Voile intégral : Le débat passe par Lyon

Qualifiée dans un article du Nouvel Observateur d'“alliance sacrée entre politiques de droite défenseurs de l’identité chrétienne de la France et élus de gauche ultra-laïques”, la mission sur le port du voile intégral semble avoir encore du mal à s'imposer dans la présentation de ses motivations et de ses axes de recherches. Mais quelles qu'en soient les intentions, elle place au coeur de l’actualité médiatique la question de la montée de l’intégrisme, et souvent de façon disproportionnée tant ces niqabs et burqas sont finalement objets de fantasmes.

Nous sommes à la septième journée d'auditions à l'Assemblée nationale, il nous en reste dix”, a précisé le député PC à l’issue du passage à Lyon de la mission le 15 octobre. Ce jour là, des associations laïques, des personnalités du monde musulman et des travailleurs de l'Etat, de la Préfecture et du Département ont été entendus à la préfecture de Lyon par les membres de la mission parlementaires. “On veut auditionner des spécialistes du salafisme et on essaie aussi de trouver des femmes voilées qui veulent témoigner", a précisé André Gerin, député du Rhône, président de la mission. Et si ce dernier assure que “le but n’a jamais été de faire une loi”, le député ne nie pas non plus aspirer à une “réponse politique”. “On pourrait aboutir non pas à une loi portant spécialement sur le voile intégral, imagine-t-il, mais à des préconisations assez fortes sur les pratiques plus générales des intégristes islamistes, ces gourous”.

De 367 à 2000 burqas : un seuil suffisant pour une loi ?

La comptabilité des femmes porteuses du voile intégral étant encore sujet à caution (le chiffre de 367 avait été évoqué cet été avant de passer, à la louche, à 2000), la légitimité d’une loi est mise en cause. En effet, comme l’indique le juriste Jean Carbonnier, “il existe des seuils de trouble social et même d’injustice individuelle en deçà desquels il vaut mieux s’abstenir de faire une loi”, car ce n’est qu’en gros que le législateur a un devoir d’intervention. Face à cette réticence André Gerin est catégorique. “Ce n’est pas un combat de chiffre, le voile intégral n’est que l’iceberg des problèmes, il s’agit aussi de tout ce qui se passe aujourd’hui pour les jeunes filles dans certains quartiers, pour les garçons aussi”, explique-t-il.

Et du voile intégral aux émeutes de banlieue, pour le député, il n'y a qu'un pas : “quand on regarde de près, ça j’en suis persuadé, il y a un lien entre ça, les trafics de drogue, les mafias. Il y a eu les émeutes de 2005, qui ont touché 800 communes, moi je fais le lien, il y a de l’intégrisme islamique là-dedans.” Au vu d’un député s’emballant ainsi, la question de la stigmatisation de l’ensemble d’une communauté reste entière. “C’est exactement le contraire, ce sont les intégristes qui instrumentalisent l’Islam : c’est ce débat qui est délicat.” Délicat, en effet. Tout comme le fait qu’une interdiction de ces voiles risque non pas de les faire ôter à ces femmes mais plutôt de les cloîtrer chez elles. Les auditions de la mission vont se poursuivre pour tenter d’arriver à des réponses, et des enquêtes de terrain, “au plus près des associations militantes, mais aussi des offices HLM, par le biais des préfectures”.

La partie émergée de l'iceberg ?

A Lyon, le 15 octobre, les auditions ont permis de toucher à la réalité du phénomène. Les médecins de l'hôpital femme-mère-enfant (HFME) de Bron notamment, ont été entendus. Ils ont témoigné des difficultés qu'ils rencontrent au quotidien avec les femmes voilées, surtout avec leurs maris au moment des accouchements. Des assistantes maternelles du Département ont par ailleurs été entendus à huis-clos. Elles ont raconté les difficultés qu'elles rencontraient avec les intégristes dans les cités du Rhône, certains allant jusqu'à interdire à leurs femmes d'allaiter pendant le ramadan. André Gérin a également parlé de "ces lycées du Rhône où les professeurs ne peuvent plus faire cours d'histoire ou de biologie sans rencontrer des problèmes avec les élèves musulmans, impossible notamment pour les professeurs d'histoire de parler de la Shoah". "Des situations de plus en plus conflictuelles nous sont rapportées", a terminé André Gérin.

Prochaines auditions pour le député du Rhône et ses collègues parlementaires, le 5 novembre à Marseille et quelques jours plus tard à Bruxelles, “car il s’agit d’un débat européen”. La mission envisage de rendre son rapport fin janvier.

Dalya Daoud avec Lucie Blanchard

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