverse la vapeur, se muant en avocat de la défense. Il ne lui manquait que la robe en peau de lapin.

Au départ, c'est pourtant l'agrégé de lettres classiques qui parle. Et improvise un cours magistral. Dénonçant les attaques ad hominem, le président du Grand Lyon s'amuse de la prétérition dont font usage les interventions précédentes. Citant Victor Hugo, cette figure de style consiste à parler d'un événement en prétendant ne pas vouloir l'évoquer - ici les indemnités.

L'effet de manche de Collomb

Le maire de Lyon donne très vite le ton. "Si quelqu'un a des doutes (ndlr : sur la probité de Rivalta), je lui conseille d'adresser une lettre au procureur de la République, sinon qu'il se taise". A tout jamais... Et Collomb de citer l'indemnité d'un adjoint d'arrondissement, 1310 euros brut, qu'il compare aux 674 euros que devrait légalement toucher le président Sytral dont les responsabilités sont autrement supérieures.

"Je connais bien ses défauts (ndlr : ceux de Bernard Rivalta), poursuit-il les trémolos dans la voix, et il en a beaucoup, mais je lui reconnais cette efficacité". Un jour, promet-il, il portera sur la place publique une évaluation sur l'efficacité des uns et des autres. Les élus présents, qui l'ont vu à la télé exhiber le salaire des chauffeurs de bus, en sont devenus blêmes. "L'éthique, c'est d'abord respecter sa parole", lance Gérard Collomb. Et de lire une lettre de Paul Coste, président du groupe des Verts, dans laquelle celui-ci s'engageait en 2008 à voter les budgets de l'exécutif socialiste et à ne pas poursuivre en justice Bernard Rivalta. Joli effet de manche. Il lui a peut-être seulement manqué de brandir le courrier.

"Qu'ils démissionnent"

Des seconds couteaux poursuivent. Il faut sauver le soldat Rivalta. Maire PS de Rillieux, Renaud Gauquelin, dénonce "des attaques désespérantes" visant nommément Richard Llung, "un socialiste qui gagne sa vie grâce au parti socialiste". Yolande Peytavin (PCF) interpelle Béatrice Vessiller : "tu ne peux pas t'acharner comme ça". Un 3e tonne : "c'est du harcèlement et le harcèlement est puni par la loi. J'attends de ces élus qu'ils démissionnent".

Les deux frondeurs reprennent la parole, un peu penauds mais sans se déjuger. Béatrice Vessiller, calme, précise que l'engagement de Paul Coste ne valait que pour des poursuites au pénal et que les débats qui les opposent est celui "de respecter la loi". Rien que la loi.

Les cantonales de Villeurbanne

Richard Llung objecte à Renaud Gauquelin qu'élu, il n'est pas payé par le parti. Bernard Rivalta qui rongeait son frein lâche aussitôt : "Il y a bientôt des élections à cantonales à Villeurbanne". Comprendre : Richard Llung trépigne de se présenter. En revêtant les habits de la vertu, il espère sans doute engranger quelques bénéfices... et peut-être défier le président du Sytral en son fief. Mais l'élu villeurbannais marmonne qu'il n'est intéressé ni par le canton de Villeurbanne nord (celui de Rivalta), ni par Saint-Fons ou Vénissieux où le président du Sytral, à présent conseiller municipal à Vénissieux, pourrait chercher un point de chute. En réalité Richard Llung convoite le canton de Villeurbanne sud, détenu par Lilian Zanchi, dissident socialiste et proche du président du Sytral.

Bernard Rivalta se décide enfin à avoir quelques mots sur le conflit social... pour clairement signifier qu'il n'est pas concerné. "Les salariés en grève ne sont pas ceux du Sytral mais de Keolis, société privée", souligne-t-il. S'il ne veut pas nommer un médiateur comme les syndicats l'y pressent, il estime normal que "le réseau se modernise".

Mais comme décidément la grogne sociale le préoccupe bien peu, il revient vite sur sa situation, affirmant que d'autres présidents d'autorités organisatrices de transports en commun avaient longtemps continué, comme en Isère, à toucher de belles indemnités. Et rappelant qu'en prenant ses fonctions, il a été obligé de "démissionner" de son emploi et de pointer "au chômage". Pas sûr qu'il soit plaint : élu municipal à Vénissieux, au Grand Lyon, au Conseil général et au Sytral, il émarge à plus de 7000 euros par mois.

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