Les Aventures Extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec : Besson, label époque

Aux commandes de l'adaptation de la célèbre BD de Tardi, Luc Besson fait son grand retour. Problème : plus qu'une adaptation fidèle de l'oeuvre papier, Adèle Blanc-Sec est une transposition des superproductions Besson dans l'univers de l'auteur et le Paris de la Belle Epoque. On eut préféré l'inverse.

Il y aura pour ce film deux types de spectateurs : les fans originels de la BD de Tardi, qui jugeront le film à cette aune pour être mieux déçus qu'on ait ainsi trahi leur ouvrage/héros/auteur favori. Car qui dit adaptation dit forcément trahison. Et ceux qui n'ont jamais lu Adèle Blanc-Sec et qui ne jugeront ce film qu'à l'aune du retour de Luc Besson à la réalisation, du moins à la direction d'acteurs, ce qui est pour certains une excellente nouvelle et pour d'autres l'occasion de se remettre à boire. Ses derniers films étant des oeuvres d'animation (la série des Arthur et les Minimoys), Adèle est en effet le premier «vrai film» de Besson depuis 2005 et Angel-A, qui devait être son dernier film. De ce point de vue, le résultat est sans surprise : Besson fait du Besson et les amateurs du réalisateur du Grand Bleu peuvent dormir tranquille (dans ou hors de la salle, c'est comme on veut). A ceci prêt que Besson a tendance à faire du Besson qui fait du Jeunet, avec sa narration en voix-off très marquée Amélie et Cie et son Paris d'antan (nous sommes en 1912 et on s'y croirait) qui sent bon la baguette chaude et la truculence rougeaude. A cet égard – l'égard Jeunet donc – les premières minutes du film frôlent le plagiat stylistique et/ou le manque d'inspiration mais l'emprunt est de courte durée.

L'humour de Taxi

Sinon, comme souvent chez Luc Besson, on a affaire à une héroïne pas très aimable, entourée d'abrutis notoires. La dite héroïne, Adèle, journaliste-aventurière à tête de mule, a dans l'idée, fixe, de réveiller une momie pour ressusciter sa soeur, tandis que (c'est lié) un Ptérodactyle sème la terreur dans Paris. Et comme il s'agit de donner vie à une BD (oui parce que sinon le coup du Ptérodactyle et de la momie, on n'y croit plus), la plupart des personnages sont grimés à l'extrême (on peut ainsi jouer à qui est qui, ce qui occupe cinq minutes) et mettent un point d'honneur à mal jouer, à faire des têtes (l'Oscar du roulage des yeux est d'ores et déjà promis au pauvre Gilles Lellouche) ou à déclamer des punchlines surécrites et un peu à l'étroit. Comme souvent Luc Besson, tout à son enthousiasme, tente de coller un maximum de bons mots en un minimum de phrases, ce qui a l'effet inverse de celui escompté. Car non l'humour de Taxi n'est sans doute pas transposable en 1912, ni même transposable du tout d'ailleurs.

Adèle II, le retour

En réalité, le film aurait sans doute gagné, comme les albums de Tardi, à plus de noirceur. Celle-ci ne vient que par petites touches et comme autant de cheveux sur la soupe à la rigolade : la soeur zombie d'Adèle, conservée plus ou moins morte, et son accident de tennis tragiquement drôle, aparté étrangement glauque dans la bouffonnerie générale. D'où cette question : quand le réalisateur, qui sait quand même manier une caméra, il faut lui laisser cela, déléguera-t-il ses scénarios et ses dialogues à des gens dont le métier est aussi de rendre crédible un personnage et de savoir quand il n'est plus besoin d'en rajouter ? On aurait sûrement aimé davantage cette Louise Bourgoin mi-Tintin mi-Indiana Jones en triple jupon si Besson ne lui avait encombré la bouche de dialogues à la mitraillette et d'invectives agacées récitées comme à la parade sans égard pour ses interlocuteurs. D'où cette impression que les autres personnages ne sont que des faire-valoir qui n'intéressent guère Luc Besson. Au point que le méchant présumé du film (Mathieu Amalric si méconnaissable que ce pourrait être votre beau frère, vous n'y verriez que du feu) n'a droit qu'à deux scènes trop syndicales. Dont celle, finalement cruciale, qui ouvre sur un possible Adèle II, le retour (de la momie?) qui voudrait visiblement aller titiller James Cameron sur ses terres (ou plutôt ses mers) titanesques. Bizarrement, on a hâte.

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