Par Laurent Mucchielli | Sociologue, directeur de recherches
Les événements qui se produisent dans le quartier La Villeneuve à Grenoble depuis vendredi soir n'ont rien de surprenant.
Des policiers ont tué un braqueur dans son quartier, des voitures ont brûlé, quelques groupes de jeunes ont joué à la guerre avec la police. Des individus isolés ont fait usage d'armes à feu. La plupart seront arrêtés, déférés et condamnés-comme on l'a vu ces semaines dernières au procès des émeutes de Villiers-le-Bel.
Mais les commentaires politiques qu'ils suscitent sont désespérants de banalité et de superficialité. Pourtant, il est facile hélas de constater que les mêmes causes produisent les mêmes effets, que ceci se produit à bas bruit tous les jours dans des centaines de quartiers en France et peut dégénérer à tout moment lorsqu'il y a mort d'homme.
La raison de fond en est simple : qu'on le veuille ou non, la société française exclut une partie de ses citoyens du jeu social. Elle le fait d'une double manière :
- matérielle, en les maintenant dans une situation de marginalité socio-économique,
- symbolique, en les « démonisant » au travers de la violence et de la religion, et en leur renvoyant finalement la responsabilité de leur situation.
Car, selon les responsables politiques et certains acteurs de terrain, « on a tout essayé » et « on injecte des millions d'euros dans la politique de la ville ». Qui, bien entendu, serait « un échec ».
Mais qui prend le temps de savoir où sont investis ces fonds ? Qui sait que, pour le quartier La Villeneuve de Grenoble, il existe une convention ANRU (janvier 2009) qui prévoit une énorme opération de démolition, reconstruction, réhabilitation et « résidentialisation » pour un montant de 74,4 millions d'euros. Oui, vous avez bien lu : 74,4 MILLIONS D'EUROS, investis dans la pierre !
Depuis 2003, la politique de la ville est un désastre
Il est temps de le dire haut et fort : cette politique (conduite depuis la loi du 1er août 2003 « pour la ville et la rénovation urbaine ») est un désastre et témoigne d'un aveuglement ou d'un cynisme sans nom. Toutes les enquêtes montrent que les habitants des HLM des quartiers ne se plaignent pas principalement de leur logement, du moment que l'ascenseur fonctionne et qu'un minimum de propreté est conservée.
Cet argent, c'est dans l'humain qu'il faut l'investir ! Et en partant des besoins exprimés par les habitants plutôt qu'en décidant à leur place ! Car l'énorme problème de l'échec scolaire pourrait être largement résolu avec de tels fonds. De même que bien des problèmes de la vie quotidienne des parents et des personnes âgées.
De même que l'on pourrait réfléchir et imaginer toutes sortes d'emplois et de formation rémunérées pour la plupart de ces jeunes qui « tiennent les murs » et s'alcoolisent à longueur de soirée, quand ils ne sont pas pris dans la spirale de la délinquance. Refaire les immeubles en laissant les humains à l'intérieur dans le même état de détresse sociale et psychologique a quelque chose de criminel !
Photo : dans le quartier de La Villeneuve à Grenoble samedi (Tepetate)
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Discours vieux de 25ans, insupportable a lire.On a l'impression que ce sociologue sort tout droit des années 80. Les mechants c'est les petits français, qui ne partagent pas et qui n'aiment pas une religion pourtant super.
@stivostine: tout a fait d'accord avec vous