illustration Culture va mal
© Tim Douet

La culture en pleine tourmente

Des manifestations de professionnels du monde du spectacle et de la création ont eu lieu, à Paris et Lyon, le lundi 29 mars à l’appel du Conseil de Vigilance Républicain, réunissant syndicats, associations, compagnies, artistes, techniciens, salariés, élus, tous "investis dans la préservation d’une politique culturelle". Devant l’Opéra de Lyon, ils étaient environ quatre cents bien décidés à alerter les esprits sur la menace qui plane sur l’art et la culture.

"Cette manifestation lyonnaise visait à appuyer celle de Paris, nous sommes dans la première étape d’un processus de lutte qui va nous amener jusqu’à la fin de l’année", explique Christophe Jaillet délégué du Syndicat Français des Artistes-CGT en Rhône-Alpes. Annoncée pour fin 2010, cette réforme des collectivités territoriales pourrait sonner le glas de tout un pan de la culture subventionnée. "Les Présidents de Région nous ont fait part de leur inquiétude en ce qui concerne la disparition de la taxe professionnelle qui représentait une grosse partie du budget du Conseil Régional", confie Christophe Jaillet qui craint que "la culture soit la première à pâtir de ce trou dans le budget". 70 % du financement public de la culture dépend de ces collectivités, d’où l’appréhension grandissante chez les professionnels du secteur. Présenté au Sénat, le projet de loi propose l’émergence d’un pôle département-région qui n’est pas sans créer une certaine controverse. « La culture est vraiment en train de subir une hémorragie du financement public. Les départements ne pourront pas se substituer à l’État », analyse Guillaume Cancade, délégué du Syndicat National Des Entreprises Artistiques et Culturelles, qui espère que « la compétence culturelle » sera conservée au sein des collectivités.

La taxe salariale, le ver déjà dans la pomme

Autre cheval de bataille pour les professionnels du monde du spectacle, la taxe salariale qui est venue se substituer à la TVA sur les subventions. Depuis 2006, les théâtres ne sont plus redevables de cette TVA mais doivent s’acquitter de la taxe sur les salaires à laquelle s’ajoutent toutes les charges patronales. Avec des subventions en stagnation depuis des années, de nombreux théâtres sont dans l’incapacité à l’heure actuelle de payer cette taxe, c’est le cas notamment du théâtre de Point du Jour à Lyon. "Nous avons eu un contrôle fiscal qui s’est soldé par 103 000 euros de redressement à cause de cette taxe. Il y a un gros litige actuellement entre Bercy et le ministère de la Culture sur ce sujet. On attend la décision nationale", confie Agnès Leblanc, l’administratrice du Point du Jour qui regrette que ces problèmes financiers aient amené le théâtre à faire des sacrifices pour la prochaine saison, "à l’heure actuelle, on est dans une telle situation qu’il a été décidé que Michel Raskine [ndlr. Le directeur du lieu] ne fera pas de création en 2010/2011".

La soif d’éthique

Au-delà des problèmes administratifs et financiers qui mettent réellement en danger la culture, les artistes dénoncent aussi le mépris du pouvoir dominant toujours plus enclin à « l’événementiel tapageur » au détriment de "la vraie culture". "Dans une démocratie qui a confiance en ses institutions, il n’y a aucune raison valable à créer un ministère de la culture bis", dénonce Guillaume Cancade du SYNDEAC. Le Conseil de la création artistique créé par Nicolas Sarkozy est en effet présenté par la plupart des professionnels de la culture comme un "contre ministère de l’Élysée" et "un fait du Prince inacceptable". "Il y a de plus en plus d’artistes qui sont dans une très grande précarité et il y a de moins en moins de créations", se désole Jacques Pabst, un des comédiens présents au rassemblement qui ajoute que "si les grandes structures avaient osé réagir en 2003 lors des premières manifestations, la situation serait peut-être différente", un point de vue que partage Christophe Jaillet du SFA-CGT.
"Le problème actuel, c’est que la crise touche tout le monde et tous les secteurs, donc la culture est noyée au milieu de tous ces problèmes mais il ne faut surtout pas oublier qu’elle est le ciment des esprits et de la nation", analyse Gérard Gerland, un artiste militant. Reste à savoir combien de temps encore les politiques continueront à s’appuyer sur un ministère de la culture qui n’a pas évolué et n’a pas été repensé depuis 1959, date de sa création...

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