Lectures, performances orales… la poésie et la littérature se retrouvent de plus en plus sur la scène.
Alors qu’un grand nombre d’intellectuels s’inquiètent d’une “crise de la poésie” en France, jamais lectures et performances ne se sont aussi bien portées. S’agit-il de la renaissance d’une transmission orale de la littérature, ou encore d’un phénomène de consommation éphémère du texte ? La 14è édition du festival Parole Ambulante est l’occasion de faire le point avec Thierry Renard, directeur de l’espace Pandora et organisateur de l’événement, avec Annie Zadek et Emmanuelle Pireyre, deux auteures invitées, et avec la comédienne Anne de Boissy, autant de bergers de l’oralité qui aident à mieux saisir les enjeux du phénomène dans le monde littéraire contemporain.
Dans les librairies, les bibliothèques et la plupart des cafés, fleurissent des rencontres littéraires où, le plus souvent, le lecteur se retrouve en contact direct avec un auteur ou un comédien. “J’ai constaté que dans les années 60/70, les écrivains sont beaucoup restés chez eux. Mais aujourd’hui il semble que les auteurs font de plus en plus de lectures en public de leur texte,explique Thierry Renard, directeur de l’espace Pandora. D’ailleurs il y a une professionnalisation des lectures grâce à l’augmentation du public depuis les années 90”. Optimiste et confiant sur l’ampleur du phénomène, il ne croit pas au danger de la perte de qualité, et avoue même préférer “prendre le risque du multiple à l’oral, plutôt que celui de se positionner de manière élitiste”. Il précise que lorsqu’il porte sa casquette d’éditeur sa démarche n’est pas la même, “je publie uniquement les livres qui me semblent nécessaires”.
Une “performance d’art contemporain”
Forme essentielle, l’expression orale du texte fait son retour chez toute une jeune génération d’auteurs, enrichissant souvent l’œuvre en la mêlant à d’autres formes artistiques comme le cinéma, la musique, la photographie… Emmanuelle Pireyre, écrivain, est venue par hasard à lire ses propres textes : “Au début cela me semblait inconcevable, aujourd’hui c’est tout mon processus d’écriture qui a été modifié par cette expérience de l’oralité”. La jeune auteure réadapte et réinvente son œuvre lorsqu’elle doit en faire une lecture publique enrichissant le texte de vidéo, de photos… “Ce que je fais est de l’ordre de la performance d’art contemporain très écrite, c’est comme un produit dérivé de mon écriture. La recherche fondamentale c’est les livres et la recherche appliquée c’est les lectures en public”, analyse-t-elle. Mais dans ses conférences loufoques et délirantes, l’oralité est clairement utilisée pour une quête du sens et non du son, contrairement à l’écrivain Annie Zadek. “J’ai besoin de lire mes textes devant un public, l’oralité me permet de voir la résonance de l’œuvre, d’entendre comment les mots claquent et sonnent”, confie-t-elle. Une vision de la littérature sur scène que partage la comédienne Anne de Boissy, qui envisage la poésie de l’oral comme “une partition musicale qui révèle les silences”.
Résurrection de la poésie par la scène
Il y a eu le romantisme, le symbolisme, le surréalisme... Et, aujourd’hui, l’art poétique fait face à une absence de grands néologismes ou d’école dominante pour le qualifier, comment alors envisager la postérité de cet art du 21ème siècle qui semble trouver sa place uniquement dans l’oralité et, donc, l’éphémère ? Thierry Renard, toujours positif, explique que “cette période de confusion n’est pas liée qu’à la poésie. Les grands courants esthétiques sont dus à des époques et finalement la diversité, l’interdisciplinarité, les nouvelles technologies informatiques, la libre circulation des textes et l’importance de la scène aujourd’hui montrent que tout est possible et que la liberté est infinie”. L’oralité apparaît alors comme une nouvelle voie pour le texte où le contact avec les corps et les voix semble primordial et où le poète ou même le romancier prolonge son œuvre ou la révèle à un public qui cherche de plus en plus une rencontre en chair et en os avec le monde des mots.
Festival Parole Ambulante.
Du 20 au 24 octobre.
04 72 50 14 78
www.espacepandora.org