Les avocats lyonnais plaident la nullité des gardes à vue

Les gardes à vues annulées cette semaine ? C'est du moins ce qu'espèrent Myriam Picot, bâtonnier de Lyon, et quelques avocats militants qui plaident pour leur annulation depuis lundi devant les tribunaux lyonnais. Ils dénoncent le caractère illégal de cette pratique.

800 000 personnes ont été mises en gardes à vue en France en 2009 dont 22 600 dans le Rhône, selon le Ministère de l'Intérieur. Problème : ces procédures sont illégales, selon les avocats du barreau de Lyon qui s'appuie sur un arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme. Celui-ci a rappelé à la Turquie récemment le rôle de l'avocat et sa mission auprès du prévenu afin d'assurer une défense équitable. En France, pour les délits mineurs, vols, trafic de stupéfiants notamment, passibles de 20 ans de prison en cas de récidive, les gardés à vue n'ont accès à un avocat qu'au bout de 48 à 72 heures. Illégal selon les avocats lyonnais. Quant aux magistrats chargés de la défense des placés en garde à vue, ils ne rencontrent leur client que peu de temps avant la comparution (immédiate), voire parfois le jour même.

Carine Monzat, avocate au barreau de Lyon et membre de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats souhaite surtout “avoir accès à la procédure dès la décision de mise en garde à vue“. L'avocate dénonce aussi l'absence de volonté des juges et des procureurs de faire appliquer le droit européen : “ils s'appuient sur le fait que l'arrêt Dayanan contre la Turquie a été renvoyé en appel et n'est pas applicable. Nous risquons pourtant d'être condamné par la Cour Européenne des Droits de l'Homme“.

Plaider l'annulation des gardes à vue toute la semaine

Lancé par le barreau de Paris, le mouvement a commencé à Lyon il y a trois semaines. Jusqu'à vendredi, Myriam Picot, le bâtonnier(1) de Lyon ainsi que plusieurs autres avocats vont plaider la nullité des gardes à vue devant la chambre des comparutions immédiates, espérant ainsi faire annuler les procédures. Parmi leurs principaux arguments ; la privation de liberté du prévenu qui ne peut pas se défendre lors de la décision, appliquée de façon systématique.

De leurs côtés, les syndicats de policiers parmi lesquels Eric Ségura, secrétaire du Syndicat National des Officiers de Police (Snop) en Rhône-Alpes Auvergne, approuve l'action des avocats. Cette procédure assure un certain nombre de droits au prévenu comme la possibilité de consulter un médecin, de prévenir sa famille, et … de bénéficier d'un avocat. Mais pour Eric Ségura, on ne pense pas assez aux victimes qui, elles, ne bénéficient pas de ce type de service.

Si Myriam Picot s'attend à ce que d'autres tribunaux suivent le mouvement, Carine Monzat, elle, reste sceptique quant à l'impact de cette action. “On espère avoir de bonnes chances concernant les mineurs“, affirme-t-elle néanmoins. Dans tous les cas, la transcription en droit français de l'arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme prendra du temps. Il conduira logiquement à un changement de loi en France. Des textes seraient actuellement en préparation.

Le conseil constitutionnel saisi

Et lundi, les comparutions immédiates se sont prolongées jusqu'à 22 heures au tribunal correctionnel de Lyon. Aucune annulation de garde à vue n'a été prononcée, néanmoins, comme à Paris, le tribunal a validé les arguments d'inconstitutionnalité des avocats lyonnais et il a saisi la Cour de Cassation afin que la loi française sur les gardes à vue puisse être examinée par le Conseil constitutionnel(2). Une victoire pour des avocats lyonnais “bien contents“. Ceux-ci projettent d'étendre leur action aux tribunaux pour mineurs et pour étrangers (tribunal administratif).

(1) Le bâtonnier est le premier des avocats d'un barreau parmi ses pairs.

(2) Depuis le 1er mars, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) permet à tout citoyen de contester devant le Conseil constitutionnel une loi dont il juge qu'elle porte atteinte à ses droits et libertés.

Virginie Coutière

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