Grenoble vient de recevoir de Grand prix national EcoQuartiers 2009 du ministère de l'Ecologie et du développement durable tandis que Lyon Confluence est distingué dans la catégorie "densité et formes urbaines". Retour sur un concept qui, s’il n’est pas critiqué, risque de n’être absolument pas suffisant.
Les écoquartiers vont-ils devenir la nouvelle tarte à la crème du développement (durable) de nos villes ? Bien qu’encore assez flou, le concept est à la mode et séduit des élus locaux qui s’y soumettent de plus en plus non sans avoir organisé au préalable un voyage d’études pour voir les écoquartiers références d’Europe du Nord. Sur la cartographie des bonnes pratiques de l’écologie urbaine, quelques noms ont contribué à façonner la fibre environnementale de nos maires et élus. Les quartiers Bedzed à Londres ou Vauban à Fribourg sont des prototypes qui ont contribué à diffuser le modèle et les intentions d’un éco-urbanisme.
Visités, commentés et médiatisés, des opérations de “duplication” de ces écoquartiers sont aujourd’hui envisagées en France. Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, Jean-Louis Borloo, le ministre de l’écologie, a en effet lancé un concours afin de regrouper les collectivités qui souhaitent initier une démarche d’écoquartier. Quelques 160 dossiers ont été déposés. “Mais à qui sont-ils destinés et qui en payera le prix ?” interrogent les chercheurs Jacques Theys et Cyria Emelianoff à propos de ces écoquartiers. “On peut craindre qu’ils ne servent que de vitrines écologiques, dans le cadre de stratégies plus générales de “marketing urbain”. Ou qu’ils ne favorisent pas les tendances, déjà fortes, à une certaine forme de sécession urbaine”.
Sécession urbaine
Vauban à Fribourg ou BedZed pourraient avoir un effet similaire à celui produit par Bilbao avec l’architecture photogénique de son Guggenheim. Mais le plus inquiétant avec le concept d’écoquartier, c’est son paradoxe. Alors qu’il s’agit bien d’une éthique de la responsabilité devant les dégradations climatiques et environnementales, l’écoquartier ne contribue pas tout à fait à enclencher une démarche de développement durable de nos villes dans ses aspects sociaux notamment. L’écoquartier vise en effet un haut standard écologique et une quasi autosuffisance énergétique, ce qui l’oblige à faire appel à des technologies environnementales sophistiquées (photovoltaïque, bâtiment bioclimatique, etc.). Le surcoût initial de construction est estimé entre 15% et 20%. La question de la mixité sociale et des risques de “sécession urbaine” est dès lors engagée dans des quartiers qui ne risquent d’être vertueux que sur le plan des strictes normes technico-environnementales.
Dans le projet Lyon confluence, des systèmes d’accession sociale à la propriété ont été mis en place et 23% des logements sont à vocation sociale. Mais avec le risque cependant que cela reste inefficace. Si la plupart des expériences d’écoquartier en Europe du Nord fonctionnent, c’est parce qu’il y a d’abord une implication des habitants dans le projet. Cette implication suppose déjà une volonté de modifier des comportements en termes de déplacement, de consommation ou d’attitudes quotidiennes sur le recyclage ou les déchets par exemple. “Il faut donc agir directement sur le prix du foncier pour faire baisser le coût initial du projet” estime Bernard Soulage, vice-président de la région Rhône-Alpes, qui vit dans un écoquartier près de Grenoble. D’autres solutions existent pour faire baisser le coût d’une éco-construction à l’image de ces coopératives d’habitants en Allemagne, les Baugruppen, qui sont des associations de futurs propriétaires qui s’investissent dans un projet afin d’éviter de passer par un promoteur, ce qui leur coûte 15 à 25% moins cher que la réalisation d’un professionnel de l’immobilier.
L’intuition de Collomb
S’il est vrai que l’échelle du quartier est intéressante pour appréhender ce type d’expériences écologiques et de durabilité, elle ne résout en revanche aucune des difficultés qui se posent à la ville dans son ensemble. En la matière tout est à inventer ou presque. “Il faut absolument avoir un esprit critique avec les écoquartiers car ils ne règlent aucune des questions qui se posent aux métropoles d’aujourd’hui et notamment sur les questions de mobilité et de déplacement” juge Olivier Frérot, directeur général de l’agence d’urbanisme de Lyon. On estime qu’un aller-retour quotidien de 25 km consomme autant d’énergie annuelle que le chauffage d’une maison individuelle basse énergie. Si les élus locaux n’agissent pas sur l’étalement urbain et sur la nécessité de densifier la ville, alors l’utopie techno-environnementaliste des écoquartiers risque de demeurer inefficace et inopérante. En ce sens, le maire de Lyon, Gérard Collomb, a une intuition assez juste. “Il faut densifier la ville le long des axes de transport” juge-t-il.
Le Schéma de Cohérence Territorial (SCOT) de la métropole lyonnaise est pensé dans ce sens. Le travail de reconstruction de la ville sur elle-même, cette densification qui rompt avec l’étalement urbain et le mitage du territoire tout en préservant une agriculture périurbaine nécessaire à un mode consommation qui privilégie les produits locaux. Les projets d’écoquartiers en Europe du Nord sont des expérimentations intéressantes presque ludiques. Mais le véritable défi est d’opérer un changement d’échelle sur la ville dans son ensemble et sur le tissu urbain existant. Car bien plus que la création d’écoquartiers, les efforts doivent se concentrer également sur l’écorénovation. Dans le cadre du programme Lyon Confluence, ce travail d’éco-réhabilitation est entamé sur le quartier Sainte Blandine. L’isolation extérieure du bâti ou encore la pose de centrale photovoltaïque sur les toits de ce vieux quartier est envisagée. Cette écorénovation devra servir de modèle duplicable pour d’autres quartiers de Lyon. Même si la ville tâtonne, les réflexions sur la densité, sur la construction de la ville sur elle-même et sur l’écorénovation incite à penser qu’elle est sur la bonne voie de la construction d’une ville en transition écologique. S’il y a encore beaucoup à faire, au moins, ne tombe-t-elle pas complètement dans le piège de ce nouveau concept tarte à la crème qu’est l’écoquartier.
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