Le dernier débat public sur les nanotechnologies avait lieu mardi dernier. Jean Bergougnoux, président de la commission nationale du débat public (CNDP), dresse le bilan de cette consultation nationale, lancée en octobre.
Lyoncapitale.fr : Que faut-il retenir de ces cinq mois de discussions ?
Jean Bergougnoux : Une chose certainement : la société civile, que ce soit les associations de consommateurs, de protection de l’environnement, les philosophes, tous veulent participer à l’élaboration d’une gouvernance sur les nanotechnologies.
Comment comptez-vous échafauder cette gouvernance ?
Nous avons besoin d’un conseil consultatif indépendant qui s’occupe de la gouvernance en matière de nanotechnologies. Nous souhaitons qu’il soit composé d’une pluralité d’acteurs. Une fois créé, sa première tâche serait de garantir plus de transparence, de contrôler le développement des nanotechnologies et d’informer le grand public.
Vous avez dit mardi soir qu’il n’y aurait pas de moratoire global, pourquoi ?
On ne peut pas arrêter la recherche comme l’exigent les Amis de la Terre ou Pièce et Main d’Oeuvre. Parce que si on arrête, la Chine, les Etats-Unis continueront à développer ces technologies-là et l’ignorance serait la pire des choses. Après la question, c’est de savoir où choisit-on de poser les limites ? Il apparaît donc nécessaire d’avoir un cadre légal. Il faut aussi que chacun agisse de manière éthique : recherche publique et industriels.
Qu’allez-vous proposer dans votre rapport?
Les risques sur la santé et l’environnement ont accaparé une grande partie des débats. Nous allons donc proposer de mieux réglementer les applications nanométriques. Nous voulons notamment pousser les études sur la toxicologie des nanoparticules. Actuellement, la recherche publique ne mobilise que 3% de son budget pour ce type d’études, c’est insuffisant. D’autant que les inquiétudes sont grandes notamment pour des domaines comme l’alimentaire ou les cosmétiques. Nous souhaitons aussi améliorer la traçabilité et la visibilité des étiquetages des produits déjà commercialisés.
Concrètement, quels sont les risques ?
Je cite juste un exemple : les puces communicantes, comme celles que vous avez sur vos cartes de transport. A l’aide des nanotechnologies, elles pourraient devenir quasi-invisibles. D’ici deux ans, la technologie permettra de les implanter sous la peau. Il faut que la loi l’interdise, avant que ce soit possible. Mais on se heurte à une lenteur institutionnelle. Pendant ce temps, les industries avancent, guidées par le marché.
Quels sont les résultats de cette concertation à échelle nationale?
Malgré les controverses, ce débat a eu la grande vertu de développer l’information. Il était nécessaire, légitime pour peser sur les décisions à venir. D’ailleurs, son déroulement chahuté n’est finalement que l’expression d’attentes très fortes, auxquelles il faudra répondre.